Gisèle Casadesus: Rencontre en 1939 avec «la plus jeune sociétaire» de la Comédie française - Le Figaro

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Article paru dans Le Figaro du 3 janvier 1939

Visite à Mme Gisèle Casadesus la plus jeune sociétaire du Théâtre Français

Mme Gisèle Casadesus habite à Montmartre une maison qui se dresse comme une tour au-dessus du square d'Anvers. De là-haut, la vue s'étend très loin sur Paris et sur les coteaux, environnants ; par une large baie la lumière pénètre de partout. Cette maison, je la connaissais bien, c'est là où j'ai passé toute mon adolescence. M. Henry Casadesus a succédé à mes parents dans cet appartement où devait naître Gisèle Casadesus. De touchants souvenirs nous accueillaient dans cette maison d'artistes. Car la famille de Gisèle Casa-dessus, on le sait, est une famille d'artistes. Son père, ses oncles, ses cousins, son frère, son mari, Lucien Pascal, sont voués à la musique et au théâtre. Dans la clarté rayonnante de ce logis qui semble perdu en plein ciel, règne une intimité joyeuse faite de bonne entente et d'affectueuse camaraderie.

-La meilleure façon de rester jeune, nous dit Henry Casadesus, est de vivre avec les jeunes. Et sa fille ajoute avec tendresse, en riant:

-Il est aussi jeune que mon petit garçon.

Son mari part pour l'Odéon, pour une répétition. Son frère arrive avec un ami du Conservatoire. Sa mère, Mme Casadesus, sert le café.

-Quand vous étiez enfant, dans cette maison, demandons-nous à Gisèle Casadesus, étiez-vous une petite fille bien sage?

Dans son frais visage, ses yeux-noirs pétillent de malice.

-Oh! mais non. J'étais terrible.

-Vous avez été «éclaireuse», pourtant, dans le clan des chardonnerets.

-Ne m'en parlez pas. J'étais une «éclaireuse» très peu disciplinée. Je me souviens qu'un jour j'ai vendu, pour acheter je ne sais quoi, mon grand chapeau et ma cape d'uniforme. Je suis allée au rassemblement en béret basque et en chandail. Ce fut un scandale!

Elle rit et nous confie:

-Il n'y avait que le théâtre qui déjà m'intéressait; mais mes parents, tout d'abord, ne voulaient rien entendre. Ils m'ont fait apprendre la danse, la musique. J'ai été ravie le jour où j'ai été recalée au Conservatoire au concours de harpe. Et puis enfin, comme j'atteignais seize ans, j'ai profité d'un voyage que je faisais avec mon père en Hollande pour lui demander sérieusement de me laisser faire du théâtre. Il y a consenti. J'ai pris quelques leçons avec Faubert. À tout hasard, je me suis présentée cette même année au Conservatoire. J'ai été admise dans la classe de Leroy. Et puis tout s'est déroulé harmonieusement. J'ai eu d'abord un accessit, et puis un second prix. J'ai failli alors abandonner le Conservatoire. Trébor m'avait offert un engagement au théâtre Michel. J'étais fière de cette proposition! Je l'ai tout de même refusée et j'ai bien fait, puisque l'année suivante j'avais mon premier prix et j'entrais à la Comédie. C'était en 1934. Vous savez le reste. Mes débuts, des rôles, et puis Asmodée, qui a été pour moi un grand événement. Je me suis mariée. J'ai eu un enfant. Je vais en avoir un deuxième. J'ai vingt-quatre ans et je suis sociétaire de la Comédie-Française. La vie est belle.

Par André Warnod

En partenariat avec RetroNews, le site de presse de la BnF


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