Adénine (A), thymine (T), cytosine (C) et guanine (G) : ainsi se nomment les bases qui composent l'ADN. Des arrangements différents et voici que naissent des bactéries ou des papillons, des pingouins ou même des Hommes. Si une telle biodiversité peut être obtenue à partir de quatre bases seulement, que pourrions-nous espérer d'un code à six bases?? C'est la question à laquelle espèrent répondre des chercheurs américains du Scripps Research Institute (TSRI). Pour ce faire, rien de tel qu'un organisme semi-synthétique.
Une première étape avait été franchie en 2014. Les chercheurs américains avaient alors développé deux nouvelles bases, baptisées X et Y. Ils étaient parvenus à les intégrer au cœur de l'ADN de bactéries Escherichia coli. Problème : la santé des bactéries ainsi génétiquement modifiée -- des bactéries semi-synthétiques -- s'était avérée fragile. Et au fil des divisions cellulaires -- qui assurent la survie de l'espèce unicellulaire --, les bases synthétiques étaient progressivement expulsées des brins d'ADN qui, rapidement, retrouvaient alors leur structure naturelle.
Non contents de ces premiers résultats, bien qu'encourageants, les chercheurs du TSRI ont persévéré. Il y a quelques jours, ils ont annoncé avoir trouvé la clé du problème. Ainsi, sont-ils parvenus à donner naissance à un tout premier organisme semi-synthétique qu'ils qualifient eux-mêmes de «?réellement vivant?», car disposant d'un génome enfin stabilisé. La preuve?? Les organismes inclus dans l'étude sont demeurés semi-synthétiques, même après 60 divisions cellulaires, une quasi-infinité dans ce cas.
Un correcteur d’orthographe au cœur des cellules
Pour arriver à leurs fins, les chercheurs américains ont d'abord travaillé à optimiser le transporteur de nucléotides déjà utilisé en 2014. Indispensable à la duplication des bases synthétiques, celui-ci affichait en effet une fâcheuse tendance à affaiblir les bactéries cobayes. Ils ont également choisi de modifier la chimie de la base Y pour en faire une base plus facilement reconnaissable par les enzymes chargées de la synthèse de l'ADN lors du processus de duplication.
Enfin, les chercheurs du TSRI se sont appuyés sur un outil dont la popularité en génie génétique ne cesse de croître : une sorte de ciseaux génétiques baptisés CRISPR-Cas9. Les scientifiques le prononcent «?crispère?» et l'utilise pour cibler une zone spécifique de l'ADN, la couper et y insérer ensuite une autre séquence. Mais les chercheurs américains lui ont rendu son rôle primordial. Au cœur de la bactérie en effet, CRISPR-Cas9 joue un peu un rôle de catalyseur de réponse immunitaire. Lorsque se présente un ennemi, virus ou autre, CRISPR-Cas9 prélève un fragment de son ADN et l'intègre à son propre génome. Ainsi, en cas de nouvelle attaque, il sera plus simple et rapide de diriger une enzyme contre cet ennemi reconnu. Dans le cas présent, CRISPR-Cas9 a donc été transformé en véritable système de vérification orthographique capable d'identifier les ADN naturels comme indésirable, favorisant ainsi la survie des ADN semi-synthétiques.
Pour tempérer un peu les enthousiasmes naissants -- mais aussi les craintes qui pourraient accompagner de telles manipulations de l'essence même de la vie --, les auteurs de l'étude rappellent toutefois que ces travaux, menés sur un organisme unicellulaire, n'ont pas encore pu être étendus au-delà. Quant aux éventuelles applications qui pourraient en résulter, il faudra encore bien des avancées pour seulement commencer à les entrevoir. Il faudra notamment déterminer la façon dont ce nouveau code génétique peut être traduit en protéines avec l'espoir de fabriquer sur mesure, de nouvelles molécules thérapeutiques.
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