Objets connectés: quand les pannes en cascade se propagent d'un objet à l'autre

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Une panne sur un objet peut se propager aux objets dont il dépend. goodluz, Shutterstock

Objets connectés: quand les pannes en cascade se propagent d'un objet à l'autre

Une panne sur un objet peut se propager aux objets dont il dépend. goodluz, Shutterstock
Amal Guittoum, Orange Innovation

La pandémie de Covid-19 a bouleversé le monde et généré des conséquences économiques et sociétales en cascade. Une pandémie équivalente est présente dans le réseau des objets connectés, ou « internet des objets ». Elle est connue sous le nom de « pannes en cascade ».

Les objets connectés se font aujourd’hui une place dans notre vie quotidienne, des ampoules commandables à distance aux caméras de surveillances connectées. Mais ils sont très vulnérables aux pannes : un objet connecté tombe en panne en moyenne 4 heures par jour à cause de pannes d’alimentation électrique, d’interruptions du réseau ou encore de défaillances du matériel informatique.

Comme leur nom l’indique, ces objets connectés sont interdépendants pour échanger des services et des données – par exemple, l’assistant vocal Alexa doit échanger des informations et contrôler les interrupteurs pour allumer ou éteindre les ampoules à la demande, mais aussi les serrures, ou la machine à café connectée. Par conséquent, une panne sur un objet connecté se propage aux autres… de la même façon que le Covid-19 pour les humains. Par exemple, si votre ampoule connectée tombe en panne, Alexa pourrait être affectée et ne plus répondre à vos requêtes.

Les pannes en cascade engendrent donc des dysfonctionnements d’appareils connectés parfois gérés par des acteurs différents (constructeurs, opérateurs réseau par exemple). La dégradation du service proposé aux utilisateurs tend à générer plus d’appels aux services clients et de sollicitations des techniciens, ce qui augmente le coût de gestion des objets connectés (par exemple, pour l’opérateur Orange, le coût d’un appel client est 20 euros et une intervention technique coûte 100 euros).

Ces pannes peuvent également générer des pertes d’énergie dans les environnements connectés : par exemple, il semble que 25 à 45 % d’énergie des systèmes intelligents de chauffage, ventilation et climatisation est gaspillée en raison de pannes.

schéma expliquant la stratégie
La stratégie que nous développons pour soigner les pannes en cascade : repérer la source de la panne et la réparer grâce à des techniciens virtuels qui surveillent chacun un groupe d’objets connectés. Amal Guittoum, Fourni par l'auteur

Les solutions développées par les chercheurs et les opérateurs d’Internet des objets ressemblent en fait aux solutions proposées pour lutter contre le Covid-19 : d’une part, maîtriser les relations « sociales » entre les objets connectés, pour identifier rapidement les « cas contacts » et faciliter le diagnostic ; et d’autre part « vacciner » le réseau d’objets connectés. Pour détecter les pannes, isoler les objets concernés et corriger les pannes en cascade, nous utilisons des « techniciens virtuels ».

Les objets connectés fonctionnent en réseau

L’internet des objets (IoT) est un concept très utilisé actuellement : en France, on le retrouve notamment sous la forme de villes connectées avec des transports « intelligents » ou de bracelets connectés pour surveiller l’état de santé de personnes âgées.

Ces objets connectés font partie d’un seul réseau, appelé « internet des objets ». Ce réseau géant est organisé en sous-réseaux fonctionnels (par exemple le réseau « la maison connectée de Mme Dupont »), dans lesquels les objets connectés sont interdépendants. Ils partagent des « dépendances de service », lorsqu’un objet utilise les services d’un autre (Alexa et l’ampoule), ou encore des « dépendances d’état », lorsque l’état d’un objet dépend de l’état d’un autre (avec une règle d’automatisation, par exemple « ouvrir les fenêtres si le climatiseur est désactivé »).

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Les objets connectés collectent des données – par exemple la température ambiante, des signes vitaux, des flux vidéo – et peuvent les transférer aux autres objets et applications pour créer des services intelligents, par exemple un service intelligent pour soigner les personnes âgées, ou un service de surveillance de la maison.

Ces objets peuvent aussi être gérés à distance (avec l’accord de l’utilisateur) et réparés lorsqu’ils tombent en panne.

Des pannes en cascade qui se propagent d’un objet à l’autre

En effet, si une panne survient sur un objet connecté, elle pourra parfois se propager en cascade sur les objets qui lui sont dépendants. L’impact de ce type de pannes « en cascade » est exacerbé par plusieurs facteurs. Tout d’abord, la grande taille des réseaux d’internet des objets (IoT) avec plus de 70 milliards d’objets connectés dans le monde (estimation pour 2025).

De plus, les objets connectés sont de plus en plus interconnectés – un phénomène accéléré par l’avènement de plates-formes (IFTTT ou SmartThings par exemple) qui permettent aux utilisateurs de créer des règles d’automatisation pour connecter leurs objets entre eux (« si le climatiseur est désactivé, alors ouvrir les fenêtres »).

Le troisième facteur est la gestion fragmentée des objets connectés et de leurs pannes par de nombreux acteurs différents : opérateurs, fournisseurs de service, constructeurs d’objets connectés par exemple, chacun proposant sa propre plate-forme. Chaque opérateur maîtrise seulement une sous-partie des liens de dépendances entre les objets connectés, ce qui complique le diagnostic des pannes en cascade, notamment l’identification de la source (quel objet a provoqué la panne initiale).

Maîtriser les relations sociales entre les objets connectés : un premier pas vers la résolution des pannes en cascade

Le premier pas vers la résolution des pannes en cascade sur les objets connectés est la reconnaissance automatique des liens de dépendances entre les objets connectés : deux objets connectés sont dépendants si l’un utilise les services de l’autre (Alexa est dépendante de l’ampoule connectée, et vice versa).

Nous avons inventé un outil qui permet de reconnaître les liens de dépendances entre les objets connectés.

Notre approche consiste à construire un « jumeau numérique » décrivant les objets et les liens de dépendances entre eux (services et données échangés). Un jumeau numérique représente un aspect du monde réel de façon virtuelle (numérique) et synchronisée.

Ces différentes informations sont décrites à l’aide d’un vocabulaire partagé (ou « ontologie ») que nous avons inventé – un bon moyen pour structurer et exploiter des informations hétérogènes.

En construisant le jumeau virtuel d’une maison « intelligente » pleine d’objets connectés, nous avons développé une preuve de concept : notre simulation permet bien d’identifier automatiquement les dépendances entre les objets connectés, même si celles-ci varient au cours du temps, ce qui n’était pas possible auparavant.

des ronds reliés par des flèches
Les graphes permettent de capturer les dépendances entre divers types d’objets – une stratégie aussi utilisée pour étudier le système immunitaire des êtres vivants, comme sur cette image. Asaf Madi et collaborateurs, Chaos, 2011, CC BY

Vacciner le réseau des objets connectés avec des agents autonomes : une solution automatique pour les pannes en cascade

Puis il faut aussi identifier la source de la panne en cascade et la corriger. Pour cela, nous utilisons des « techniciens virtuels » – des mini-applications autonomes qui surveillent les objets connectés.

Chaque agent veille sur un ensemble d’objets connectés. Lorsqu’un objet tombe en panne, son agent analyse ses symptômes (une température ou un usage de la mémoire anormal par exemple). Ensuite, cet agent utilise un système d’intelligence artificielle pour déterminer le type de la panne et les actions correctives. Si l’agent soignant ne peut pas corriger la panne, par exemple si la panne vient d’un objet géré par un autre agent, il sollicite les autres agents en analysant les liens de dépendances entre les objets, ce qui permet d’identifier la source de la panne et de la corriger.

Amal Guittoum, Doctorante en Web Sémantique appliqué à l'Internet des objets, Université Grenoble Alpes (UGA), Orange Innovation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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