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Les nuages de haute altitude liés aux émissions de particules renforcent le réchauffement de l'atmosphère. Ces cirrus, dont l'effet radiatif est encore plus important que celui lié aux émissions de CO2, vont encore se développer à la faveur de l'explosion du trafic aérien.

 

Les traînées blanches laissées par les avions dans le ciel aggravent l'effet de serre. Leur impact va tripler d'ici 2050 en raison de l'augmentation du trafic aérien, rapporte une étude allemande publiée le 27 mai dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics. Rien à voir avec les thèses complotistes des « chemtrails » prétendant que les avions répandent délibérément des produits chimiques dans l'atmosphère pour manipuler le climat. Les traînées en question se réfèrent aux cirrus de haute altitude formés par la condensation issue des gaz chauds et de la suie formée par la combustion du kérosène. La vapeur d'eau provenant des réacteurs s'agglomère sur ces particules pour former des gouttelettes qui gèlent et donnent des microcristaux de glace. Ces nuages peuvent persister plus d'une demi-journée et se réunir pour former d'immenses chapes de plusieurs milliers de kilomètres de long.

Un puissant effet radiatif non pris en compte

Mais contrairement aux nuages de basse altitude, qui ont tendance à refroidir le climat en réfléchissant les rayons du soleil, les cirrus agissent comme une « trappe à chaleur » avec un effet réchauffant supérieur à celui des émissions de CO2 accumulées par le transport aérien. Et pourtant, ce phénomène n'est pas pris en compte dans le système de quotas, prévu par l'Organisation de l'aviation civile internationale, pour instaurer une neutralité des émissions de CO2 d'ici à 2035 à leur niveau de 2020 (système Corsia).

L’Europe pénalisée par la pollution des avions américains

Les chercheurs du DLR, l'agence aérospatiale allemande, ont modélisé l'effet radiatif de ces cirrus à l'horizon 2050. D'après leurs projections, ce dernier va passer de 49 mW/m2 en 2006 à 159 mW/m2 en 2050. Un triplement à mettre en relation avec l'augmentation de 419 % du trafic aérien, ce qui veut dire que la contribution des cirrus va en réalité diminuer par kilomètre parcouru, à la faveur notamment d'une meilleure efficacité énergétique des avions et... du réchauffement qui réduit la propension des cristaux de glace à se former.

L’augmentation de l’effet radiatif des cirrus — (a) en 2006 et (b) en 2050 — va surtout se faire ressentir au-dessus de l’Atlantique et en Asie du Sud-Est, là où le trafic augmente le plus rapidement. © Lisa Bock et Ulrike Burkhardt, Atmos. Chem. Phys., 2019

Contrairement au CO2, l'effet radiatif des traînées se concentre dans les zones les plus fréquentées par les avions, mais dépend aussi des conditions atmosphériques locales (humidité, température, etc). Ainsi, 27 % du réchauffement est localisé au-dessus des États-unis et du Mexique, et 18 % sur l'Europe. Cette dernière est d'autant plus pénalisée que des cirrus formés aux États-Unis voyagent au-dessus de l'Atlantique via un corridor de flux atmosphérique.

Voler plus haut… ou voler moins ?

Une des solutions pour réduire le réchauffement serait de voler plus haut -- là où l'air est plus froid et sec -- ou de dévier les trajets dans des zones moins propices à la formation des nuages. Mais cela augmenterait le temps de vol et les coûts pour les compagnies aériennes. Des carburants plus propres, des changements aérodynamiques, une réduction du poids des avions et des moteurs plus économes pourraient améliorer la situation. Mais il sera difficile d'inverser la tendance : « Même en imaginant qu'on réduise les émissions de particules de 90 %, cela ne suffira pas à stabiliser le réchauffement au niveau de 2006 », prévient Ulrike Burkhardt, l'auteur principal de l'étude. D'autant plus que d'ici-là, le CO2 va de son côté continuer à s'accumuler dans l'atmosphère.

Ce qu'il faut retenir
  • Les cirrus formés par les traînées de condensation des avions sont un facteur majeur de l’effet de serre engendré par le transport aérien.
  • Leur effet radiatif, bien qu’en baisse en valeur relative, va tripler d’ici 2050.
  • Il existe plusieurs techniques pour le diminuer mais cela ne suffira pas à compenser l’explosion du transport aérien qui augmente de 3,5 % par an.

Source : Réchauffement climatique : l'impact des traînées d'avion va tripler d'ici 2050


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