« L’armée européenne : un projet prématuré »

Politique

Vu d’Allemagne, le projet d’une armée européenne est plutôt bien accueilli. Mais l’enthousiasme qu’il soulève est fondé sur une incompréhension entre Paris et Berlin qui augure mal de son avenir, assurent les chercheurs Claudia Major et Christian Mölling.


Tribune. Si elle le pouvait, l’Allemagne revendiquerait un copyright sur le terme « armée européenne », car cela fait des décennies que ses dirigeants l’utilisent à tout-va. Mais c’est maintenant au tour du président Macron de se l’approprier. La chancelière Merkel s’est donc empressée de le soutenir lors de son discours du 14 novembre devant le Parlement européen. Le plus remarquable dans cette affaire n’est pas tant le renversement des rôles que la réaction allemande. Celle-ci qui révèle deux choses : Français et Allemands ne parlent pas de la même armée européenne, Berlin considère que le timing choisi par Macron est malheureux.

Le rappel de l’amitié franco-allemande ne parvient pas à masquer le fait que Berlin et Paris poursuivent en effet des logiques différentes quand ils parlent d’une armée européenne. Mme Merkel s’est prononcée à Strasbourg en faveur d’une telle création. Mais la raison donnée est révélatrice : la guerre entre Européens ne serait ainsi plus possible. Cela fait référence à la conception traditionnelle de l’Allemagne, selon laquelle la sécurité passe par l’intégration politique : Berlin ne cherche pas tant à se doter d’une armée européenne pour mieux défendre l’Europe que pour préserver la « maison européenne ».

Au moment où le projet européen est remis en question, du Brexit en passant par l’Italie jusqu’en Pologne, il est d’autant plus important de préserver l’Union européenne (UE). Pour la chancelière allemande, l’armée européenne n’est donc qu’un des moyens pour poursuivre cette intégration. Avec l’armée européenne, Berlin vise l’intégration plus que la défense.

L’Allemagne rêve tant d’être le bon Européen

Par conséquent, le débat allemand est ponctué de nombreuses manifestations de volonté politique en faveur d’une telle armée, sans qu’elles soient pour autant suivies de grands résultats. Ces professions de foi font suite à l’idée largement répandue, en particulier au ministère des affaires étrangères, que le discours est plus important que les capacités militaires réelles. Et le fait que l’Allemagne perde ainsi en crédibilité et en marge de manœuvre n’a pas encore été compris par certains à Berlin.

Il existe une autre clé pour comprendre l’approche allemande : le désir se se fondre dans...


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