Membre du Haut Conseil pour le climat, Benoît Leguet estime que Bercy doit aborder la fiscalité verte sous « un angle plus large, en réponse à un besoin sociétal ».
Benoît Leguet est directeur général de l’Institute for Climate Economics (I4CE), un think tank sur l’économie de la transition écologique fondé par la Caisse des dépôts et l’Agence française de développement, et membre du Haut Conseil pour le climat.
Le 25 septembre, l’inspection générale des finances (IGF) présentait un premier « budget vert ». Faut-il y voir une avancée en matière de transition environnementale ?
Il y a une incompréhension sur ce terme. Cela ne veut pas dire que le budget de la France est vert. Il s’agit d’une méthode pour mesurer à quel point les dispositifs actuels le sont. Cette évaluation [qui portait sur le budget 2019] a eu le mérite de dire officiellement que de nombreuses dépenses publiques [25 milliards d’euros, dont 15 milliards de niches fiscales] sont néfastes à l’environnement. C’est un appel à l’action publique. Désormais, le défi est d’utiliser cette méthodologie dans le processus d’élaboration budgétaire, pour orienter les décisions politiques. Chez I4CE, nous avons calculé que pour tenir les objectifs de neutralité carbone en 2050, il faudrait 15 à 18 milliards d’euros d’investissements « verts » supplémentaires chaque année, donc 7 à 9 milliards venant du secteur public.
Le gouvernement met en avant plusieurs mesures « vertes » dans le projet de loi de finances pour 2020. La France est-elle sur la bonne voie ?
Oui, mais il faut regarder tous les aspects du problème. Les mesures du projet de loi de finances doivent être vertes, mais aussi respecter des impératifs de justice fiscale. Surtout, il ne faut pas oublier l’autre moitié de l’équation : un budget vert doit permettre d’éliminer les dépenses défavorables à l’environnement. A ce titre, la suppression [en trois ans] de la niche fiscale sur le gazole non routier constitue une petite victoire. Mais ce que j’aimerais voir à Bercy, c’est une vision à 2050 du budget, avec moins de subventions aux énergies fossiles, et plus de dépenses vertes. Par exemple, logiquement, la taxation du carbone devrait avoir disparu.
Comment éliminer les nombreuses niches fiscales défavorables à l’environnement ?
Pas du jour au lendemain, bien sûr. Il est nécessaire de réfléchir à la façon d’aider les secteurs concernés à « transiter ». Prenez le cas des taxis : supprimer leur taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques [TICPE, taxe sur le carburant], même dans dix ans comme le propose un amendement de la majorité, suppose d’organiser la discussion plus largement : si on supprime cette niche fiscale, est-ce que cela veut dire que ce métier va disparaître ? Quelle place conservera le transport individuel, à la demande ? Il faut aborder la fiscalité verte sous un angle plus large, en réponse à un besoin sociétal. Le projet de loi de finances n’est qu’un bout de la réponse. Il faut aussi intégrer dans la discussion publique les collectivités locales, les opérateurs… Et mettre tout le monde en mouvement. Cela suppose de fixer un cap, et de s’y tenir.
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