Maladie de Parkinson : cibler les usines à énergie des cellules pour la soigner ?
En 1817, James Parkinson, un médecin britannique, publiait « An Essay on the Shaking Palsy » (« Un essai sur la paralysie agitante »), dans lequel il décrivait pour la première fois des cas de patients atteints par le trouble neurodégénératif qui porte aujourd’hui son nom, la maladie de Parkinson.
Les tremblements caractéristiques des patients atteints par la maladie de Parkinson résultent de la mort des cellules cérébrales qui contrôlent les mouvements. À ce jour, il n’existe aucun traitement capable d’arrêter ou de ralentir ce processus, qui touche plus de 10 millions de personnes dans le monde, dont environ un million d’Américains, ce qui fait de la maladie de Parkison la deuxième maladie neurodégénérative la plus courante aux États-Unis (en France, où l’on recense plus de 167 000 malades, cette affection occupe également le deuxième rang des maladies neurodégénératives les plus fréquentes, ndlr).
Au sein de notre laboratoire, nous travaillons sur la maladie de Parkinson. Depuis plus de dix ans, nous concentrons en particulier nos efforts sur l’élucidation du rôle que jouent dans la maladie les mitochondries – les microscopiques centrales énergétiques qui alimentent nos cellules.
Ce faisant, nous avons identifié une protéine qui pourrait ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques, non seulement pour traiter la maladie de Parkinson, mais aussi d’autres troubles cérébraux.
Dynamiques mitochondriales et neurodégénérescence
Contrairement aux véritables centrales électriques, dont la taille et la localisation ne varient pas, les mitochondries sont dynamiques : leur nombre change constamment, tout comme leur taille et leur emplacement ; pour répondre aux besoins de la cellule dans laquelle elles se trouvent, elles se déplacent entre ses différents compartiments. Ces dynamiques mitochondriales sont essentielles non seulement au bon fonctionnement des mitochondries, mais aussi à la santé globale des cellules.
Pour comprendre pourquoi, il faut se représenter la cellule comme une usine : pour assurer un fonctionnement optimal et fluide, plusieurs départements doivent travailler de concert. Étant donné qu’un grand nombre de processus cellulaires majeurs sont interconnectés, l’altération des dynamiques mitochondriales qui désorganiserait un département pourrait, par une sorte d’effet domino, affecter d’autres départements, avec le risque qu’un dysfonctionnement collectif entraîne la mort de la cellule.
Diverses études relativement récentes ont révélé l’existence d’un lien entre des déséquilibres dans les processus mitochondriaux et différentes maladies neurodégénératives, dont la maladie de Parkinson. Dans de nombreux troubles neurodégénératifs, certains facteurs liés à la maladie, tels que les protéines toxiques et les neurotoxines environnementales, perturbent l’harmonie entre la fusion et la division des mitochondries.
L’altération des dynamiques mitochondriales compromet également les processus de nettoyage et de recyclage des déchets à l’intérieur de la cellule, ce qui a pour conséquence une accumulation de protéines toxiques qui aboutit à la formation d’agrégats nocifs. Dans la maladie de Parkinson, la présence de ces agrégats est un marqueur de la maladie.
Pour toutes ces raisons, notre équipe a émis l’hypothèse que restaurer la fonction mitochondriale en manipulant sa propre dynamique pourrait protéger contre la dysfonction neuronale et la mort cellulaire.
Cibler les mitochondries pour traiter la maladie de Parkinson
Au cours de nos efforts pour restaurer la fonction mitochondriale dans la maladie de Parkinson, nous avons ciblé une protéine clé, Drp1 (pour protéine 1 apparentée à la dynamine, ou « dynamin-related protein 1 » en anglais), qui contrôle les dynamiques mitochondriales. Naturellement abondante dans les cellules, cette protéine se déplace vers les mitochondries lorsqu’elles se divisent (de cette façon, les mitochondries deviennent plus petites, et acquièrent une plus grande mobilité ainsi qu’un meilleur « contrôle qualité » de leurs fonctions). Une activité trop importante de Drp1 provoque toutefois des divisions excessives, conduisant à la fragmentation des mitochondries et à leur dysfonctionnement.
En utilisant différents modèles de laboratoire de la maladie de Parkinson, dont des cultures de cellules neuronales ainsi que diverses lignées de rats et de souris, nous avons constaté que la présence de toxines environnementales et de protéines toxiques liées à la maladie de Parkinson provoque la fragmentation des mitochondries. La présence de ces mitochondries fragmentées coïncidait également avec une accumulation desdites protéines toxiques à l’intérieur des cellules neuronales, dégradant leur état jusqu’à ce qu’elles finissent par mourir. En parallèle, nous avons également observé des changements de comportement chez les rats : leurs mouvements ont été altérés.
Toutefois, en réduisant l’activité de Drp1, nous avons réussi à restaurer l’activité des mitochondries. Cette intervention a protégé les neurones de la maladie, leur permettant de continuer à fonctionner. Par ailleurs, au cours de ces travaux, dont les résultats ont été publiés en 2024, nous avons identifié un bénéfice supplémentaire au fait de cibler Drp1.
Au cours de nos expérimentations, nous avons exposé des cellules neuronales au manganèse, un métal lourd dont on sait qu’il accroît le risque de maladie de Parkinsons et est impliqué dans des processus neurodégénératifs. À notre grande surprise, nous avons constaté que cet élément était plus nocif pour le système de recyclage des déchets de la cellule que pour ses mitochondries.
Concrètement, une exposition au manganèse se traduit par une accumulation de protéines toxiques qui survient avant que les mitochondries elles-mêmes ne deviennent dysfonctionnelles. Or, dans ce contexte, l’inhibition de Drp1 a réactivé le système de recyclage des déchets, éliminant les protéines toxiques malgré la présence du manganèse.
L’ensemble de nos résultats indiquent donc qu’il pourrait être possible de protéger les cellules nerveuses de la dégénerescence en inhibant Drp1 de diverses façons. Nous avons d’ores et déjà identifié certains composés – approuvés par la FDA (Food and Drug Administration, l’administration américaine chargée de la surveillance des produits alimentaires et des médicaments, ndlr) – capables de cibler cette protéine. Nous sommes désormais en train de les tester, afin d’évaluer leur potentiel en tant que traitements de la maladie de Parkinson.
Rebecca Zhangqiuzi Fan, Post-doctoral Research Associate in Environmental Health Sciences, Florida International University et Kim Tieu, Professor of Environmental Health Sciences, Florida International University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.