Aux origines de la K-Pop, les revendications d’une jeunesse rebelle

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Aux origines de la K-Pop, les revendications d’une jeunesse rebelle

BTS en KCON France 2016 en París el 2 de junio de 2016. Korean Culture and Information Service / Wikimedia Commons, CC BY-SA
Lorena Varela Domínguez, Universidad de Oviedo

La K-Pop est sans doute l’un des genres musicaux les plus populaires de ces dernières années dans le monde entier. Mais peu de gens savent dans quelles circonstances elle est apparue dans son pays d’origine, la Corée du Sud.

Croissance économique ou mondialisation sont des mots que l’on associe immédiatement à la K-Pop. En revanche, personne ne connaît le mot sinsedae, du nom de la génération sud-coréenne née dans les années 1970, le public des artistes aujourd’hui considérés comme les prédécesseurs directs du genre. Et rares sont ceux qui sont conscients du rôle crucial du hip-hop et de la chaîne musicale américaine MTV en Corée dans la création de l’industrie musicale qui a engendré ce style musical.

Les années 1990 en Corée du Sud

Dans les années 1990, le pays sort d’une décennie éprouvante marquée par des manifestations, finalement couronnées de succès, en faveur de la démocratie. Après des années de reconstruction, le boom économique de la Corée du Sud est à son apogée. Le mode de vie de la jeunesse du pays ne ressemble guère à celui de leurs parents. Dans cette jeune démocratie, de même qu’à l’étranger, de grandes opportunités s’offrent à elle.

Mais c’est aussi une décennie de tensions. Entre les générations, dont les expériences sont complètement différentes dans un pays qui a changé du tout au tout en peu de temps. Entre les élèves et les enseignants, dans un système éducatif hyper compétitif qui épuise les premiers dans l’indifférence des seconds. Et entre les jeunes et la société dans son ensemble (du moins le pensent-ils) qui ne les comprend pas, n’entend pas leurs souffrances et leur demandent d’aller plus loin, plus vite. L’arrivée du hip-hop donne une voix à cette génération qui cherche à exprimer sa réalité.

Un étudiant en classe avec plus d’une dizaine de manuels sur son bureau
Photographie du pupitre d’un lycéen coréen au début des années 2000. Sur son bureau, un tiers des manuels qu’il est censé étudier dans l’année. Jens-Olaf Walter/Flickr, CC BY-SA

Le hip-hop, phénomène culturel étranger, fait son apparition en Corée du Sud à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Mais des artistes locaux ne tardent pas à l’adapter à leur propre expérience. C’est l’avènement de la « rap-dance », mélange de rap et d’esthétique visuelle du hip-hop. Chorégraphies, rap et mélodies s’immiscent dans la musique grand public qu’écoutent les jeunes. Cette combinaison connaît un grand succès dans un marché influencé par l’arrivée de MTV et l’intérêt grandissant pour l’aspect visuel des performances musicales.

Trois noms émergent alors dans le « rap-dance » : Hyun Jin-young, le duo Deux et le groupe Seo Taiji and Boys, le seul des trois à être considéré comme le « père » de la K-Pop dans l’industrie sud-coréenne.

Seo Taiji and Boys

Jeong Hyun-cheol, plus connu sous le nom de Seo Taiji, fait partie des sinsedae, et ses aspirations s’accordent mal avec la société sud-coréenne. Ce qui le distingue des autres, c’est d’avoir décidé de briser le silence de toute une génération en exigeant, par le biais de sa musique, des changements sociétaux immédiats. En 1992, à l’âge de 20 ans, il rejoint Yi Chu-no et Yang Hyun-seok pour former Seo Taiji and Boys.

En Corée du Sud, le groupe est véritable un phénomène, même s’il se heurte à l’opposition des adultes, de l’industrie musicale et du gouvernement lui-même, qui voient dans les paroles de leurs chansons des attaques intolérables contre les piliers moraux de la société sud-coréenne.

Les chansons « Classroom Ideology », dont les paroles critiquent sévèrement le système éducatif, « Regret of the Times », qui appelle de ses vœux des réformes sociales, ou « Come Back Home », qui dénonce les tensions intergénérationnelles, sont censurées. Cependant, la tentative de répression des institutions se solde par un échec : la sinsedae n’accepte plus ce contrôle et oblige le gouvernement à abandonner la censure en 1996.

Seo Taiji and Boys chantent « Come Back Home » en concert en 1995.

La K-Pop est-elle vraiment aussi inoffensive qu’elle en a l’air ?

Il semble incroyable qu’un groupe comme Seo Taiji and Boys puisse être considéré comme précurseur de la K-Pop, un genre connu pour ses paroles consensuelles. C’est pourtant en partie le cas. Ils ont posé les bases du genre : combinaison de rap et de mélodies, chorégraphies en concert et structure même de l’industrie. Qui plus est, l’un des membres, Yang Hyun-seok, a fondé l’une des plus importantes maisons de disques K-Pop, YG Entertainment.

En revanche, la K-Pop a, de manière générale, complètement abandonné les revendications sociales, à quelques exceptions près. La plus connue est sans aucun doute BTS. Depuis ses débuts en 2013, le groupe opte pour des paroles critiquant la société sud-coréenne (« No More Dream », N.O.), la résignation face aux inégalités sociales et à la corruption politique (« Am I Wrong ? » »), ou l’industrie musicale elle-même (dans le récent « Run BTS »).

BTS a même interprété une reprise de « Come Back Home » avec Seo Taiji lors d’un concert donné en l’honneur des 25 ans de carrière du chanteur, et quelques autres de ses chansons phares, dont « Classroom Ideology ». Une performance qui reflète non seulement la longue histoire de la K-Pop (des années 1990 à nos jours), mais qui a également permis de rappeler sa fonction originelle : celle de l’expression d’une rébellion.

Seo Taiji chante « Classroom Ideology » avec BTS en 2017. La chanson dénonce le système éducatif coréen des années 1990.

Lorena Varela Domínguez, Doctoranda en Musicología, Universidad de Oviedo

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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