Le lièvre a été levé par Le Canard enchaîné, mercredi 15 février. "Un discret amendement" sur la délinquance en col blanc a été glissé dans la proposition de loi sur la réforme de la prescription pénale, adoptée définitivement à l'Assemblée nationale jeudi. Dans le cas des infractions "occultes" ou "dissimulées", des dossiers essentiellement économiques et financiers, les parlementaires ont introduit une date butoir : douze ans après la commission de délits ou trente ans après celle de crimes, impossible de juger.
Une petite précision qui, si elle était déjà appliquée, aurait pu remettre en cause – au moins partiellement – certains dossiers sensibles, comme l'affaire Fillon, s'inquiète Le Canard enchaîné.
Est-ce vraiment le cas ? Que change exactement cette disposition ? Porte-t-elle un coup à la lutte anticorruption ? Franceinfo fait le tour du sujet.
Ce qui était en vigueur jusqu'à présent
Pour les délits financiers, le délai de prescription ne court pas à partir de la date de l'infraction, mais à partir du moment où celle-ci est découverte. La justice a alors trois ans pour entrer en action et peut ensuite enquêter sans limitation de temps. Ainsi en va-t-il de l'affaire Penelope Fillon : le Parquet national financier a lancé une enquête sur son travail d'assistante parlementaire, qui a débuté en 1986 selon les déclarations de François Fillon. Ce qui compte aujourd'hui pour la justice, c'est donc la date à laquelle les faits ont été révélés, à savoir janvier 2017.
Ce qui va changer
Avec la nouvelle loi, le dossier Fillon aurait été partiellement enterré, s'étrangle Le Canard enchaîné. En effet, les enquêteurs n'auraient pu remonter que sur une période de douze ans. Donc, dans le cas d'affaire révélée en 2017, tous les faits commis avant 2005 auraient été "oubliés, périmés, terminés", explique l'hebdomadaire, à l'origine des révélations sur le candidat de la droite et les emplois présumés fictifs de son épouse. "La loi ne s'appliquera qu'aux affaires futures, précise Alain Tourret, député radical de gauche et coauteur de la proposition de loi, interrogé par franceinfo. Aucune affaire en cours d'instruction, comme celle de [un attentat avait tué 11 Français en 2002 au Pakistan, peut-être par représailles à la suite de conditions non respectées pour une vente d'armes], n'est concernée."