Quand les femmes doivent gérer les symptômes de la ménopause au travail, les réseaux sociaux informels constituent un soutien précieux. Lucky Business/Shutterstock
Pourquoi c’est une bonne chose de parler de la ménopause au travail
Belinda Steffan, The University of EdinburghCes dernières années, les questions autour de la santé et du bien-être des femmes au milieu de la vie et aux âges plus avancés sont passées de l’ombre à la lumière. Elles font aujourd’hui l’objet de documentaires et d’articles de presse. Présentatrices, actrices… des femmes connues n’hésitent plus à aborder la question de la ménopause dans les media. Une présentatrice s’est même confiée à ce propos dans une émission TV diffusée à l’heure du petit-déjeuner.
Cette acceptation de la ménopause par des célébrités permet de normaliser le sujet et de lutter contre la stigmatisation, grâce à une sensibilisation accrue à ces questions. Nous parlons de la ménopause plus que nous ne l’avons jamais fait par le passé, ce qui aide aussi à lever un autre tabou : celui de la ménopause au travail.
Cela s’avère crucial, surtout quand on sait que la périménopause (le processus qui conduit à la ménopause), la ménopause en elle-même (on parle de ménopause au terme d’une période de 12 mois sans règles) et les symptômes postménopause peuvent réellement changer la façon dont la femme s’investit au travail. Selon des données récentes, on estime que, en Grande-Bretagne, 10 % des femmes quittent un travail rémunéré et 14 millions d’heures de travail sont perdues chaque année du fait de symptômes liés à la ménopause.
(En France, ce sont 500 000 femmes qui entrent en ménopause chaque année, et 14 millions de femmes, au total, sont concernées, dont 100 % des femmes de 55 ans ou plus, selon un rapport d’information du Sénat de juin 2023 consacré à la santé des femmes au travail, ndlr).
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Je mène des recherches pour promouvoir le vieillir en bonne santé au travail. Mes travaux montrent que, quand les femmes doivent gérer les symptômes de la ménopause sur leur lieu de travail, les réseaux sociaux informels sont un des outils essentiels pour qu’elles y parviennent. Ils représentent le moyen le plus direct pour qu’elles se sentent soutenues dans la prise en charge de leur santé au sens le plus large et de leur bien-être, mais aussi spécifiquement durant la ménopause. J’ai constaté que les femmes se sentaient généralement plus soutenues par d’autres femmes qui connaissent des expériences similaires.
On relève une ambiguïté concernant la santé et le bien-être des femmes au milieu de la vie et après. Dans une étude incluant plus de 1000 femmes, 51 % d’entre elles ont répondu qu’elles ne comprenaient pas suffisamment bien les symptômes de la ménopause pour savoir comment demander de l’aide. Mes recherches ont également révélé que, très souvent, les femmes ne sont pas en mesure de distinguer les symptômes de la ménopause d’autres effets comme le stress, l’anxiété, la dépression, les interruptions de sommeil et l’impact général de l’âge sur le corps et l’esprit.
Sur leur lieu de travail, elles peuvent aussi pâtir d’une culture basée sur un âgisme genré qui se caractérise par des discriminations envers les femmes et les femmes les plus âgées. Ce qui peut dissuader les employées d’entamer des discussions autour de la ménopause.
Des outils de soutien informels, comme le tchat entre collègues ou la mise en place de groupes de parole, sont extrêmement efficaces pour les femmes. Toutefois, se maintenir en bonne santé et assurer son bien-être incombe à la femme elle-même et non à son organisation qui pourtant, in fine, tire profit de sa productivité.
Mes travaux de recherche soulignent la nécessité pour les entreprises d’offrir, de manière explicite, un soutien au moment de la ménopause, en matière de santé et de bien-être. La pérennité de ce soutien est également essentielle quand sont mis en place conjointement un soutien social informel et un soutien organisationnel formel.
Quelle forme devrait prendre le soutien social sur le lieu de travail ?
Le soutien informel peut, par exemple, prendre la forme d’une marche à l’heure du déjeuner. C’est une manière d’inciter les femmes à s’engager au sein d’une communauté de personnes qui disposent, dans le cadre professionnel, d’une expérience pertinente. Ces moments peuvent être annoncés en interne. Ils ne requièrent pas la divulgation, de manière formelle, des symptômes de la ménopause. Mises en place à heure fixe, chaque mois, ces séances peuvent devenir partie intégrante du planning professionnel. Le bouche-à-oreille peut aussi jouer un rôle pour atteindre celles qui seraient réticentes à l’idée de participer à une activité plus formelle. D’un autre côté, mettre en place un soutien formel au sein de l’organisation peut contribuer à une sensibilisation autour de la ménopause. Cela permet aussi de créer un sentiment d’appartenance à une communauté.
Soutenir le personnel via, notamment, une certaine flexibilité du travail est un droit. Les femmes peuvent donc raisonnablement s’attendre à ce que leur employeur dispose des ressources pour favoriser cette prise de conscience. Et celle-ci pourrait s’étendre à l’ensemble de l’entreprise car la ménopause affecte les femmes, mais tout le monde devrait se sentir concerné et devrait pouvoir aborder ce sujet.
Certaines entreprises pourraient, par exemple, proposer des webinaires de 50 minutes (une durée pertinente, d’après mon expérience) en faisant appel à des experts qui animeraient des discussions sur la ménopause ou d’autres problématiques de santé. Ces interventions aident à la sensibilisation à partir de données fiables. Ces webinaires peuvent être enregistrés pour que le public puisse les consulter quand ils le souhaitent, même si les séances en direct sont préférables, en privilégiant les jeux de questions/réponses.
Il est évident qu’accompagner le bien-être au travail est devenu plus complexe depuis la mise en place de pratiques hybrides post-Covid. Ainsi, mes recherches ont montré que la majorité des femmes gèrent mieux les symptômes de la ménopause à la maison, grâce aux « trois T » de l’accompagnement à la ménopause : le temps, la température et les toilettes. Si une femme ménopausée réussit à contrôler ces aspects, quel que soit l’endroit où elle travaille, cela aura probablement un impact positif sur son expérience globale de la ménopause.
Mais de nouveau, la responsabilité de se maintenir en bonne santé et d’assurer son bien-être incombe à la personne elle-même. Il y a ici quelque chose de préoccupant : les structures qui créent une attente quant au fait que les femmes gèrent mieux les symptômes quand elles travaillent de manière hybride prennent le risque, involontairement, de renforcer le tabou autour de la ménopause, perçue comme quelque chose qu’il faut prendre en charge dans l’ombre.
Un accompagnement pérenne et individuel
Alors que les organisations peuvent et doivent développer des initiatives autour de la santé et du bien-être au travail, il faut se rappeler que des expériences comme celles de la ménopause restent très individuelles. Les femmes peuvent ressentir des symptômes de natures très différentes, ou n’être affectées par aucun symptôme.
Le succès et la pérennité du soutien mis en place au sein de l’organisation dépendront de toute une série de facteurs, parmi lesquels le secteur d’activité (est-il « masculinisé » ?) et l’ouverture de la culture organisationnelle à des problématiques telles que l’information en santé. De plus, la culture de l’équipe doit être soutenante et, dans l’idéal, les managers doivent être accessibles et bien informés.
Les systèmes de soutien à la santé et au bien-être des femmes sur le lieu de travail qui atteignent chaque personne ont plus de chance d’être pérennes. Les organisations qui donnent à voir des histoires positives autour de la ménopause et qui mettent en avant des seniors dans des rôles de modèles crédibles feront un grand pas en direction de la santé et du bien-être des femmes au travail. Les progrès dans ce domaine dépendent de ceux qui apparaîtront comme les champions du changement. Pas seulement à la télévision, aussi dans tous les lieux de travail.
Belinda Steffan, Research Fellow in psycho-social aspects of women’s health in mid-later life at work, The University of Edinburgh
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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