Les avocats Jean-Luc Bochatay et Alain Moreau soulignent dans une tribune au « Monde » le caractère inédit et hors norme de la décision du Tribunal fédéral suisse qui, le 26 juillet, a répondu positivement à la demande d’informations de l’administration fiscale française.
Tribune. Le 26 juillet, le Tribunal fédéral, juridiction suprême de la Confédération helvétique, a autorisé la transmission au fisc français de données concernant près de 40 000 numéros de compte ouverts auprès de la banque suisse UBS, comptes bancaires ayant vraisemblablement pour titulaires ou ayants droit économiques des contribuables français.
La Direction générale des finances publiques (DGFIP) avait en effet adressé en mai 2016 à son homologue, l’Administration fédérale suisse des contributions (AFC), une demande d’assistance administrative en matière fiscale concernant ces 40 000 numéros de compte.
Une pêche aux renseignements ?
La spécificité de cette demande résultait à la fois de son caractère « collectif » hors norme et de ce que la DGFIP ignorait l’identité des contribuables visés (seuls les numéros de compte lui avaient été transmis à l’époque par le fisc allemand).
La banque UBS s’est toujours opposée à cette demande de transmission au motif qu’il s’agissait selon elle d’une pêche aux renseignements (« fishing expedition »), prohibée en vertu de la convention fiscale franco-suisse. Qu’au surplus, le fisc français ne s’était pas engagé à respecter le principe de spécialité, principe selon lequel les informations transmises ne pourraient jamais être utilisées dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre la banque en France.
Mais l’AFC a été d’un avis contraire et a rendu, le 9 février 2018, des décisions accordant l’assistance administrative à la France dans huit dossiers (sur les 40 000 comptes susmentionnés).
Le Tribunal fédéral suisse a ensuite rendu son verdict : cette demande de la France, en dépit de son caractère collectif et massif, ne constitue pas une pêche aux renseignements ; il n’y a pas lieu non plus de considérer que la France ne respectera pas le principe de spécialité ; l’AFC peut donc transmettre à la DGFIP les informations requises.
Décision individuelle ou consentement écrit
Les informations qui seront communiquées par l’AFC porteront sur l’identité, la date de naissance et l’adresse du titulaire du compte et/ou ayant droit économique, ainsi que le solde du compte au 1er janvier des années 2010 à 2015.
La spécificité de cette demande résultait à la fois de son caractère « collectif » hors norme et de ce que la DGFIP ignorait l’identité des contribuables visés
Mais pour pouvoir transmettre ces données, l’AFC doit nécessairement rendre préalablement une décision individuelle (ce qu’elle n’a pas encore fait pour la grande majorité de ces 40 000 comptes) ou obtenir du titulaire du compte son consentement écrit.
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