Il y aurait actuellement près de 80 millions d’animaux de compagnie en France. Publicdomainpictures.net
Un animal de compagnie au travail, c’est plus d’implication et moins de stress
Pierre Chaudat, Université Clermont Auvergne (UCA)La France est l’un des pays industrialisés au monde totalisant le plus d’animaux de compagnie, c’est-à-dire un animal qui n’a pas d’intérêt productif. En 2022, il semblerait que près de 80 millions d’animaux de compagnie soient présents en France. Bien souvent, il s’agit d’un chien, d’un chat, de poissons, d’oiseaux mais aussi de nouveaux animaux de compagnie tels que des rats ou des gerbilles, etc. Il s’avère ainsi qu’un foyer sur deux possèderait un animal de compagnie.
Du côté de l’entreprise, la présence de l’animal de compagnie reste aujourd’hui cependant marginale et concerne bien souvent des start-up. Pourtant, ces compagnons peuvent parfois s’avérer indispensables. C’est le cas pour certaines personnes atteintes de handicap. Par exemple, l’accès des chiens guides ou d’assistance accompagnant un travailleur, qu’il soit salarié ou stagiaire, aux locaux de l’entreprise affectés à l’ensemble du personnel (accueil, réception, locaux de restauration, espaces de repos, lieux de passage, etc.), aux locaux de travail, aux salles de réunion ou de formation ne peut être interdit par l’employeur.
Par ailleurs, la crise du Covid-19 a bouleversé l’organisation du travail. Le travail hybride invite les salariés à s’approprier de nouveaux espaces de travail permettant plus facilement la présence et la garde de l’animal de compagnie. D’après la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares), 27 % des salariés pratiquaient le télétravail en France en 2021, contre 4 % en 2019. De surcroit, 8 télétravailleurs sur 10 souhaitaient le poursuivre. De son côté, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) estime que le travail hybride deviendra bientôt la norme et que le télétravail se stabiliserait autour de deux jours par semaine en moyenne d’ici 2025.
Ainsi, aujourd’hui, il apparaît légitime de se repencher sur la question de l’intérêt et de la place de l’animal de compagnie dans le cadre du travail.
Une entreprise plus vivante et familière
Depuis longtemps, de nombreuses études essentiellement anglo-saxonnes se sont attachées à analyser l’intérêt de l’animal de compagnie dans des lieux et des problématiques totalement étrangers à l’entreprise. À notre connaissance, notre recherche se présente ainsi comme atypique puisque dans le cadre d’une recherche qualitative et quantitative, nous avons questionné 133 salariés qui disposaient d’un chien sur leur lieu de travail dans le but d’en mesurer les éventuelles conséquences en termes d’implication et de réduction du stress.
Concernant le premier volet de l’enquête, il a été question d’analyser la notion d’implication. La recherche témoigne que les jeunes salariés (moins de 25 ans) sont plus impliqués que le reste des individus lorsqu’ils sont accompagnés d’un animal. Cet attachement est également plus marqué chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, la recherche relève que moins le salaire est élevé, plus l’attachement à l’entreprise est important pour le salarié exerçant au côté de l’animal. Ainsi, en termes d’implication managériale, si l’entreprise opère avec des salariées jeunes ayant un faible revenu, elle peut compter avoir une plus forte implication de son personnel, voire fidéliser cette main-d’œuvre.
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Concernant la variable « stress », il s’est avéré que l’animal a une forte influence concernant les troubles de l’humeur (anxiété, irritabilité, découragement) et les troubles de la tension (maux de tête, nervosité, etc.). L’animal contribue à améliorer un cadre de vie. L’entreprise s’avère plus vivante, plus familière. Les salariés les moins rémunérés, qui plus est, les femmes, semblent les plus attirés par cet environnement.
D’une façon générale, au sein de l’entreprise, il nous est apparu que l’animal de compagnie ne laisse à aucun moment indifférent ni le salarié ni l’entourage proche ou éloigné de ce dernier (fournisseur, client, patient, etc.). Il peut se révéler un instrument précieux pour réinventer de nouveaux rapports sociaux. Paradoxalement, dans certaines situations, il contribue à humaniser les relations humaines.
Une présence qui ne s’improvise pas
Pour finir, il nous semble important de préciser que bien que cette recherche exploratoire nous semble prometteuse, la présence de l’animal de compagnie s’avère impossible dans certains secteurs d’activités ayant de fortes contraintes d’hygiène ou de sécurité.
Par ailleurs, la présence d’un animal de compagnie ne s’improvise pas et demande une véritable réflexion collective pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’employeur est soumis à une obligation de sécurité à l’égard de la santé physique et mentale de l’ensemble de ses salariés. Or, la santé physique et mentale de certains salariés peut être affectée si ces derniers révèlent une véritable phobie ou présentent des signes allergiques à un animal.
Par ailleurs, un animal de compagnie même éduqué et sociable peut se révéler agressif, mordre, aboyer ou transmettre à l’homme certaines maladies telles que la teigne ou le ver solitaire. Enfin, la multiplication d’animaux de compagnie au sein d’un espace réduit peut s’avérer compliquée à gérer. C’est donc à l’employeur, au regard de son pouvoir de direction, d’accepter ou de refuser la présence d’animaux dans ses locaux.
Si la présence d’un animal de compagnie peut présenter de nombreux atouts et peut laisser présager d’un succès partagé, l’autorisation de sa présence nécessite donc sans aucun doute une discussion et l’adhésion d’un collectif.
Pierre Chaudat, Maitre de Conférences HDR, IAE Clermont Auvergne - School of Management, Université Clermont Auvergne (UCA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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