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« Sephora kids » : pourquoi les cosmétiques ne doivent pas être utilisés par les enfants
Céline Couteau, Auteurs historiques The Conversation France et Laurence Coiffard, Auteurs historiques The Conversation FranceElles ont entre 9 et 13 ans et elles connaissent déjà les magasins Sephora comme leurs poches. Sous l’impulsion d’influenceuses adolescentes telles que l’Américaine North West Kardashian, elles cherchent leur bonheur dans un pot de crème anti-âge ou au creux d’une brossette de mascara pour cils XXL.
Les médias se sont emparés de ce phénomène, et les sujets traitant du hashtag auquel il a donné naissance – #Sephorakids – se multiplient. Mais cette popularité n’en rend pas ces pratiques moins problématiques. En effet, quelle que soit l’enseigne qui les commercialise, les cosmétiques ne sont pas adaptés à un si jeune public. La littérature scientifique répertorie d’ailleurs un certain nombre d’accidents liés à l’emploi de produits non adaptés ou mal employés.
Des produits qui ne sont pas adaptés aux enfants
Le recours au maquillage date des temps les plus reculés et a pu, historiquement, selon les époques et les lieux, concerner aussi bien le petit enfant que l’adulte. C’est en particulier le cas du khôl, appliqué chez les nourrissons pour garantir, du moins le pensait-on, la bonne santé oculaire (des travaux ont révélé que cette pratique, répandue, peut être problématique lorsque le produit contient du plomb – soulignons que les métaux lourds sont interdits dans les cosmétiques en Europe), ou des fonds de teint, très opaques, qui permettaient de conférer au teint des jeunes geishas cette teinte extrêmement blanche si convoitée.
Aujourd’hui, dans nos contrées, certains semblent considérer que les enfants seraient en quelque sorte des « modèles réduits » d’adultes, ce qui les autoriserait, dès le plus jeune âge, à recourir au gel coiffant, à des produits de maquillage (ombre à paupières, rouge à lèvres…), ou à utiliser des crèmes solaires à outrance (rappelons que les préconisations concernant les jeunes enfants sont de limiter l’exposition au soleil et d’employer des vêtements couvrants). Le tout dans un contexte purement mercantile, ce qui ne devrait pas manquer d’alarmer…
Cet usage de produits cosmétique participe de la sexualisation précoce des fillettes et plus largement de l’hypersexualisation des plus jeunes, dont les conséquences en matière d’image de soi, de santé ou de conduites à risques inquiètent certains auteurs.
L’autre problème majeur lié à l’emploi de cosmétiques par les plus jeunes concerne la composition de ces produits, qui n’ont pas été formulés pour correspondre aux organismes des enfants et des préadolescents. Ces cosmétiques ont en effet pour cible la peau dite mature, pour ne pas dire âgée !
Un rapport bénéfice-risque défavorable
Lorsque des enfants utilisent des produits destinés à prévenir le vieillissement cutané, non seulement le résultat escompté est fort hypothétique, mais qui plus est, le rapport bénéfices-risques est très défavorable.
Anti-âge, antipollution, antitache, éclaircissant… Les cosmétiques destinés aux adultes renferment dans leur majorité du rétinol ou du rétinaldéhyde, ainsi que des extraits végétaux à action anti-radicalaire.
Rétinol et rétinaldéhyde donnent naissance sur la peau à de l’acide rétinoïque, lequel est interdit dans la formulation des cosmétiques. Ces molécules sont connues pour leur efficacité contre l’héliodermie, autrement dit le vieillissement de la peau provoqué par le soleil, mais sont mal tolérées par les peaux fragiles. Par ailleurs, elles sensibilisent la peau au rayonnement ultraviolet. Une réglementation européenne visant à limiter leur dose d’emploi va s’appliquer prochainement.
Le bakuchiol, obtenu à partir des graines de la plante Psoralea corylifolia (ou Cullen corylifolia, est désormais présenté comme un « rétinol végétal » et donc un substitut potentiel. Il faut avoir présent à l’esprit que cette molécule est un phytoœstrogène, donc particulièrement contre-indiquée chez l’enfant.
Les phytoœstrogènes sont des composés d’origine végétale dont la structure présente des similarités avec les hormones sexuelles féminines. En raison de ces similarités, ils peuvent se fixer sur les récepteurs de ces hormones, et perturber le fonctionnement des cellules, ce qui peut avoir des conséquences pour la santé. Ces effets, qui peuvent être problématiques chez l’adulte, sont d’autant plus importants à considérer en périodes prépubertaire et pubertaire, lesquelles pourraient être perturbées par ces composés.
Soulignons que les extraits végétaux présents dans les cosmétiques, notamment ceux à base de soja, peuvent aussi contenir des phytoœstrogènes.
Il faut aussi noter que des filtres anti-ultraviolets, tels que la benzophénone-3 ou oxybenzone et l’octylméthoxycinnamate sont souvent présents dans les formules de crèmes anti-âge. Or ces molécules sont des perturbateurs endocriniens : elles peuvent, elles aussi, interférer avec le fonctionnement hormonal.
Nous rejoignons donc les auteurs qui mettent en garde contre les pratiques de « routines beauté » chez les enfants. Il se pourrait en effet que ces derniers, devenus adultes, puissent développer des effets indésirables, suite à l’utilisation de produits ne correspondant pas à leur âge. Et ce, d’autant plus que les enfants peuvent également être soumis à des ingrédients cosmétiques dès avant leur naissance, en fonction des pratiques de leur mère durant la grossesse ou l’allaitement. Avec des conséquences qui restent encore peu claires…
Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes, Auteurs historiques The Conversation France et Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes, Auteurs historiques The Conversation France
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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