Mérignac (AFP) - Honorine Rondello et ses 113 ans, avant elle Elisabeth, Eudoxie: les doyen(ne)s des Français n'ont pas de secret pour Laurent Toussaint, un féru de statistiques devenu au fil des ans un expert reconnu ès centenaires. Au point d'alimenter, par son travail de fourmi, la recherche démographique.
Au commencement était la passion des stats. N'importe quelles stats. "Très jeune, je comptais un peu tout, sans trop savoir pourquoi", explique l'informaticien de métier dans son appartement de Mérignac, près de Bordeaux. Enfant, il collectait déjà, agrégeait, croisait des données, faisait des fiches (c'était avant les ordinateurs): records d'athlétisme, classements de football, etc.
L'histoire était une autre passion, particulièrement la Grande Guerre. "Il y a eu cette époque où les derniers Poilus disparaissaient les uns après les autres", se souvient-il. En personne, il alla rencontrer, entendre les derniers d'entre eux, partis à des âges canoniques: ainsi Louis de Cazenave (en janvier 2008 à 110 ans), Lazare Ponticelli (deux mois plus tard au même âge).
Entretemps tombé sur une étude scientifique sur les centenaires, c'est "presque naturellement" qu'il glissa vers la quête de données sur les grands centenaires. L'immortelle Jeanne Calment (122 ans) était alors "l'arbre qui cachait la forêt" de super-centenaires (110 ans et plus), et il chercha à dresser sa liste à lui. "Sans but précis. J'aimais les stats, et ça m'intéressait de savoir qui ils étaient. Ca a commencé comme ça. Ca ne s'est plus arrêté..."
- Chacun veut "son" doyen -
Quinze ans plus tard, le "traqueur" de centenaires est devenu une petite référence, précieux allié des travaux du démographe de l'INSERM Jean-Marie Robine. A chaque décès de doyenne ou doyen, il est sollicité par les médias. Régulièrement l'appellent aussi des maisons de retraite, des familles, qui veulent savoir si "leur" pensionnaire, leur aïeule, ne serait pas des fois devenu le doyen de la France, de la région, du département...
Car les impeccables tableaux Excel de Laurent sont vertigineux de statistiques, croisées presque à l'infini. Un résultat qui cache des heures, des mois de démarches, de recherches, de collecte de copies d'extraits d'actes de décès, de naissance, auprès d'archives, de mairies, d'articles de presse. "Internet a changé ma vie", sourit le quinquagénaire à la carrure sportive, qui n'y consacre aujourd'hui "pas plus d'une heure par jour" --sans contrepartie ni quête de notoriété-- et se souvient de ses innombrables envois jadis "avec enveloppe timbrée pour la réponse".
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