Les superpouvoirs de la musique sur notre cerveau

Santé

Comment la musique agit-elle sur notre mémoire et sur nos émotions?

The Conversation

Les superpouvoirs de la musique sur notre cerveau

Comment la musique agit-elle sur notre mémoire et sur nos émotions?
Leigh Riby, Northumbria University, Newcastle

« Quand j’entends la chanson “You’re Still the One” de Shania Twain, cela me transporte comme par magie vers l’année de mes 15 ans. Je me vois sur le PC de mon père, après qu’il ait tenté de mettre fin à ses jours. Il avait écouté cet album peu avant sur son ordinateur et j’ai lancé le titre pendant que je rangeais ses dossiers. Chaque fois que j’entends cette chanson, je voyage dans le passé – la tristesse et la colère remontent à la surface. »

Ainsi témoigne l’un des participants à nos recherches sur les pouvoirs de la musique.

Les pouvoirs de stimulation de la mémoire et les effets thérapeutiques de la musique font l’objet d’une fascination renouvelée. Cette résurgence peut être principalement attribuée aux récentes avancées de la recherche neuroscientifique, qui ont confirmé les propriétés thérapeutiques de la musique, telles que la régulation émotionnelle et l’engagement . Cela a conduit à une intégration croissante de la musicothérapie dans les traitements conventionnels de la santé mentale.

Il a déjà été démontré que de telles interventions musicales aident les personnes atteintes de cancer, de douleur chronique et de dépression. Les conséquences du stress, telles que l’élévation de la tension artérielle et la tension musculaire, peuvent également être atténuées par le pouvoir de la musique.

En tant que mélomane de longue date et neuroscientifique, je pense que la musique a un statut spécial parmi tous les arts en termes d’ampleur et de profondeur de son impact sur les gens. L’un des aspects essentiels est son pouvoir de récupération de la mémoire autobiographique, qui fait ré-émerger des souvenirs souvent très personnels d’expériences passées. Nous pouvons tous raconter un cas où une mélodie nous a transportés dans le passé, ravivant des souvenirs et les imprégnant souvent d’une gamme d’émotions puissantes.

Mais l’amélioration de la mémoire peut également se produire chez les patients atteints de démence, pour qui l’impact transformateur de la musicothérapie ouvre parfois une fenêtre sur des souvenirs, qu’il s’agisse d’expériences chères de l’enfance, d’arômes et de saveurs de la cuisine maternelle, d’après-midi d’été passés en famille ou de l’atmosphère et de l’énergie d’un festival de musique.

On a pu le constater avec cette vidéo virale, réalisée par l’Asociación Música para Despertar, qui mettrait en scène la ballerine hispano-cubaine Martha González Saldaña (bien qu’il y ait eu une certaine controverse au sujet de son identité). La musique du Lac des cygnes de Tchaïkovski semble réactiver des souvenirs chers et même des réactions motrices chez cette ancienne danseuse étoile, qui est amenée à répéter certains de ses anciens mouvements de danse devant la caméra.

Le Lac des cygnes de Tchaïkovski semble réactiver des réponses motrices inutilisées depuis longtemps chez cette ancienne ballerine.

Dans notre laboratoire de l’université de Northumbria, nous cherchons à exploiter ces récentes avancées neuroscientifiques pour approfondir notre compréhension du lien complexe entre la musique, le cerveau et le bien-être mental. Nous voulons répondre à des questions spécifiques telles que la raison pour laquelle la musique triste ou douce-amère joue un rôle thérapeutique unique pour certaines personnes, et quelles parties du cerveau elle « touche » par rapport à des compositions plus joyeuses.

Les outils de recherche avancée tels que les moniteurs d’électroencéphalogramme (EEG) à haute densité nous permettent d’enregistrer la façon dont les régions du cerveau « parlent » entre elles en temps réel lorsqu’une personne écoute une chanson ou une symphonie. Ces régions sont stimulées par différents aspects de la musique, de son contenu émotionnel à sa structure mélodique, de ses paroles à ses schémas rythmiques.

Bien entendu, la façon dont nous réagissons à la musique est profondément personnelle, c’est pourquoi notre recherche nécessite également que les participants à l’étude décrivent ce qu’ils ressentent à l’écoute d’un morceau de musique particulier, y compris sa capacité à encourager une profonde introspection et à évoquer des souvenirs significatifs.

Ludwig van Beethoven a proclamé un jour : « La musique est une entrée incorporelle dans le monde supérieur de la connaissance qui comprend l’humanité mais que l’humanité ne peut pas comprendre ». Avec l’aide des neurosciences, nous espérons contribuer à changer cela.

Une brève histoire de la musicothérapie

Les origines de la musique sont très anciennes, antérieures au langage et à la pensée rationnelle. Ses racines remontent à l’ère paléolithique, il y a plus de 10 000 ans, lorsque les premiers hommes l’utilisaient pour communiquer et exprimer leurs émotions. Les découvertes archéologiques comprennent d’anciennes flûtes en os et des instruments de percussion fabriqués à partir d’os et de pierres, ainsi que des marques indiquant l’endroit qui sonne le mieux dans une grotte et même des peintures représentant des rassemblements musicaux.

Au cours de l’ère néolithique qui a suivi, la musique a connu un développement important dans le monde entier. Des fouilles ont permis de découvrir divers instruments de musique, notamment des harpes et des instruments de percussion complexes, soulignant l’importance croissante de la musique dans les cérémonies religieuses et les rassemblements sociaux au cours de cette période, ainsi que l’apparition de formes rudimentaires de notation musicale, comme en témoignent les tablettes d’argile de l’ancienne Mésopotamie, en Asie occidentale.

Quatre instruments de musique préhistoriques
Instruments de musique préhistoriques. Musée d’Archéologie Nationale/Wikimedia, CC BY-NC-SA

Les philosophes grecs de l’Antiquité, Platon et Aristote, ont tous deux reconnu le rôle central de la musique dans l’expérience humaine. Platon a souligné le pouvoir de la musique en tant que stimulus agréable et curatif, en déclarant : « La musique est une loi morale. Elle donne une âme à l’univers, des ailes à l’esprit, du souffle à l’imagination, et le charme et la gaieté à la vie ». De manière plus pratique, Aristote considérait que la musique avait le pouvoir de former le caractère.

Tout au long de l’histoire, de nombreuses cultures ont adopté les vertus curatives de la musique. Les anciens Égyptiens intégraient la musique à leurs cérémonies religieuses, la considérant comme une force thérapeutique. Les tribus amérindiennes, comme les Navajos, utilisaient la musique et la danse dans leurs rituels de guérison, s’appuyant sur les tambours et les chants pour promouvoir le bien-être physique et spirituel. Dans la médecine traditionnelle chinoise, des tonalités et des rythmes musicaux spécifiques sont censés équilibrer l’énergie du corps (qi) et améliorer la santé.

Au Moyen Âge et à la Renaissance, l’Église chrétienne a joué un rôle essentiel dans la popularisation de la « musique pour les masses ». Le chant des hymnes de congrégation a permis aux fidèles de s’engager dans une musique commune pendant les services religieux. Cette expression musicale partagée était un puissant moyen de dévotion et d’enseignement religieux, permettant à une population largement analphabète de se rapprocher de sa foi par la mélodie et les paroles. Le chant communautaire n’est pas seulement une tradition culturelle et religieuse, il a également été reconnu comme une expérience thérapeutique.

Grey-haired man in jacket sitting at a desk reading,
Benjamin Rush. NYPL Digital Gallery/Wikimedia

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les premières recherches sur le système nerveux humain ont été menées parallèlement à l’émergence de la musicothérapie en tant que domaine d’étude. Des pionniers tels que le médecin américain Benjamin Rush, signataire de la Déclaration d’indépendance des États-Unis en 1776, ont reconnu le potentiel thérapeutique de la musique pour améliorer la santé mentale.

Peu après, des personnalités telles que Samuel Mathews (l’un des étudiants de Rush) ont commencé à mener des expériences explorant les effets de la musique sur le système nerveux, jetant ainsi les bases de la musicothérapie moderne. Ces premiers travaux ont servi de tremplin à E. Thayer Gaston, connu comme le « père de la musicothérapie », pour la promouvoir en tant que discipline légitime aux États-Unis. Ces développements ont inspiré des efforts similaires au Royaume-Uni, où Mary Priestley a contribué de manière significative au développement de la musicothérapie en tant que domaine respecté.

Les connaissances acquises lors de ces premières explorations ont continué à influencer les psychologues et les neuroscientifiques depuis lors, y compris le grand neurologue et auteur de best-sellers Oliver Sacks, aujourd’hui décédé, qui a observé que :

« La musique peut nous sortir de la dépression ou nous émouvoir aux larmes. C’est un remède, un tonique, un jus d’orange pour l’oreille. »

L’effet Mozart

L’étude et la compréhension de tous les mécanismes cérébraux impliqués dans l’écoute de la musique et de ses effets ne sont pas l’apanage des neuroscientifiques. Notre équipe diversifiée comprend des experts en musique tels que Dimana Kardzhieva (citée ci-dessous), qui a commencé à jouer du piano à l’âge de cinq ans et a poursuivi ses études à l’École nationale de musique de Sofia, en Bulgarie. Aujourd’hui psychologue cognitive, sa compréhension combinée de la musique et des processus cognitifs nous aide à approfondir les mécanismes complexes par lesquels la musique affecte (et apaise) notre esprit. Un neuroscientifique seul risquerait d’échouer dans cette entreprise.

« La musique est au cœur de ma profession, mais c’est aussi une quête spéciale et profondément personnelle. Elle m’a permis de faire face aux défis de la vie, en apprenant à canaliser mes sentiments et à les exprimer en toute sécurité. La musique m’a appris à prendre mes pensées, qu’elles soient agréables ou douloureuses, et à les transformer en quelque chose de beau. »

Le point de départ de notre recherche est ce que l’on appelle « l’effet Mozart », c’est-à-dire l’idée que l’exposition à des compositions musicales complexes, en particulier des morceaux classiques, stimule l’activité cérébrale et, en fin de compte, améliore les capacités cognitives. Bien que les résultats soient mitigés quant à la réalité de l’effet Mozart, en raison des différentes méthodes employées par les chercheurs au fil des ans, ce travail a néanmoins permis des avancées significatives dans notre compréhension de l’effet de la musique sur le cerveau.

Une étude a montré que l’écoute de la Sonate pour deux pianos en ré de Mozart améliorait les capacités cognitives.

Dans l’étude originale réalisée en 1993 par Frances Rauscher et ses collègues, les participants ont constaté une amélioration de leur capacité de raisonnement spatial après seulement dix minutes d’écoute de la Sonate pour deux pianos en ré de Mozart.

Dans notre étude de 1997, qui utilisait la deuxième symphonie de Beethoven et le morceau instrumental For the Love of God du guitariste de rock Steve Vai, nous avons constaté des effets directs similaires chez nos auditeurs, mesurés à la fois par l’activité EEG associée aux niveaux d’attention et à la libération de l’hormone dopamine (le messager du cerveau pour les sentiments de joie, de satisfaction et de renforcement d’actions spécifiques). Nos recherches ont montré que la musique classique en particulier renforce l’attention portée à la façon dont nous traitons le monde qui nous entoure, indépendamment de l’expertise ou des préférences musicales de chacun.

La beauté de la méthodologie EEG réside dans sa capacité à suivre les processus cérébraux avec une précision de l’ordre de la milliseconde, ce qui nous permet de distinguer les réponses neuronales inconscientes des réponses conscientes. Lorsque nous avons montré à plusieurs reprises des formes simples à une personne, nous avons constaté que la musique classique accélérait le traitement précoce (avant 300 millisecondes) de ces stimuli. Les autres musiques n’ont pas eu le même effet, pas plus que la connaissance préalable de la musique classique ou le goût pour celle-ci. Par exemple, les musiciens professionnels de rock et de musique classique qui ont participé à notre étude ont amélioré leurs processus cognitifs automatiques et inconscients en écoutant de la musique classique.

Mais nous avons également constaté des effets indirects liés à l’excitation. Lorsque les gens s’immergent dans la musique qu’ils apprécient personnellement, ils ressentent un changement radical de leur état d’éveil et de leur humeur. Ce phénomène présente des similitudes avec l’augmentation des performances cognitives souvent liée à d’autres expériences agréables.

Les Quatre Saisons de Vivaldi en intégralité.

Dans une autre étude, nous avons exploré l’influence particulière de la « musique à programme » – terme désignant la musique instrumentale « porteuse d’une signification extra-musicale » et dont on dit qu’elle possède une capacité remarquable à faire appel à la mémoire, à l’imagination et à la réflexion personnelle. Lorsque nos participants ont écouté les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi, ils ont déclaré avoir vécu de manière très vivante le changement des saisons à travers la musique, y compris ceux qui ne connaissaient pas ces concertos. Notre étude a conclu, par exemple, que « Le printemps » – en particulier le premier mouvement, bien connu, vibrant, émotif et exaltant – a la capacité d’améliorer la vigilance mentale et les mesures cérébrales de l’attention et de la mémoire.

Que se passe-t-il dans notre cerveau ?

Les qualités émotionnelles et thérapeutiques de la musique sont étroitement liées à la libération de substances neurochimiques. Un certain nombre d’entre elles sont associées au bonheur, notamment l’ocytocine, la sérotonine et les endorphines. Cependant, la dopamine est au cœur des propriétés stimulantes de la musique.

Elle déclenche la libération de dopamine dans les régions du cerveau consacrées à la récompense et au plaisir, générant des sensations de joie et d’euphorie semblables à l’impact d’autres activités agréables telles que la consommation de nourriture ou les rapports sexuels. Mais contrairement à ces activités, dont la valeur est clairement liée à la survie et à la reproduction, l’avantage évolutif de la musique est moins évident.

Sa forte fonction sociale est reconnue comme le principal facteur du développement et de la préservation de la musique dans les communautés humaines. Cette qualité protectrice pourrait donc expliquer pourquoi elle fait appel aux mêmes mécanismes neuronaux que d’autres activités agréables.

Le système de récompense du cerveau est constitué de régions interconnectées, dont le noyau accumbens est la centrale. Il est situé profondément dans la région sous-corticale, et son emplacement laisse présager son implication significative dans le traitement des émotions, étant donné sa proximité avec d’autres régions clés liées à ce traitement.

Lorsque nous écoutons de la musique, que ce soit en jouant ou en écoutant, le noyau accumbens réagit à ses aspects agréables en déclenchant la libération de dopamine. Ce processus, connu sous le nom de voie de récompense de la dopamine, est essentiel pour éprouver et renforcer des émotions positives telles que les sentiments de bonheur, de joie ou d’excitation que la musique peut procurer.

Comme l’explique Jonathan Smallwood, professeur de psychologie à l’université Queen’s (Ontario), nous n’avons pas fini d’en apprendre sur l’impact de la musique sur les différentes parties du cerveau :

« La musique peut être compliquée à comprendre du point de vue des neurosciences. Un morceau de musique englobe de nombreux domaines qui sont généralement étudiés séparément, tels que la fonction auditive, l’émotion, le langage et la signification. »

Cela dit, nous pouvons constater que l’effet de la musique sur le cerveau va au-delà du simple plaisir. L’amygdale, une région du cerveau réputée pour son implication dans les émotions, génère et régule les réactions émotionnelles à la musique, qu’il s’agisse de la nostalgie réconfortante d’une mélodie familière, de l’excitation exaltante d’une symphonie qui va crescendo ou de la peur liée à une mélodie sinistre et obsédante.

La recherche a également démontré que, lorsqu’elles sont stimulées par la musique, ces régions peuvent réveiller des souvenirs autobiographiques qui suscitent une réflexion positive sur nous-mêmes et nous font nous sentir mieux – comme nous l’avons vu dans la vidéo de l’ancienne ballerine Martha González Saldaña.

Nos propres recherches indiquent que l’hippocampe, essentiel à la formation de la mémoire, est la partie du cerveau qui stocke les souvenirs et les associations liés à la musique. Simultanément, le cortex préfrontal, responsable des fonctions cognitives supérieures, collabore étroitement avec l’hippocampe pour retrouver ces souvenirs musicaux et évaluer leur signification autobiographique. Pendant l’écoute de la musique, cette interaction entre les centres cérébraux de la mémoire et de l’émotion crée une expérience puissante et unique, élevant la musique au rang de stimulus distinctif et agréable.

Les arts visuels, comme les peintures et les sculptures, ne provoquent pas l’engagement temporel et multisensoriel de la musique, ce qui diminue leur capacité à former des connexions émotionnelles et mémorielles fortes et durables. Les autres formes d’art peuvent évoquer des émotions et des souvenirs, mais restent souvent ancrés dans l’instant. La musique, et c’est peut-être unique, forme des souvenirs durables, chargés d’émotions, qui peuvent ré-émerger quand on réécoute une chanson particulière des années plus tard.

Perspectives personnelles

La musicothérapie peut profondément changer la vie des gens. Nous avons eu le privilège d’entendre de nombreuses histoires et réflexions personnelles de la part des participants à notre étude, et même de nos chercheurs. Dans certains cas, comme les souvenirs de la tentative de suicide d’un père suscités par la chanson You’re Still The One de Shania Twain, il s’agit de récits profonds et profondément personnels. Ils nous montrent le pouvoir de la musique pour aider à réguler les émotions, même lorsque les souvenirs qu’elle déclenche sont négatifs et douloureux.

Face à de graves difficultés physiques et émotionnelles, un autre participant à notre étude a expliqué comment il avait ressenti une amélioration inattendue de son bien-être en écoutant un morceau qu’il avait adoré, malgré le contenu apparemment négatif du titre et des paroles de la chanson :

« L’exercice a été crucial pour moi après un accident vasculaire cérébral. Au milieu de ma séance de rééducation, alors que je me sentais déprimé et souffrant, un vieux morceau favori, What Have I Done To Deserve This ? des Pet Shop Boys, m’a donné un coup de fouet instantané. Non seulement elle m’a remonté le moral, mais elle a aussi fait battre mon cœur avec excitation – je pouvais sentir les picotements de la motivation courir dans mes veines ».

Les Pet Shop Boys ont donné une motivation supplémentaire à une séance de rééducation après un accident vasculaire cérébral.

La musique peut servir d’exutoire cathartique, de source d’autonomisation, permettant aux individus de traiter et de faire face à leurs émotions tout en leur apportant réconfort et apaisement. Un participant a décrit comment un morceau peu connu datant de 1983 sert d’inducteur d’humeur délibéré – un outil pour améliorer son bien-être :

« Chaque fois que je suis déprimé ou que j’ai besoin d’un remontant, je joue Dolce Vita de Ryan Paris. C’est comme un bouton magique qui génère des émotions positives en moi – il me remonte toujours le moral en quelques instants. »

Comme chaque personne a ses propres goûts et ses propres liens émotionnels avec certains types de musique, il est essentiel d’adopter une approche personnalisée lors de la conception d’interventions de musicothérapie, afin de s’assurer qu’elles trouvent un écho profond chez les individus. Même les témoignages de nos chercheurs, comme celui de Sam Fenwick, se sont révélés utiles pour formuler des hypothèses en vue d’un travail expérimental :

« Si je devais choisir une seule chanson qui me fait vibrer, ce serait “Alpenglow”. Cette chanson me donne des frissons. Je ne peux m’empêcher de chanter et chaque fois que je le fais, j’en ai les larmes aux yeux. Lorsque la vie est belle, elle déclenche des sentiments de force intérieure et me rappelle la beauté de la nature. Lorsque je me sens mal, elle m’inspire un sentiment de nostalgie et de solitude, comme si j’essayais de résoudre mes problèmes toute seule, alors que j’aurais vraiment besoin de soutien. »

Stimulée par ces observations, notre dernière étude compare les effets de la musique triste et de la musique joyeuse sur le cerveau, afin de mieux comprendre la nature de ces différentes expériences émotionnelles. Nous avons découvert que les mélodies sombres peuvent avoir des effets thérapeutiques particuliers, offrant aux auditeurs une plate-forme spéciale pour la libération émotionnelle et l’introspection significative.

Explorer les effets de la musique joyeuse et triste

En nous inspirant des études sur les expériences cinématographiques émotionnellement intenses, nous avons récemment publié une étude mettant en évidence les effets de compositions musicales complexes, en particulier les Quatre Saisons de Vivaldi, sur les réponses à la dopamine et les états émotionnels. Cette étude a été conçue pour nous aider à comprendre comment la musique joyeuse et triste affecte les gens de différentes manières.

L’une des principales difficultés consistait à mesurer les niveaux de dopamine de nos participants de manière non invasive. L’imagerie cérébrale fonctionnelle traditionnelle est un outil courant pour suivre la dopamine en réponse à la musique – par exemple, la tomographie par émission de positrons (TEP). Toutefois, cette technique implique l’injection d’un radiotraceur dans la circulation sanguine, qui se fixe sur les récepteurs de dopamine dans le cerveau. Ce procédé présente également des limites en termes de coût et de disponibilité.

Dans le domaine de la psychologie et de la recherche sur la dopamine, une approche alternative et non invasive consiste à étudier la fréquence des clignements de paupières et la variation du rythme des clignements de paupières en fonction de la musique.

Le clignement des yeux est contrôlé par les ganglions de la base, une région du cerveau qui régule la dopamine. Le dérèglement de la dopamine dans des conditions telles que la maladie de Parkinson peut affecter le rythme régulier de clignement des yeux. Des études ont montré que les personnes atteintes de la maladie de Parkinson présentent souvent des taux de clignement réduits ou une variabilité accrue des taux de clignement, par rapport aux personnes en bonne santé. Ces résultats suggèrent que la vitesse de clignement des yeux peut servir d’indicateur indirect de la libération ou de l’altération de la dopamine.

Bien que la vitesse de clignement des yeux n’offre pas le même niveau de précision que les mesures neurochimiques directes, elle constitue une mesure de substitution pratique et accessible qui peut compléter les techniques d’imagerie traditionnelles. Cette approche alternative s’est révélée prometteuse pour améliorer notre compréhension du rôle de la dopamine dans divers processus cognitifs et comportementaux.

Notre étude a révélé que le sombre « Mouvement d’hiver » suscitait une réaction dopaminergique particulièrement forte, remettant en cause nos idées préconçues et mettant en lumière l’interaction entre la musique et les émotions. On aurait pu s’attendre à une réaction plus forte au Concerto de printemps, familier et entraînant, mais cela n’a pas été le cas. Il s’est avéré que le mouvement d’hiver de Vivaldi suscitait une réponse dopaminergique particulièrement forte.

Notre approche est allée au-delà de la mesure de la dopamine afin de mieux comprendre les effets de la musique triste et de la musique joyeuse. Nous avons également utilisé l’analyse du réseau EEG pour étudier comment les différentes régions du cerveau communiquent et synchronisent leur activité lors de l’écoute de différentes musiques. Par exemple, les régions associées à l’appréciation de la musique, au déclenchement d’émotions positives et à la récupération de riches souvenirs personnels peuvent « parler » entre elles. C’est comme si l’on observait une symphonie d’activités cérébrales se dérouler, alors que les individus expérimentent subjectivement une gamme variée de stimuli musicaux.

Parallèlement, les rapports d’expériences subjectives nous ont donné un aperçu de l’impact personnel de chaque morceau de musique, y compris le cadre temporel des pensées (passé, présent ou futur), leur orientation (soi ou les autres), leur forme (images ou mots) et leur contenu émotionnel. La catégorisation de ces pensées et émotions, et l’analyse de leur corrélation avec les données cérébrales, peuvent fournir des informations précieuses pour de futures interventions thérapeutiques.

Nos données préliminaires révèlent que la musique joyeuse suscite des pensées orientées vers le présent et l’avenir, des émotions positives et une attention portée aux autres. Ces pensées sont associées à une activité cérébrale frontale accrue et à une activité cérébrale postérieure réduite. En revanche, les musiques tristes provoquent une réflexion sur les événements passés, ce qui s’accompagne d’une activité neuronale accrue dans les zones du cerveau liées à l’introspection et à la récupération de la mémoire.

Pourquoi la musique triste a-t-elle le pouvoir d’influer sur le bien-être psychologique ? L’expérience immersive des mélodies sombres offre une plate-forme pour la libération et le traitement des émotions. En évoquant des émotions profondes, la musique triste permet aux auditeurs de trouver du réconfort, de plonger dans l’introspection et de gérer efficacement leurs états émotionnels.

Cette compréhension constitue la base du développement de futures interventions ciblées de musicothérapie destinées aux personnes confrontées à des difficultés de régulation émotionnelle, de rumination et même de dépression. En d’autres termes, même la musique triste peut être un outil de développement personnel et de réflexion.

Ce que la musicothérapie peut offrir à l’avenir

Sans être une panacée, l’écoute de musique a des effets thérapeutiques considérables, ce qui pourrait conduire à une adoption accrue des séances de musicothérapie parallèlement à la thérapie par la parole traditionnelle. L’intégration de la technologie dans la musicothérapie, notamment par le biais de services applicatifs émergents, est sur le point de transformer la manière dont les gens accèdent à des interventions musicales thérapeutiques personnalisées et à la demande, offrant ainsi une voie pratique et efficace pour l’amélioration de soi et le bien-être.

À plus long terme, l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) pourrait révolutionner la musicothérapie. L’IA peut adapter les interventions thérapeutiques de façon dynamique, en fonction de l’évolution des réactions émotionnelles d’une personne. Imaginez une séance de thérapie où l’IA sélectionnerait et ajusterait la musique en temps réel, en fonction des besoins émotionnels du patient, créant ainsi une expérience thérapeutique hautement personnalisée et efficace… Ces innovations sont prêtes à remodeler le domaine de la musicothérapie, en libérant tout son potentiel thérapeutique.

Femme écoutant de la musique avec des écouteurs sans fil
La technologie du neurofeedback pourrait créer des cartes cérébrales musicales individuelles qui faciliteraient l’auto-thérapie ». Vu Hoang/Wikimedia, CC BY-SA

En outre, une nouvelle technologie appelée neurofeedback s’est révélée prometteuse. Le neurofeedback consiste à observer l’EEG d’une personne en temps réel et à lui apprendre à réguler et à améliorer ses schémas neuronaux. La combinaison de cette technologie avec la musicothérapie pourrait permettre aux gens de « cartographier » les caractéristiques musicales qui leur sont les plus bénéfiques et de comprendre ainsi comment s’aider au mieux.

Lors de chaque séance de musicothérapie, les participants apprennent tout en recevant des informations sur l’état de leur activité cérébrale. L’activité cérébrale optimale associée au bien-être et à des qualités musicales spécifiques – telles que le rythme, le tempo ou la mélodie d’un morceau – est apprise au fil du temps. Cette approche innovante est développée dans notre laboratoire et ailleurs.

Comme pour toute forme de thérapie, il est primordial de reconnaître les limites et les différences individuelles. Cependant, il existe des raisons de croire que la musicothérapie peut conduire à de nouvelles percées. Les récentes avancées dans les méthodologies de recherche, en partie grâce aux contributions de notre laboratoire, ont considérablement approfondi notre compréhension de la manière dont la musique peut faciliter la guérison.

Nous commençons à identifier deux éléments essentiels : la régulation émotionnelle et le lien puissant avec les souvenirs autobiographiques personnels. Nos recherches en cours se concentrent sur l’élucidation des interactions complexes entre ces éléments essentiels et les régions cérébrales spécifiques responsables des effets observés.

Bien entendu, l’impact de la musicothérapie va au-delà de ces nouveaux développements dans le domaine des neurosciences. Le simple plaisir d’écouter de la musique, le lien émotionnel qu’elle favorise et le réconfort qu’elle procure sont des qualités qui vont au-delà de ce qui peut être mesuré uniquement par des méthodes scientifiques. La musique influence profondément nos émotions et nos expériences fondamentales, transcendant les mesures scientifiques. Elle s’adresse au cœur de notre expérience humaine et a des effets qu’il n’est pas facile de définir ou de documenter.

Ou, comme l’a si bien dit l’un des participants à notre étude :

« La musique est comme cet ami fiable qui ne me laisse jamais tomber. Quand je suis au plus bas, elle m’élève avec sa douce mélodie. Dans le chaos, elle me calme avec un rythme apaisant. Ce n’est pas seulement dans ma tête ; c’est une [magie] qui fait vibrer l’âme. La musique n’a pas de frontières : un jour, elle me remonte le moral sans effort, et le lendemain, elle peut agrémenter chaque instant de l’activité dans laquelle je suis engagé. »

Leigh Riby, Professor of Cognitive-Neuroscience , Department of Psychology, Northumbria University, Newcastle

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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