Le président turc Recep Tayyip Erdogan a célébré sa victoire au référendum sur l'hyper-présidentialisation du régime avec des milliers de partisans, lundi dans son palais à Ankara, et critiqué les observateurs étrangers qui ont mis en doute sa victoire.
Alors que l'Europe a fait la fine bouche devant sa victoire d'une courte tête, une mission commune d'observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe ayant même estimé que le scrutin n'avait pas été "à la hauteur des critères" européens, Donald Trump a quant à lui téléphoné à son homologue pour le féliciter personnellement.
Erdogan a rejeté par avance tout rapport critique qui pourrait venir de la part des Européens : "Nous ne voyons et nous ne tenons pas compte de tout rapport que vous pourriez préparer", a-t-il lancé devant ses supporters.
Turquie : "Le référendum légalise le culte d'Erdogan"Le chef de la diplomatie turque a de son côté jugé les conclusions des observateurs "biaisées" et "inacceptables". "Des modifications tardives dans la procédure de comptage (des voix) ont supprimé un important garde-fou" contre les fraudes, a estimé le rapport des observateurs européens, tandis que les deux principaux partis d'opposition, le CHP (social-démocrate) et le HDP (prokurde) dénoncent des "manipulations" pendant le scrutin.
Erdogan a aussi évoqué l'organisation d'un référendum pour décider de poursuivre ou non les négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE : "Ils nous font attendre à la porte de l'Union européenne depuis 54 ans, n'est-ce pas ? [...] Nous pourrons aller au-devant de notre peuple, et nous obéirons à sa décision", a-t-il lancé, sans avancer de date pour une éventuelle initiative de ce type.
Durcissement avant la présidentielle de 2019
Dimanche soir, il avait déjà lancé l'idée d'un référendum sur le rétablissement de la peine de mort. Paris a averti lundi qu'une telle mesure provoquerait une "rupture" avec l'Europe. "L'Union européenne menace de geler les négociations. A vrai dire, ce n'est pas très important pour nous. Qu'ils nous communiquent leur décision !" a ajouté le président turc.
Plusieurs analystes estiment que sa victoire étriquée au référendum laisse augurer d'un nouveau durcissement des relations avec l'Union européenne, déjà très tendues.
"S'il pense que son discours anti-européen peut lui faire gagner des votes, il peut poursuivre" dans cette voie, analysait lundi Esra Ozyurek spécialiste de la Turquie à la London School of Economics.
Ibrahim Dogus, directeur du Ceftus, un think tank sur la Turquie basé à Londres, jugeait lui aussi qu'Erdogan devait se montrer "de plus en plus dur sur certaines questions comme la peine de mort" afin de "galvaniser sa base". Ce, d'autant plus que la grande majorité des réformes ne s'appliqueront qu'après l'élection présidentielle de 2019.
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