Dans une tribune au « Monde », l’avocat Jean-Paul Tran Thiet fustige la réaction corporatiste des instances représentatives de sa profession à la réforme des retraites mise en œuvre par le gouvernement.
Tribune. Le Conseil national des barreaux (CNB), s’érigeant en porte-parole des avocats de France et s’appuyant sur le soutien affiché de la bâtonnière de Paris, proclame son opposition à la réforme des retraites et appelle à une mobilisation nationale de tous les avocats, le 16 septembre. Il prétend même prendre « la tête de la fronde des indépendants » contre l’unification des régimes et la mise sur un pied d’égalité de tous les bénéficiaires (la même retraite pour tous, pour chaque euro cotisé).
On a connu des avocats mieux inspirés, plus généreux et moins corporatistes. Comme beaucoup de mes confrères, je ne me reconnais pas dans ce conservatisme et dans cet égoïsme.
Car de quoi s’agit-il ? Voici une profession qui, depuis quelques décennies, a bénéficié d’une évolution démographique favorable. Beaucoup de jeunes l’ont rejointe et les départs à la retraite y sont plus tardifs que dans certaines autres activités. Sur cette base, le régime autonome de nos retraites, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), a accumulé des réserves significatives. Ces réserves, largement sécurisées par des augmentations importantes de cotisations, introduites il y a quelques années, seront peut-être suffisantes ou ne le seront pas pour faire face aux évolutions démographiques de notre profession, au cours des décennies qui viennent. Mais là n’est pas le sujet.
Le sujet, c’est le refus, catégorique et fort mal argumenté, opposé à une réforme qui va dans le sens de plus d’équité, par ceux qui sont perçus – souvent à bon droit – comme les défenseurs des valeurs humanistes et républicaines.
Intérêts pécuniaires
La suppression progressive des inégalités entre les pensions publiques et les retraites privées (notamment s’agissant des régimes spéciaux dont le caractère injuste et coûteux pour les contribuables a été récemment dénoncé par la Cour des comptes) ?… Une « réforme inacceptable », dit le CNB.
La création d’une solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle ? Le relèvement de la retraite minimale pour les plus défavorisés (85 % du smic net, alors que bon nombre d’indépendants en touchent aujourd’hui moins de 70 %) ?… On n’en veut pas, on a déjà notre propre système de péréquation, répliquent nos organisations professionnelles.
La Fédération nationale des unions de jeunes avocats (Fnuja), qui a pourtant l’habitude de brandir les valeurs de l’avocat, son rôle social et son désintéressement, enfourche la même monture et dénonce l’atteinte portée à notre fonction et à notre passion de la défense. Celle de nos intérêts pécuniaires, en l’occurrence, mais ne faisons pas le détail…
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