Avec le retour d'un roi déchu, un buddy movie rapologique, une réflexion poignante sur la dépression, de l'orfèvrerie pop et un disque funky dans l'Amérique de Trump.
Kanye West – ye
Lancé en grande pompe avec des journalistes du monde entier dans le Wyoming, terre d’accueil des velléités créatrices du cerveau le plus fou de l’industrie musicale, il fallait avoir du recul pour appréhender la dernière livraison de Kanye West. Suite à ses sorties médiatiques, il publie ye qui succède à la folie débordante de The Life of Pablo. 23 minutes montre en main, Kanye revient sur sa santé mentale et ses contradictions. A l’image de cette pochette d’album, ye est instantané, introspectif, chancelant, passionnant souvent, drôle parfois. Entouré par une armada de guests : Jeremih, Valee, Ty Dolla $ign, Charlie Wilson..., le chicagoan continue de fêler la carapace de son egotrip et s’efface presque derrière ses productions toujours aussi affolantes. Et s’il ne possède pas la densité de Daytona, l’album qu’il a produit pour Pusha T, Ghost Town en collaboration avec Kid Cudi et 070 Shake suffit à le faire prétendre aux playlists des meilleurs morceaux de l’année.
Natalie Prass – The Future and The Past
Rien ne nous avait vraiment préparé à la métamorphose de Natalie Prass, auteure d’un élégant premier album éponyme proche de la soul de Matthew E. White. Une métamorphose exaltante et plus rythmée, convoquant tantôt la pop de Haim, tantôt des références funk du siècle passé, qu’elle a pourtant entamé à l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Au malaise personnifié, Natalie Prass répond par la luxuriance de ses productions et l’âpreté de ses textes. Un esprit de synthèse hérité du gospel qui, de son propre aveu, cristallise avec force et simplicité les sujets les plus difficiles. De cette musique qui parle au cœur et à l’esprit, Natalie Prass a gardé le groove et un sens des refrains affuté, acéré même. Mais lorsque le vernis craque c’est pour mieux découvrir les plaies béantes, encore à vif, d’une Amérique chaotique, hébétée et dysfonctionnelle. Une métamorphose violente mais nécessaire pour Natalie Prass qui culmine sur Short Court Style ou Sisters.
Sage – Paint Myself
Ambroise Willaume revêt une nouvelle fois son alias Sage pour sa deuxième escapade en solo. Lui qui s’est tant habitué aux œuvres collectives ces dernières années s’est enfermé seul dans son studio de Montmartre pour aboutir à Paint Myself, une ode à ses références et à ses expériences de producteur. Après son premier album éponyme où il avait multiplié les expérimentations et les textures sonores, Sage revient avec un album entièrement dédié aux mélodies et aux harmonies. Seul face à ses instruments, il a accouché de morceaux d’une simplicité confondante qui croise aussi bien Haim et Bon Iver sur One Way Ticket que Elton John et les Beatles. Un jeu d’influences excitant qui traverse ce disque car malgré l’avalanche de name-dropping que pourrait provoquer l’écoute de Paint Myself, il brille par son accessibilité et sa facilité à aligner tubes après tubes. Du bel artisanat pour amoureux de la pop.
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