Le dépôt de Sotteville avait joué un rôle décisif dans le conflit de 1995. Même si le contexte a changé, la ville demeure un lieu majeur de contestation.
A Rouen, personne n’a oublié. Personne n’a oublié décembre 1995 et la mobilisation sans faille des cheminots du dépôt de Sotteville, situé aux portes de la cité normande, sur la rive gauche de la Seine, celle où les usines ont prospéré et qui est devenue au fil des ans un bastion ouvrier. De l’autre côté du fleuve s’offrent à la vue les flèches de la cathédrale si chère à Monet et les vieilles demeures à colombages prisées par les plus aisés. Rive droite, la place est bourgeoise.
L’hiver 1995, aucun train n’avait circulé entre Paris et Caen pendant trois semaines. En ville, des élus de gauche racontent même avec fierté que le mouvement fatal aux mesures sur la sécurité sociale et les régimes de retraite, concoctées par le premier ministre d’alors, Alain Juppé, serait parti de cette gare de triage, parmi les plus importantes d’Europe à l’époque. Les agents y ont acquis la réputation d’être des durs, des âpres au combat, comme à Marseille.
Vingt-quatre années ont passé depuis et « oui, on le sait, on compte encore sur nous », reconnaît Thierry, l’un des nombreux « gilets orange » « CGT cheminots Sotteville » à avoir défilé à Rouen, jeudi 5 décembre, avec des milliers d’autres manifestants, pour réclamer l’abandon du projet de retraite par points. Tous ceux qui battent le pavé le savent, les quinze jours à venir vont être décisifs. « C’est sûr, on aura vraiment besoin que la grève dans les transports continue. L’impact est tellement fort », espère ainsi le « gilet jaune » Olivier Bruneau, référent du rond-point des Vaches, un haut lieu de la fronde normande, à Saint-Etienne-du-Rouvray, ville communiste de la métropole Rouen-Normandie – 500 000 habitants.
Succès de la « journée test » du 5 décembre
Le 5 décembre, le cortège s’étirait sur plus de trois kilomètres, une mobilisation pas vue depuis longtemps. Et surtout, aucun débordement à regretter. La veille, l’intersyndicale avait insisté, en assemblée générale, sur l’importance d’une manifestation « bon enfant » afin de s’assurer du capital sympathie de la population.
Au dépôt de Sotteville, après le succès de cette « journée test », l’heure est au café dans les locaux syndicaux proches des voies ferrées. Le ton est enjoué, la plaisanterie facile, pourtant il plane comme une sorte de malaise. « Nous allons tout faire pour que le mouvement aboutisse et que cette réforme des retraites soit définitivement mise au placard », assure Christophe Callay, secrétaire CGT des cheminots de Normandie mais, répète-t-il avec insistance, « le paysage a beaucoup évolué depuis 1995 ». C’est peu dire…
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