Répéter pour bien apprendre : trois clés pour mémoriser des informations à long terme
Emilie Gerbier, Université Côte d’AzurPour retenir des informations sur le long terme, on sait qu’il est important de tester ses connaissances et de les répéter. Mais quelle est la fréquence idéale de révisions pour éviter les trous de mémoire le jour de l’examen ? Les recherches en psychologie nous donnent quelques clés pour mieux s’organiser.
Le proverbe « C’est en forgeant que l’on devient forgeron » refle?te l’importance de répéter la même activité afin d’en maitriser les savoir-faire. Ce principe vaut aussi pour le vocabulaire ou les leçons que nous devons assimiler. Pour contrer notre tendance naturelle à oublier des informations, il est essentiel de les réactiver en mémoire.
Mais, justement, à quelle fréquence organiser ces réactivations pour ancrer les connaissances dans nos mémoires le plus efficacement et durablement possible ?
Les recherches en psychologie cognitive apportent des éléments de réponses à cette question. Au-delà de recettes toutes faites, il est important de comprendre les principes qui sous-tendent un apprentissage durable afin de se les approprier et de pouvoir les mettre a? profit de façon personnelle.
Miser sur l’« effet d’espacement » dans les révisions
Deux grands principes sont fondamentaux pour mémoriser des informations sur le long terme.
Le premier consiste a? utiliser des tests pour apprendre et réviser : il est beaucoup plus efficace de s’autotester sur un contenu, par exemple à l’aide de cartes question-réponse, que de le relire. Et, après chaque tentative de récupération en mémoire, les informations non rappelées doivent être ré-étudiées.
Le second principe consiste à bien répartir dans le temps les réactivations. C’est « l’effet d’espacement » : si on ne peut consacrer que trois sessions seulement à un contenu, il vaut mieux les programmer à intervalles relativement longs (par exemple, tous les trois jours) pluto?t que courts (tous les jours).
Les révisions espacées par des intervalles longs demanderont davantage d’efforts : il sera un peu plus difficile de récupérer les informations en mémoire après trois jours que le lendemain. Or, ce sont justement ces efforts qui renforceront les souvenirs, favorisant la rétention sur le long terme.
Dans le domaine de l’apprentissage, il faut se me?fier de la facilite?. Se souvenir aisément d’une leçon aujourd’hui n’est pas un bon indicateur de la probabilité de s’en souvenir dans un mois. Or, un tel sentiment de facilité peut nous inciter a? considérer (à tort) comme inutile de la réviser.
Robert Bjork, de l’Université de Californie, a nommé « difficulte? de?sirable » l’idée d’un niveau optimal de difficulte?, situé entre deux extre?mes. Le premier extrême correspond à un apprentissage très facile (mais inefficace a? long terme) tandis que l’autre extrême correspond à un apprentissage trop difficile (à la fois inefficace et de?courageant).
Trouver le juste rythme d’études
Il y a donc une limite a? l’espacement entre les réactivations : après un long délai (par exemple un an), une information apprise aura fortement de?cline? en mémoire et sera très difficile, voire impossible, à re?cupe?rer. En plus de générer une émotion négative, cette situation nous forcera, en quelque sorte, à recommencer l’apprentissage depuis le début et les efforts précédents auront été vains.
Il s’agit donc de trouver le juste intervalle entre les réactivations, ni trop long, ni trop court. Mais ce juste intervalle n’est pas une valeur universelle car, en réalité, il dépend de plusieurs facteurs (lie?s a? l’individu, à l’information à apprendre et a? l’historique de cet apprentissage). Certains logiciels d’apprentissage implémentent des algorithmes prenant en compte ces facteurs, ce qui leur permet de tester chaque information au moment « idéal ».
Des méthodes avec papier et crayon existent également. La plus simple consiste à suivre un programme « expansif », c’est-à-dire utilisant des intervalles de plus en plus longs entre les sessions successives. Cette technique est mise en œuvre dans la « méthode des J », connue de certains étudiants. Son efficacité réside dans le renforcement progressif de la mémoire.
Au début de l’apprentissage, un souvenir est fragile et nécessite une réactivation rapide afin de ne pas être oublié. À chaque nouvelle réactivation, le souvenir se renforce, ce qui permet de retarder la réactivation suivante, et ainsi de suite. L’autre conséquence est que chaque réactivation est alors moyennement difficile, et donc située au niveau « désirable » de difficulté.
Voici un exemple de programme expansif pour un contenu donné : J1, J2, J5, J15, J44, J145, J415, etc. Ici la durée de l’intervalle est triplée d’une session à la suivante (24 heures entre J1 et J2, puis 3 jours entre J2 et J3, etc.).
Intégrer peu à peu de nouvelles connaissances
Il n’y a pas de consensus scientifique sur la meilleure série d’intervalles. Il semble toutefois particulièrement bénéfique de réaliser la première réactivation le lendemain (J2) de l’apprentissage initial car le sommeil nocturne aura permis au cerveau de restructurer et/ou de renforcer les connaissances apprises la veille (J1). Les intervalles suivants peuvent être ajustés en fonction des contraintes de chacun.
Enfin, la méthode est souple : si besoin, on peut décaler une session de quelques jours avant ou après la date prévue sans impacter l’efficacité globale sur le long terme. L’important, c’est le principe de réactivation régulière.
Le programme expansif présente en outre un avantage pratique considérable : il permet d’inte?grer progressivement de nouvelles informations. Par exemple, on peut faire commencer un nouveau contenu à J3 du programme ci-dessus, car ce jour-là ne contient pas de session. En ajoutant ainsi des contenus au fur et à mesure, il est possible de mémoriser de façon durable un très grand nombre d’informations sans décupler le temps passé à les étudier.
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L’autre méthode est basée sur le principe des « boîtes de Leitner ». Cette fois, la durée de l’intervalle avant la prochaine réactivation n’est pas prévue à l’avance mais dépend du résultat de la recherche en mémoire. Si la re?ponse a été facilement récupérée, la prochaine réactivation sera dans une semaine. Si la réponse a été trouvée, mais difficilement, on attendra trois jours avant de se tester à nouveau. Si on n’est pas parvenu à trouver la réponse, le prochain test aura lieu dès le lendemain. Chacun, avec l’expe?rience, pourra ajuster ces intervalles et développer son propre système.
En somme, pour un apprentissage efficace et durable, il faut faire l’effort de récupérer l’information dans sa mémoire et répéter ce processus régulièrement, selon des intervalles adaptés permettant de contrer l’oubli.
Emilie Gerbier, Maîtresse de Conférence en Psychologie, Université Côte d’Azur
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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