En France, une femme sur huit sera confrontée au cancer du sein au cours de sa vie. Parmi les facteurs de risque figure la consommation d’alcool : chaque année, 8 000 cas de cancers du sein sur les 61 000 détectés lui sont attribuables, selon l’Institut national du Cancer. Quels mécanismes sont en jeu, et quelles sont les implications en matière de prise en charge et de traitement ?
Chaque année en France, depuis 1994, le mois d’octobre est dédié à la sensibilisation au cancer du sein, dans le cadre de la campagne Octobre rose. L’occasion, notamment, de mettre l’accent sur le dépistage. Rappelons que, s’il est détecté tôt, le cancer du sein guérit 9 fois sur 10. Mais Octobre rose est aussi l’occasion de rappeler l’importance de la prévention, et des habitudes de vie saines.
Parmi les nombreux facteurs de risque en matière de cancer du sein, il en est un qui est particulièrement préoccupant : la consommation d’alcool. Quels sont les mécanismes biologiques qui sous-tendent les liens entre l’alcool et cancer du sein ? Quelles sont les recommandations en matière de prévention ? De sevrage alcoolique ? Voici des éléments de réponse.
Première cause de décès chez les femmes en France
En France, le cancer du sein touche environ une femme sur huit au cours de sa vie, ce qui en fait le cancer de la femme le plus courant. C’est aussi celui qui cause le plus grand nombre de décès par cancer dans la population féminine : 14 % des décès par cancer survenus en 2018 étaient dus au cancer du sein.
Par ailleurs, une étude de l’Institut National du Cancer (INCa) indique que pour l’année 2015, chez les personnes âgées de 30 ans et plus, près de 28000 nouveaux cas de cancer (11 700 chez les femmes et 16 200 chez les hommes) étaient attribuables à la consommation d’alcool, soient 8 % des nouveaux cas de cancer toutes localisations confondues (7,5 % et 8,5 % des nouveaux cas de cancer chez les femmes et les hommes respectivement).
Ces statistiques mettent en lumière la nécessité d’une sensibilisation accrue et de mesures préventives.
Alcool et risque de cancer : un lien bien établi
Bien qu’encore souvent sous-estimé ou méconnu, le caractère cancérigène de l’alcool est aujourd’hui clairement démontré. L’alcool est la deuxième cause évitable de mortalité par cancer, après le tabac. Depuis 1988, cette substance est classée cancérigène pour l’être humain par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC).
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Le risque de cancer dépend de la quantité totale d’alcool consommée, plutôt que du type de boisson (vin, bière, apéritifs). Des études ont montré qu’une consommation accrue d’alcool augmente le risque de cancer du sein de 5 % chez les femmes avant la ménopause et de 9 % chez les femmes ménopausées pour chaque unité d’alcool (environ 10 g d’éthanol) consommée par jour.
Cependant, ce risque est souvent sous-évalué en France : seuls 58,4 % des Français reconnaissent qu’une consommation modérée d’alcool augmente le risque de cancer.
Les recherches ont mis en lumière plusieurs mécanismes par lesquels l’alcool favorise le développement du cancer du sein. L’alcool a la capacité d’élever les niveaux d’œstrogènes dans le sang. Or, ces hormones jouent un rôle central dans le développement de certains types de cancer du sein, en particulier ceux qualifiés de « hormonodépendants ».
Le risque de cancer du sein commence à croître dès qu’une personne consomme de l’alcool, même à des quantités inférieures à un verre par jour. Au Royaume-Uni, l’analyse de données recueillies au cours de l’étude Million Women Study, portant sur plus de 28 000 femmes atteintes d’un cancer du sein, suggère que chaque dose de 10 grammes d’alcool (soit un verre) consommée par jour est associée à une augmentation de 12 % du risque de cancer du sein.
Et ce n’est pas tout : le sevrage améliore également la réponse aux traitements anticancéreux, en réduit les effets indésirables, et diminue le risque de récidive. Et pas seulement dans le cas du cancer du sein.
Impact du sevrage alcoolique sur la survie au cancer
En pratique clinique, seul 0,9 % des patients atteints de cancer ont été informés de la possibilité d’obtenir de l’aide pour réduire la consommation excessive d’alcool. Ce faible niveau de prise en compte de la consommation d’alcool interroge quant à la place de la prévention dans la thérapie du cancer.
Or, cette question n’est pas anodine. En effet, les patients atteints de cancer qui arrêtent de consommer de l’alcool voient leur réponse aux traitements s’améliorer, avec un accroissement des taux de survie de 15-25 % dans certains types de cancer, comme les cancers de l’œsophage et de la tête et du cou.
Le sevrage alcoolique est également associé à une réduction des effets secondaires des traitements, ainsi qu’à une diminution du risque de récidive du cancer, avec une amélioration significative de la qualité de vie des patients.
Des consultations régulières permettent de suivre les progrès, d’ajuster les traitements et de prévenir les rechutes. Enfin, un soutien psychosocial, incluant thérapies et groupes de parole, renforce la motivation et améliore l’environnement du patient, augmentant ainsi les chances de succès. Différentes associations s’impliquent dans ce but, comme la Ligue contre le cancer et l’association Europa Donna France.
On ne le répétera jamais assez : l’alcool est un facteur de risque important pour le cancer du sein, et trop peu connu. La promotion du sevrage alcoolique pourrait un rôle crucial non seulement dans la réduction de l’incidence de ce cancer, mais aussi dans l’amélioration de la survie.
Les recommandations pour limiter la consommation d’alcool et les stratégies de sevrage devraient être largement diffusées et intégrées dans les programmes de prévention et de traitement du cancer.
- En matière de dépistage, les femmes de 50 à 74 ans, sans facteurs de risque autres que l’âge, peuvent prétendre à une mammographie gratuite tous les 2 ans. Pour en savoir plus sur le dépistage et la détection précoce, consultez la page dédiée sur le site de l’Institut national du Cancer ;
- Le site alcool-info-service.fr propose des solutions pour agir sur sa consommation d’alcool.
Ingrid Marcq, Chercheuse, Groupe de Recherche sur l'Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP) INSERM 1247, Centre Universitaire de Recherche en Santé (CURS) et responsable équipe 70 du Réseau Nutrition Alimentation et Cancer (NACRe), Université de Picardie Jules Verne (UPJV) et Anoïsia Courtois, Doctorante en biologie-santé, Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP) Inserm 1247, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)