Observateur de la Terre, explorateur, médecin et parrain de Futura, Jean-Louis Étienne a répondu à nos questions sur les ouragans récents et sur l'évolution du climat. Voici le premier chapitre de l'entretien qu'il nous a accordé, où il nous explique que nous avons « ouvert la porte du frigo ».
- L'intensité des cyclones actuels est possiblement liée au réchauffement climatique en cours.
- Les conséquences de ce dernier commencent à devenir perceptibles.
- Le réchauffement des régions arctiques, qui évacuent moins bien la chaleur, peut jouer un rôle.
D'Irma à Maria en passant par Harvey, la violence des ouragans récents laisse penser que l'augmentation de la température globale est une cause aggravante. Pour l'explorateur Jean-Louis Étienne, le lien commence à devenir tangible.
Futura : Pensez-vous que les cyclones violents qui viennent de sévir en Atlantique peuvent être liés au changement climatique ?
Jean-Louis Étienne : Je dirais qu'on arrive dans la phase des premières confirmations. La Terre est atteinte d'une fébricule à 37,8 °C (c'est le médecin qui parle), c'est-à-dire une fièvre bénigne, au-dessus de 37,2 °C. Quand elle atteint 37,8 °C, il faut commencer à traiter. Nous voyons une intensification des cyclones. C'est le cas aussi en France pour les épisodes cévenols.
C'est facile à comprendre : quand l'eau de surface de la mer est plus chaude, elle transmet à l'air davantage de chaleur et d'humidité. En Méditerranée, cela donne des pluies diluviennes lors des épisodes cévenols. En Atlantique, les courants et les alizés poussent les eaux chaudes vers les Caraïbes. Pour l'eau, l'arc caribéen est comme une digue et là se forment les cyclones. Avec, en surface, une épaisseur plus grande où la température atteint ou dépasse 25 °C, c'est une véritable bombe thermique...
Pourtant, la région la plus touchée serait l'Arctique...
Jean-Louis Étienne : C'est bien la plus touchée et c'est bien sûr lié. Il ne faut pas oublier le rôle du Gulf Stream, qui emporte vers l'Europe les eaux venues des Caraïbes remontant le long de l'Amérique. Cette circulation est dite « thermohaline » et le moteur est double : c'est la différence de salinité et la différence de température. Quand l'Arctique se réchauffe, la différence de température est plus faible et le transfert de chaleur moins efficace. Ce qui ne peut que renforcer les cyclones à l'ouest de l'Atlantique. Avec l'Arctique qui se réchauffe, on a ouvert la porte du frigo. On est en train de perdre la capacité de cette région polaire à absorber la chaleur du sud.
Lire la suite : Ouragans Irma, Maria... pour Jean-Louis Étienne, la Terre a la fièvre