Ceux qui abusent de la faiblesse des personnes âgées ne sont pas toujours condamnés pénalement : la découverte tardive de leur infraction ou l’impossibilité pour les héritiers d’engager des poursuites les protègent.
En avril 2012, Dominique X apprend que sa tante Nelly, 85 ans, veuve et sans enfants, installée à l’autre bout de la France, a été placée en maison de retraite. Elle appelle la vieille dame, qui lui confie être là contre son gré, par le fait d’une « entourloupe de Jean-Luc ». Dominique alerte aussitôt le procureur de la République, mais Nelly décède le 2 mai 2012. Le jour même, le procureur ordonne une enquête, qui révèle que Jean-Luc Y, notaire de son état, a dilapidé le patrimoine de Nelly (quelque 365 000 euros), en profitant de l’état de faiblesse dans lequel elle se trouvait depuis la mort de son époux, en septembre 2005.
Mais, lorsque M. Y est traduit en justice, il fait valoir que les actes d’abus de faiblesse commis avant le 2 mai 2009 sont prescrits : le délai pour poursuivre ces délits n’était en effet que de trois ans à l’époque où ils ont été commis (il a été étendu à six par une loi du 27 février 2017) ; or la prescription n’a été interrompue que le 2 mai 2012, par la réquisition du procureur.
Mode opératoire unique
La cour d’appel de Douai, qui statue le 10 juillet 2018, observe cependant que « la prescription, en matière d’abus de faiblesse, ne commence à courir qu’à partir du dernier prélèvement effectué sur le patrimoine de la victime, lorsque l’abus frauduleux procède d’une opération délictueuse unique ». Cela résulte d’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, du 27 mai 2004 (N° 03-82738).
Les actes reprochés à Jean-Luc Y procèdent-ils d’une « opération unique » ? Le premier concerne la souscription d’un contrat d’assurance-vie, pour un montant de 75 000 euros : le 18 janvier 2006, Jean-Luc Y, accompagné d’un conseiller financier et d’un autre notaire, vient faire signer ce document à la vieille dame, alors qu’elle est hospitalisée et qu’elle doit être transférée en réanimation. Il stoppe le véhicule du SAMU, en dépit de l’intervention du médecin gériatre.
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