Toux persistante après une infection respiratoire : que faut-il savoir ?
Kyle B. Enfield, University of VirginiaIl est difficile aujourd’hui de nous souvenir à quand remonte la dernière fois où nous nous sommes trouvés dans un lieu public sans entendre quelqu’un tousser. Après trois ans de pandémie, la moindre toux nous fait dresser l’oreille… ou nous met dans l’embarras, si c’est la nôtre !
Avec l’augmentation, à l’automne 2022 puis durant cet hiver, de la circulation des virus de la grippe saisonnière, du Covid-19 et de la bronchiolite (principalement causée par le virus respiratoire syncytial ou VRS), les infections se sont multipliées, tout comme les expectorations, toux et toussotements associés.
Tousser est en effet un symptôme courant des infections respiratoires : il est à l’origine de 30 millions de consultations médicales par an aux États-Unis, dont 40 %se terminent dans le cabinet d’un pneumologue. Par ailleurs, il n’est pas rare de continuer à tousser longtemps après une infection des voies respiratoires supérieures.
La toux persistante étant tellement répandue, on pourrait imaginer que le corps médical possède une longue liste de traitements adaptés à sa prise en charge. Malheureusement, ce n’est pas nécessairement le cas ; cela dépend de la cause de ladite toux. En ce qui concerne les toux qui perdurent après une infection respiratoire, le temps est généralement le meilleur allié du médecin.
Pourquoi toussons-nous ?
Les médecins se sont longtemps interrogés quant aux raisons qui font que la durée de la toux peut tant varier d’une infection à l’autre (qu’elle soit d’origine virale ou bactérienne). Pourquoi, comme je le constate moi-même dans ma pratique, certains patients développent-ils des toux de long terme, tandis que, chez d’autres, ce symptôme semble disparaître beaucoup plus rapidement ? La réponse est probablement à rechercher du côté des différences qui peuvent exister entre individus : certaines personnes souffrent par exemple d’asthme, d’autres de bronchite chronique…
La toux est le résultat d’un processus complexe qui débute par une impulsion électrique survenant dans les nerfs qui parcourent les voies respiratoires, dont le nez et la gorge. Deux types de récepteurs nerveux peuvent déclencher une toux en réponse à un stimulus externe : des récepteurs sensibles à certains composés chimiques, et des récepteurs sensibles aux stimulations mécaniques (appelés mécanorécepteurs). Les récepteurs chimiques sont activés par les odeurs et les fumées ; c’est à cause d’eux que certaines personnes sont parfois prises d’un accès de toux après avoir respiré l’odeur de poivrons épicés grésillant sur une poêle chaude. Les mécanorécepteurs répondent quant à eux aux sensations produites par des substances irritantes, comme la poussière.
Lorsque ces nerfs sont activés, la gorge se ferme et la pression dans la poitrine augmente. Cette accroissement de pression aboutit à une « explosion » d’air et de mucus, qui se propage hors des poumons à plus de 800 km/h. Soit une vitesse qui est près de deux fois celle des voitures les plus rapides de la planète !
Des études ont démontré que les infections virales sont capables d’altérer la sensibilité des nerfs impliqués. Le processus inflammatoire qui résulte d’une telle infection mène en effet à la production d’une molécule appelée bradykinine, laquelle donne envie de tousser. Il a aussi été démontré que certains virus eux-mêmes sont capables d’activer dans les cellules des modifications génétiques qui augmentent la sensibilité de ces processus, ce qui aboutit à une augmentation de la toux.
Mais lorsque la phase aiguë de l’infection est terminée et que l’on commence à se sentir mieux, le corps répare les dommages causés dans les poumons et les voies respiratoires par l’inflammation. Cette remise en état atténue le réflexe de toux. Les processus moléculaires qui nous faisaient tousser et éternuer plus fréquemment qu’à l’accoutumée se stabilisent et reviennent à l’état normal - du moins dans la plupart des cas. Chez certaines personnes, cependant, cela peut prendre davantage de temps que chez d’autres.
À partir de quand faut-il considérer que l’on tousse depuis trop longtemps ?
Les médecins répartissent les symptômes respiratoires tels que la toux en diverses catégories spécifiques. Ils considèrent ainsi qu’il existe principalement trois types de toux : aiguë , subaiguë et chronique.
La toux aiguë est celle qu’expérimentent la plupart des gens lorsqu’ils sont victimes d’une infection virale. Une toux est considérée comme subaiguë lorsqu’elle dure plus de trois semaines après une maladie des voies respiratoires supérieures. Une toux chronique persiste quant à elle au-delà de 8 semaines. Le plus souvent, elle est causée par un asthme, l’écoulement post-nasal (mucus qui s’accumule dans l’arrière-gorge ou dans l’arrière-nez) et, ce qui pourra peut-être en surprendre certains, par un reflux gastro-œsophagien (remontée d’une partie du contenu de l’estomac dans l’œsophage).
La toux post-infectieuse appartient à la catégorie des toux subaiguës. Persistant après la fin d’une infection respiratoire, alors que les autres symptômes ont disparu, elle peut durer des semaines voire des mois, se transformant alors en toux chronique.
La toux post-infectieuse est très fréquente, et les médecins s’efforcent depuis longtemps de déterminer combien de personnes elle concerne. Les estimations varient selon les études : une étude réalisée au Japon sur une petite cohorte de patients (124) a révélé que, parmi les personnes souffrant d’une toux subaiguë ou chronique, 12 % étaient atteintes d’une infection des voies respiratoires.
En ce qui concerne la Covid-19, les données actuelles indiquent que seuls 2,5 % des personnes touchées par la maladie ont développé une toux chronique après l’infection. Cela peut sembler faible, mais dans les faits cela signifie qu’un grand nombre d’individus pourraient être concernés : rien qu’aux États-Unis, début février 2023 on dénombrait en effet plus de 280 000 nouveaux cas de Covid-19 par semaine. Le nombre réel de personnes atteintes de toux chronique demeure toutefois incertain, car les études qui se sont penchées sur la question concernaient des cohortes de petite taille, qui concernaient uniquement les gens qui avaient consulté après avoir attrapé la Covid-19.
Pas de remède miracle
Le Collège américain de médecine thoracique et la Société européenne de Pneumologie ont publié des recommandations pour aider les cliniciens à établir leurs diagnostics malgré les incertitudes et le manque de données disponibles. Même si elles datent de 2006, elles constituent aujourd’hui encore le meilleur guide disponible à la fois pour les médecins et pour leurs patients.
Environ la moitié des personnes atteintes d’une toux persistante finissent par en guérir sans aucun traitement. Pour les patients qui ne sont pas dans ce cas, les données disponibles, bien que limitées, suggèrent que les inhalateurs, les stéroïdes, les narcotiques et certains médicaments en vente libre peuvent parfois apporter un certain soulagement.
Chez les adultes, cependant, les preuves d’efficacité demeurent variables et limitées. Dans ma pratique, il m’arrive souvent de prescrire un antitussif non narcotique (benzonatate). Ce produit fonctionne en « engourdissant » les nerfs des poumons et des voies aériennes, ce qui calme le réflexe de toux. Chez les enfants, les données d’efficacité des traitements antitussifs sont également très parcellaires, mais des travaux ont démontré que les médicaments en vente libre et les antihistaminiques n’étaient pas plus efficaces que les placebos.
Certains patients se traitent avec des remèdes « faits maison » : bon nombre de personnes utilisent le miel pour apaiser leur toux, par exemple. Il existe effectivement des indices (limités) suggérant un effet potentiellement bénéfique. Un essai en particulier a révélé que, sur une période de trois jours, le miel était plus efficace qu’un placebo pour atténuer la toux.
En cas de doute, consultez un médecin
Il est normal d’être inquiet en cas de toux persistante (une inquiétude qu’une recherche Google ne fera que renforcer…).
Si peu satisfaisant que ce soit, il faut cependant garder à l’esprit que la plupart des toux finiront par se résoudre d’elles-mêmes. Certains cas justifient cependant de prendre rendez-vous avec son médecin sans tarder : perte de poids rapide, sueurs nocturnes, expectorations importantes, crachats ensanglantés… Dans de rares cas, la toux subaiguë et chronique peut en effet être un signe de cancer du poumon ou de diverses maladies pulmonaires chroniques.
Quoi qu’il en soit, si la question de votre toux vous inquiète, et que vous ressentez un besoin d’informations ou de conseils, n’hésitez pas à consulter. Des millions d’autres personnes sont chaque année dans le même cas que vous…
Kyle B. Enfield, Associate Professor of Medicine, University of Virginia
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.