Parents, avant de mentir à vos enfants, réfléchissez à deux fois !
Rebecca Brown, University of OxfordPour éviter des colères ou cacher des réalités difficiles aux enfants, les parents peuvent recourir à de petits mensonges. Une solution de facilité qui peut nuire au lien de confiance.
Il arrive souvent aux parents de mentir à leurs enfants. « Non, tu ne peux pas avoir de chocolat : il n’y en a plus », peuvent-ils dire, par exemple, alors même qu’il y a tout un paquet de barres chocolatées dans le placard. « Non, tu ne peux pas prendre mon téléphone pour regarder YouTube : la batterie est déchargée », alors que le téléphone affiche nettement un chargement à 65 %.
Dans certains cas, de tels mensonges sont un recours pour se faciliter la vie, surtout lorsque les enfants sont petits. Dans d’autres cas, on peut penser que le mensonge sert l’intérêt de l’enfant. Par exemple, on essaie d’inciter les plus jeunes à manger des carottes en leur disant que ça les aidera à voir dans le noir. En leur promettant de super pouvoirs, on essaie de les aider à développer de bonnes habitudes alimentaires.
De même, des mensonges peuvent être proférés pour protéger les enfants de vérités jugées pénibles. Face à la difficulté de parler de la mort ou d’une maladie grave avec des enfants, il peut être tentant de déformer la réalité pour éviter de les bouleverser.
Mais avant d’avoir couramment recours au mensonge, il convient de s’interroger sur les raisons qui le motivent et de se demander si une approche différente ne serait pas préférable.
Différents types de mensonges
En gros, les gens mentent lorsqu’ils disent des choses qu’ils savent fausses dans l’intention de tromper les autres.
Les philosophes ont beaucoup débattu afin d’élaborer une juste définition tenant compte de tous les cas de mensonge, sans déborder sur d’autres situations. Celle-ci doit par exemple exclure les blagues, les métaphores ou certains cas d’exagération (« Il pleut des cordes », « J’ai tellement faim que je pourrais manger un cheval »).
Le mensonge peut être bien intentionné, dans le cas des mensonges blancs et des nobles mensonges. On appelle mensonges blancs sont de petits mensonges qui aident à protéger les relations sociales – par exemple, pour éviter de contrarier ou d’offenser quelqu’un (« Cette veste vous va vraiment bien »). Les nobles mensonges servent un plus grand bien, comme le maintien de l’harmonie politique (« Nous n’avons rien à craindre d’autre que la peur elle-même »).
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Il existe également des cas particuliers, qui ne correspondent pas tout à fait à la définition du mensonge donnée ci-dessus. Les « mensonges » altruistes visent à amener quelqu’un à croire la vérité – si vous savez que quelqu’un ne vous croira pas, vous pouvez dire quelque chose de strictement faux, mais avec l’intention de le guider vers une vérité.
Par exemple, Ben confond toujours la cannelle et la muscade. Il aime la cannelle et déteste la muscade, mais il croit, à tort, qu’il aime la muscade et déteste la cannelle. Sally connaît les préférences de Ben et sait qu’il confond systématiquement la cannelle et la muscade. Elle offre à Ben une brioche à la cannelle et lui dit : « Tu vas l’adorer, elle est pleine de noix de muscade. » Dans de tels cas, il n’y a pas d’intention de tromper.
Par ailleurs, quelqu’un peut avoir l’intention de tromper les autres sans faire de fausse déclaration : les mensonges par omission consistent à induire quelqu’un en erreur en omettant des informations pertinentes. Il est également possible de tromper en disant la vérité, par exemple en répondant « Je préfère le brie » à la question « As-tu mangé le morceau de Stilton que je gardais ? »
Mais les mensonges que les parents disent souvent à leurs enfants ne relèvent pas de ces « sortes de » mensonges.
Privilégier la confiance
Il est évident que les adultes mentent parfois à d’autres adultes. Certains philosophes, comme Emmanuel Kant, pensent que le mensonge n’est jamais justifié, même si les conséquences du fait de dire la vérité pourraient être désastreuses. Mais il n’est pas nécessaire d’adopter une position aussi extrême pour penser que la façon dont les gens mentent aux enfants et la fréquence de leurs mensonges sont inquiétantes.
Les gens ne mentent pas seulement aux enfants lorsque les conséquences du fait de dire la vérité seraient très graves. On ment souvent aux enfants pour des raisons insignifiantes – pour éviter d’avoir à expliquer les choses, pour éviter une nouvelle crise de colère, pour aller plus vite ou pour faire respecter une règle.
Et les mensonges ne sont pas toujours aussi insignifiants. On peut dire aux enfants que la police viendra les arrêter s’ils n’obéissent pas aux exigences de leurs parents. Les jeunes enfants ne sont pas bien placés pour juger de la plausibilité de ces affirmations et on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils en reconnaissent l’absurdité.
On peut lister plusieurs raisons pour lesquelles il n’est pas anodin de mentir aux enfants :
La perte de confiance : le risque d’être découvert et la perte de confiance qui s’ensuit constituent l’un des problèmes. Il semble important que les enfants puissent faire confiance aux adultes, en particulier à leurs parents. Mentir aux enfants met en péril cette confiance et peut être associé à d’autres résultats négatifs, tels que des niveaux plus élevés d’inadaptation psychosociale plus tard dans la vie.
Les enjeux du développement de l’enfant : certains des mensonges racontés pour éviter la détresse ou la confrontation à des difficultés peuvent partir d’un bon sentiment. Mais ils empêchent les enfants d’exercer un contrôle de soi ou de développer une compréhension du monde. Les crises de colère et les conflits sont désagréables mais inévitables et les enfants doivent apprendre à gérer des émotions telles que la frustration et l’injustice.
Le respect : il est important de se rappeler que les enfants sont aussi des personnes. Nous trouverions irrespectueux d’agir avec des adultes comme si l’exactitude de leurs croyances n’avait pas d’importance. Nous devrions avoir la même approche avec les enfants.
En nous engageant à dire la vérité, nous nous obligeons à réfléchir à notre comportement. Par exemple, quelle est la véritable raison pour laquelle votre enfant n’a pas le droit de regarder les dessins animés en ce moment, ou pour laquelle vous ne l’emmenez pas jouer au square ? Les parents disposent d’un incroyable pouvoir sur leurs enfants, qu’ils doivent exercer de manière responsable. Dire la vérité peut nous encourager à réfléchir aux raisons pour lesquelles nous contrôlons nos enfants de telle ou telle manière et à déterminer si cela est justifié ou non.
Être parent peut être épuisant, et le mensonge est une solution de facilité. Mais pour traiter les enfants avec respect et les aider à se développer et mûrir, il vaut mieux s’en tenir à des exigences plus élevées en matière de communication. Réfléchissez donc à la vraie raison pour laquelle vous n’avez pas donné de tablette de chocolat à votre enfant de trois ans… et la prochaine fois qu’il fait un caprice, énoncez-la !
Rebecca Brown, Senior Research Fellow at the Uehiro Oxford Institute, University of Oxford
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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