Chez l’enfant et l’adolescent, le mal de dos est aussi un problème de santé publique

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Chez l’enfant et l’adolescent, le mal de dos est aussi un problème de santé publique

Philippe Campillo, Université de Lille

En France, 69 % des personnes âgées de 16 ans ou plus se déclarent en bonne ou en très bonne santé. À l’opposé, 9 % qualifient leur état de mauvais ou de très mauvais. Les motifs de recours au médecin pour conserver ou améliorer ce bien-être peuvent varier selon de nombreux facteurs – l’âge, le sexe, la région géographique ou encore la saison, puisque certaines sont plus propices aux épidémies.

Si les affections respiratoires (rhumes, bronchites…) sont l’un des motifs les plus courants de consultation, les troubles musculo-squelettiques dont font partie les douleurs au dos et les problèmes articulaires sont également très répandus… et à tout âge. En effet, quoique souvent associées à un mal d'adulte, ces douleurs touchent également largement enfants et adolescents.

Les chiffres font des maux du dos, plus spécifiquement des lombalgies), le « Mal du siècle » au XXe siècle – et encore au XXIe siècle. Selon le groupe de travail sur les lombalgies de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, d’après les rapports de la Haute autorité de santé (2019) et de l’Assurance maladie (2017), près de 4 personnes sur 5 souffriront ainsi un jour de lombalgies :

« Ces dernières représentent le deuxième motif de recours au médecin traitant et la troisième cause d’admission en invalidité pour le régime général ; 20 % des accidents du travail ont pour motif ce type de douleur liée à la manutention manuelle (50 %) et à des chutes (10 %) ; 12 millions de journées de travail seraient perdues chaque année en France à cause des lombalgies. » (Rapport INRS 2022, « Les lombalgies. Les comprendre, les prévenir ».)

Un mal qui touche aussi les enfants et adolescents

Ces valeurs concernent principalement les salariés. Les implications économiques sont par conséquent colossales, avec un coût direct de plus d’un milliard d’euros par an (prise en charge des soins, indemnités journalières, séquelles…) et indirect jusqu’à 10 fois supérieur (gestion administrative, recherche de suppléances, formations complémentaires, maintenance des délais de contrat, perte de productivité…).

Mais le mal de dos n’est pas un problème de santé publique réservé aux adultes : de plus en plus d’enfants et adolescents en souffrent également, avec 25 % des enfants de 10 à 15 ans qui se plaignent à ce sujet. Il existe, dans le cadre de la médecine scolaire, des examens médicaux et de dépistages réguliers notamment au cours de certaines années clés, comme l’entrée en maternelle, en cours préparatoire, en 6e et en seconde.

Les causes d’un tel développement sont multiples, nombreuses et surtout difficiles à corriger car elles correspondent à des habitudes journalières déjà assimilées :

  • mauvaises postures diverses, maintenues longtemps dans les lieux de transport, d’enseignement et de divertissement ;

  • fatigue due au manque de sommeil (un enfant de 6 ans a besoin d’environ 11h de repos, un adolescent de 8 à 9h) et agitation stressante ;

  • cartables mal conçus ou sacs encore trop lourds (17 % du poids de corps en collège) ;

  • hausse du surpoids et de l’obésité ;

  • gainage abdominal et lombaire faible, dû à une insuffisance ou même à l’absence de pratique d’activités physiques.

On estime que jusqu’à 50 % des enfants et adolescents vont éprouver des douleurs dorsales à un moment donné. Les conséquences sont doubles : d’une part elles peuvent avoir un impact négatif sur leur qualité de vie et leur capacité à participer à des activités physiques et sociales ; d’autre part elles augmentent le risque qu’ils en souffrent à l’âge adulte.

Importance de la prévention

Comme les adultes, les enfants et adolescents connaissent, pour les avoir entendues maintes fois, les recommandations ergonomiques pour éviter de mettre le dos excessivement en tension. Le site du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse déroule par ailleurs des consignes à privilégier concernant le poids du cartable, les habitudes d’hygiène de vie, les postures à adopter quand on travaille sur une table… ou sur son canapé ou son lit à la maison.

De façon générale, voici des conseils valables en toute circonstance :

  • maintenir le plus souvent une posture en gardant le dos droit et fixé ;

  • éviter les torsions dans la manutention des charges ;

  • soulever les objets en rapprochant ses appuis le plus possible afin de minimiser les leviers de résistances, utiliser les muscles des jambes (forts par rapport à ceux du reste du corps) en se fléchissant pour mieux les exploiter ;

  • éviter de soulever seul les charges trop lourdes, en se faisant aider de partenaires ou en utilisant des équipements de manutention facilitant le travail ;

  • toujours répartir équitablement les charges à transporter ;

  • respecter les pauses et prendre conscience de la surcharge de travail et de sa fatigue physique ;

  • se renforcer musculairement afin de maintenir une bonne condition physique en pratiquant régulièrement des exercices adéquats – en particulier pour les muscles du dos, des abdominaux et des jambes. Plus nos muscles sont développés, moins nous sommes susceptibles de subir des blessures.

Cependant, alors que la combinaison des bonnes pratiques ergonomiques, de prudence et de bon sens est le plus souvent bien assimilée sur un plan théorique, leur mise en application dans la vie de tous les jours – avec ses contraintes propres – est bien plus hasardeuse… Maintien de postures, bonne gestion des mouvements corporels, des soulevés et du transport de charges sont rarement respectés…

La véritable problématique se trouve dans l’articulation de ces connaissances de prévention, de sécurité corporelle et leur mise en application à chaque instant.

La politique de santé publique en France aborde différents aspects de la prévention du mal de dos. Il est toutefois difficile d’évaluer son efficacité, notamment pour un public jeune.

Cette question se pose pour la sensibilisation aux bonnes postures dès le plus jeune âge… mais aussi pour l’efficacité de la prise en charge médicale, la réadaptation et la réinsertion professionnelle, l’activité physique, l’ergonomie au travail, la prise en compte de la prévention dans les politiques publiques ou encore la recherche et innovation.

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Des actions au niveau de l’école ?

Pour lutter contre ce fléau, il est important de continuer à améliorer les politiques et les actions de prévention. Un important travail de promotion reste à mener via une approche multidisciplinaire impliquant différents acteurs tels que les professionnels de santé, les écoles et les individus pour encourager des comportements sains et réduire les risques de mal de dos.

Plus spécifiquement, l’enseignement de l’Éducation physique et sportive (EPS) peut jouer un rôle essentiel dans la prévention chez les enfants et les adolescents. Outre les bénéfices directs qu’ils en retireront en termes de qualité de vie à court terme, les conséquences positives s’étireront jusqu’à leur vie d’adulte.

La prévention, mais ensuite la bonne intégration et l’utilisation de pratiques physiques adéquates pour protéger ou soulager son dos ne se joue pas sur quelques gestes ou une période donnée. Il faut prendre conscience de l’importance au long cours de tous ces facteurs, malgré le côté « rabachage » qu’il peut y avoir dans leur répétition !

Mais un renforcement musculaire adapté ou l’optimisation des gestes, postures et des mouvements ne sont pas anecdotiques : ce sont des aides majeures pour une vie sans douleur dorsale, et il suffit parfois de peu pour « s’aider soi-même ». Mener une vie le moins sédentaire possible, diversifier ses activités quotidiennes, privilégier une alimentation équilibrée… sont autant de gestes simples mais qui ont fait leurs preuves.

Pour cela, il faut que l’enfant comprenne lui-même les raisons des recommandations qui lui sont faites – qu’elles deviennent un choix, et non une contrainte abstraite (et pénible)… Il sait déjà que rester avachi et passif de longues durées devant un écran, fumer ou avoir une activité physique réduite, une mauvaise alimentation et peu dormir ne sont pas « bons » pour lui. Il faut lui donner les moyens de décider en conscience d’adopter les bonnes pratiques… qui lui seront profitables toute sa vie.

Philippe Campillo, Maitre de conférences STAPS, Université de Lille

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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