Une étude de Science, de janvier 2018, montre que les résidus de matière plastique relâchés dans l'océan affectent les récifs coralliens, multipliant par vingt le risque que s'y développent des maladies. Or, ils sont désormais partout, comme en témoigne la surprise de chercheurs partis observer la faune de la minuscule île Henderson, inhabitée, quelque part dans le Pacifique sud. Isolée mais sur le passage d'un grand courant giratoire, elle est devenue un piège à déchets en plastique. Les scientifiques ont dénombré ces débris, petits et grands, sur deux plages. Conclusion 1 : la densité atteint un record. Conclusion 2 : la quantité, estimée à près de 38 millions, augmente chaque jour.
Article paru le 17 mai 2017
Ces quatre petites îles, baptisées Pitcairn par les Britanniques, sont si éloignées des terres habitées que c'est là que trouvèrent refuge les révoltés du Bounty, en 1790. Leurs descendants (une cinquantaine) constituent encore aujourd'hui la population de l'île principale, qui porte le nom de l'archipel (lequel totalise 47 km2), et est (modestement) connue pour sa production de miel. Henderson, à 200 km, est inhabitée depuis longtemps.
Nous sommes par 128° de longitude ouest et 24° de latitude sud, juste en dessous du tropique du Capricorne, à peu près à équidistance de l'Amérique du nord, de l'Amérique du sud et de l'Australie. La grande ville la plus proche est Papeete, à 2.300 km au nord-ouest, sur l'île de Tahiti, en Polynésie française. Autour d'une végétation d'arbustes et de plantes tropicales, d'où émergent des cocotiers, des plages de sable blanc dessinent un paradis naturel, loin de toute civilisation. Enfin presque.
L'île aux 38 millions de débris de plastique
C'est là, en effet, que Jennifer Lavers, de l'université de Tasmanie, embarquée dans une longue expédition organisée notamment par l'ONG Royal Society for the Protection of Birds de mai à novembre 2015, a découvert une étonnante concentration de déchets en matière plastique. Le voyage était destiné à estimer la population de rats, introduits sur l'île par des marins, et qui avaient survécu à une opération d'éradication. Mais un nouveau sujet s'est ajouté : les plages sont littéralement jonchées de morceaux d'objets de toutes tailles, très majoritairement en plastique (99,8 %). Leur description et leur comptage viennent d'être publiés dans un article des Pnas.
Les scientifiques ont effectué des dénombrements systématiques, le long de lignes droites, comptabilisant au total 50.100 débris sur deux plages, au nord et à l'est, distinguant les microdébris (moins de 5 mm) des autres. Avec une densité moyenne d'environ 240 morceaux par mètre carré - en fait 239 +/- 347 - et atteignant par endroits 640, le site décroche le record du monde des plages les plus sales. Les visiteurs ont noté que 68 % d'entre eux se trouvent ensevelis dans les dix premiers centimètres du sable. D'après leur estimation, l'île en abriterait 37,7 millions, représentant 17,6 tonnes.