Le ministère de la justice prépare une loi organique qui donnera au procureur européen délégué des pouvoirs réservés aux juges d’instruction.
La mise en œuvre à la fin de 2020 du parquet européen risque de provoquer des remous dans la magistrature. Et, surtout, de souligner par contraste les ambiguïtés du système judiciaire français. Vingt-deux pays de l’Union européenne ont signé le 12 octobre 2017 le règlement fondateur de ce parquet supranational chargé de la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union, essentiellement la fraude à la TVA intracommunautaire et aux subventions européennes. L’objectif est de mieux rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices de ces infractions insuffisamment poursuivies par les juridictions nationales alors qu’elles s’élèveraient à plusieurs milliards d’euros aux dépens du budget de l’UE.
La création de ce parquet impose d’adapter les procédures et l’organisation judiciaires. Le ministère de la justice concocte actuellement un très délicat projet de loi organique qui devra être soumis au Parlement d’ici à l’été 2020. Il s’agit de trouver la solution aux injonctions contradictoires que porte ce projet européen.
Alors que le système français prévoit d’ouvrir des informations judiciaires confiées à des juges d’instruction indépendants pour les affaires criminelles et les infractions économiques et financières les plus complexes nécessitant de lourdes enquêtes, le choix fait ici est à l’opposé. Les enquêtes que le futur parquet européen choisira de lancer resteront exclusivement à la main de « procureurs européens délégués » nommés au sein des parquets de chaque pays. « C’est un peu dur à avaler », confie le président du tribunal de grande instance d’une grande métropole française.
Monstre juridique
Mais l’ambition du parquet européen est de ne pas être entravé dans sa mission par des considérations politiques locales ni par des intérêts nationaux. Aussi l’article 17 du règlement européen proclame-t-il que les procureurs européens délégués « doivent offrir toutes garanties d’indépendance ». Comme le procureur européen, ses délégués « ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune personne extérieure au parquet européen, d’aucun Etat membre de l’Union européenne ». Ce qui ne correspond pas au statut actuel du parquet français dont les membres sont choisis par le ministère de la justice et soumis au pouvoir disciplinaire du garde des sceaux.
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