Tant pour maintenir et créer des emplois que pour préserver la terre nourricière, il est urgent de refonder la politique foncière, affirme dans une tribune au « Monde » un collectif de dix organisations actives dans l’agriculture, le logement et le développement.
Tribune. De nombreuses voix s’élèvent avec raison contre les incendies en forêt amazonienne dont les causes sont structurelles et mondiales. Au même titre qu’il faut en combattre les effets là-bas, il convient de s’insurger contre la destruction des terres agricoles en France et en Europe. L’abandon du projet Europa City est à cet égard un bon signal, mais ne suffit pas : chaque jour l’agriculture française perd plus de 100 hectares et vingt emplois.
Parce que les espaces agricoles et forestiers sont à la fois limités et indispensables à la vie de chacune et chacun d’entre nous, ils constituent un patrimoine commun. A l’échelle mondiale, ce patrimoine procure 97 % des calories alimentaires consommées par l’humanité. Or, la production alimentaire sera de plus en plus affectée par le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité.
Il est donc impératif de préserver ces espaces, tant en quantité qu’en qualité. Ce sont eux qui captent et séquestrent le carbone et qui accueillent la biodiversité. La préservation de ces espaces dès maintenant est la condition d’un système alimentaire mondial sain et durable pour demain.
La France et l’accaparement foncier
En bilan net, l’Union européenne importe depuis d’autres pays l’équivalent de la production agricole de plus de 20 % de ses propres surfaces agricoles ; raison de plus pour arrêter le déversement de béton et de bitume sur les terres agricoles ici. Comment pouvons-nous appeler des pays tiers à arrêter leur déforestation tout en étant toujours plus demandeurs de leur soja, de leurs agrocarburants ou de leur huile de palme, notamment à force de détruire les terres agricoles en Europe et en France ?
La France est à ce jour le 9e pays responsable d’accaparement foncier au niveau mondial. Ici comme ailleurs, notre gouvernement doit donc prendre la pleine mesure de sa responsabilité foncière.
Le foncier est un patrimoine commun qui doit être partagé entre de nombreux paysans et paysannes pour y pratiquer une agriculture durable et protectrice de la biodiversité et de la santé des sols. Aujourd’hui, les terres se concentrent au profit d’une agriculture industrielle forte consommatrice de capital, d’énergie et d’intrants.
Une part de plus en plus grande de la valeur ajoutée et du revenu agricole est captée par la sphère financière à travers le montage de sociétés commerciales et de fonds d’investissement, ou encore de l’endettement croissant auprès des banques de producteurs poussés à acheter des matériels toujours plus puissants.
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