Quelle instance représentative pour les musulmans de France? Comment financer les lieux de culte? Comment former les imams? Alors que les interrogations se multiplient dans un pays en proie à la violence djihadiste, notre spécialiste religion Henri Tincq et l'islamologue Rachid Benzine font le point.
L'islamologue franco-marocain Rachid Benzine devrait prochainement être nommé par Bernard Cazeneuve et Najat Vallaud-Belkacem comme l'un des trois membres de la commission de réflexion sur la formation des imams en France. Par ailleurs, ce spécialiste de l'exégèse coranique vient d'être décoré par le roi du Maroc Mohammed VI, «Commandeur des croyants», à la veille de son réquisitoire du 27 août à Rabat contre les dérives extrémistes et djihadistes. Double occasion pour ouvrir un dialogue avec ce jeune intellectuel musulman, auteur de deux ouvrages remarqués, Les nouveaux penseurs de l'islam (Albin Michel, 2004) et La République, l'Église et l'islam: une révolution française (Bayard, 2016) .
Henri Tincq: En aura-t-on fini un jour de parler de l'organisation de l'islam en France? Depuis près d'un demi-siècle, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont échoué à faire émerger une représentation unique, structurée, respectée de l'islam, à l'image de ce qui existe dans les consistoires juif, protestant ou les institutions de l'Église catholique. Au début des années 1990, le ministre de l'Intérieur socialiste Pierre Joxe avait mis sur pied une instance représentative à présidence tournante, appelée CORIF (Conseil de réflexion sur l'avenir de l'islam en France). Mais elle a lamentablement succombé à ses divisions.
A son tour, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur en 2002, avait arraché un accord entre les principales obédiences rivales: la Mosquée de Paris, fidèle à l'Algérie; la Fédération des musulmans de France, liée à la Ligue islamique et au Maroc; l'Union des (...) Lire la suite