L’expert du social et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, démontre, dans une tribune au « Monde », qu’autant il est facile d’expliquer le système universel, autant il est difficile, compte tenu de la complexité technique des sujets et de leur diversité, d’exposer à chacun ce qui l’attend.
Il n’est rien de plus complexe que de mener à bien une réforme dont le but est de simplifier, d’unifier et de rendre plus équitable un système de protection sociale existant. C’est la principale leçon que l’on peut tirer des événements actuels, à la suite de la mise en œuvre de la réforme des retraites annoncée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. Rappelons que cette réforme a pour but de fondre les 42 régimes actuels de retraite en un système universel plus juste puisque, pour chaque euro cotisé, chacun aura, en théorie, les mêmes droits.
Pour bien analyser la situation, il faut se souvenir de la chronologie des événements. Les différents projets, menés dans le passé, ont eu pour point commun de poursuivre deux objectifs : rétablir l’équilibre financier des comptes et rapprocher progressivement les différents régimes de retraite. Emmanuel Macron, candidat, a écarté cette méthode pour la remplacer par un projet plus ambitieux : la réforme « finale » aboutissant à un système universel et qui permettrait qu’il n’y ait pas besoin de réforme ultérieure. En quelque sorte la « fin de l’histoire » en matière de retraites. Cette option a été choisie parce qu’elle était la plus ambitieuse intellectuellement, la plus séduisante, et que les rapports du Conseil d’orientation des retraites prévoyaient à l’époque qu’il n’y aurait pas de déficit.
Un sondage publié le 29 novembre nous montre que désormais 66 % des Français sont hostiles à la réforme
Ce projet, devenu celui du président élu, a, jusqu’à une période récente, recueilli l’adhésion d’une majorité des Français. Le travail accompli par Jean-Paul Delevoye, pour élaborer ses préconisations de juillet dernier, s’est accompli sans heurts et dans des relations de confiance, sinon d’approbation, avec les partenaires sociaux. Pourquoi, dans ces conditions, la situation et le climat social ont-ils changé aussi vite, au point d’amener aux mouvements du 5 décembre et à un retournement de l’opinion ? Un sondage publié le 29 novembre nous montre que désormais 66 % des Français sont hostiles à la réforme.
La première raison tient à la complexité du processus de transition. Le système français de retraite s’est bâti sur des régimes à base corporatiste, différents entre eux, mais auxquels les Français étaient habitués. Pour certaines catégories, ce régime de retraite était même un élément de leur identité. Le passage à un système universel commun brouille les repères – on passe ainsi d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies – et fait des perdants, dont certains en ont immédiatement conscience, aussi différents que les ressortissants des régimes spéciaux de la RATP, de la SNCF ou les avocats.
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