À 77 ans, c'est sur la Croisette que Paul Verhoeven, dit le «Hollandais violent», est réapparu dans le paysage cinématographique mondial. L'accueil critique et public réservé par les festivaliers à Elle, son premier film français avec Isabelle Huppert, a totalement requinqué l'ancien réalisateur de blockbusters américains subversifs (RoboCop, Total Recall, Basic Instinct ou Starship Troopers). Aux Césars, l'adhésion du public français à son oeuvre s'est confirmée: Elle a été couronné du césar de la meilleure actrice pour Isabelle Huppert et du césar du Meilleur film. En mai dernier, Paul Verhoeven se confiait au Figaro sur sa collaboration avec la comédienne, ainsi que sur son approche de l'oeuvre de Philippe Djian, Oh!..., dont son long-métrage s'inspire.
LE FIGARO. - Vingt-quatre ans après Basic Instinct, vous revenez à Cannes avec Elle. Heureux?
Paul VERHOEVEN. - C'est toujours un plaisir d'être à Cannes quand les gens aiment votre film! (Rires.) C'est même plus important que la compétition. Le prix en soi n'est qu'une distraction. Être choisi parmi 2000 autres films, c'était vraiment chouette.
C'est une revanche?
Non, je ne le vois pas comme ça. Peut-être que j'ai eu de la chance. Ces dernières années j'ai eu beaucoup de difficultés à trouver un scénario qui me plaise. Tous les scripts qui m'ont été adressés par Hollywood étaient nuls. C'est l'une des raisons de mon retour en Europe. Bien sûr, si je trouvais un bon scénario américain, dès demain je repars pour l'Amérique.
Pourquoi avoir choisi d'adapter le roman Oh!…de Philippe Djian, prix Interallié en 2012? Vous le connaissiez?
Non, mais il m'a envoyé son livre. Il connaissait mon travail et pensait que mon cinéma correspondrait à l'univers de son roman. Mais ce livre peut aussi se lire comme un écho moderne à Belle de jour de Luis Buñuel: on ignore pourquoi tout va bien au début, et puis le personnage principal décide… comment dire, de donner libre cours à ses envies sexuelles. Même si ce postulat est aberrant, vous acceptez de suivre l'héroïne, parce que Catherine Deneuve l'incarne à la perfection. Ici, vous acceptez aussi l'histoire du film parce que c'est Isabelle Huppert qui lui confère toute son humanité.
Comment avez-vous choisi Isabelle Huppert?
Elle avait lu le livre et avait déjà rencontré Philippe Djian. Avec mon producteur, David Birke, notre idée était de réaliser un film américain. Nous n'avons donc pas choisi Isabelle Huppert. Pour diverses raisons, le projet n'a pu aboutir à Hollywood. Nous avons donc pensé venir en France. Et là, Isabelle Huppert est revenue à l'assaut. C'est elle qui m'a choisi. De toute façon, il est impossible de trouver un talent comme le sien aux États-Unis.
Isabelle Huppert n'est pas Sharon Stone, pourtant elle est devenue une héroïne à la Verhoeven. Comment avez-vous réussi?
Elle y est parvenue toute seule! Moi, je n'ai rien fait! Elle a compris le script, cerné le personnage mieux que je n'aurais pu le faire, lui a donné vie et lui a apporté ce petit quelque chose qui n'était pas dans le script. C'est tout son talent. Une actrice incroyable. Je n'ai jamais rien vu de comparable. Elle a même amélioré des scènes.