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La science des rêves et des cauchemars : que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous dormons??
Drew Dawson, CQUniversity Australia et Madeline Sprajcer, CQUniversity AustraliaLa nuit dernière, vous avez sans doute dormi sept ou huit heures. Vous avez probablement eu une ou deux heures de sommeil profond, surtout si vous êtes jeune ou actif physiquement. En effet, le sommeil se modifie avec l’âge, et l’exercice physique affecte l’activité cérébrale. Vous avez également eu environ trois ou quatre heures de sommeil léger.
Le reste du temps, vous étiez vraisemblablement dans la phase de sommeil paradoxal (REM pour rapid eye movement). Bien qu’il ne s’agisse pas du seul moment où le cerveau rêve – c’est possible durant d’autres phases –, c’est celui où il est le plus probable qu’on se souvienne de l’activité cérébrale et qu’on puisse la raconter.
C’est possible parce que des pensées ou des sentiments bizarres nous réveillent ou parce que la dernière heure de sommeil est presque entièrement constituée de sommeil paradoxal. Quand un songe ou une alarme nous réveillent, on sort généralement du sommeil paradoxal et les images d’un rêve peuvent nous habiter encore quelques minutes. On en garde alors le souvenir.
Si le songe est étrange ou intéressant, il se peut qu’on en parle à quelqu’un d’autre, ce qui permet de mieux l’encoder dans la mémoire.
Les rêves et les cauchemars sont mystérieux, et nous n’avons pas fini d’en apprendre sur eux. Ils font rouler notre cerveau, nettoient les pensées liées aux événements de la journée à l’échelle moléculaire et peuvent nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures d’éveil.
Que savent les scientifiques sur le sommeil paradoxal et les rêves? ?
Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment. L’imagerie cérébrale a révélé que certains schémas d’activité cérébrale sont associés au rêve (et aux phases du sommeil qui y sont davantage associées). Mais ces essais reposent sur des témoignages personnels sur l’expérience du rêve.
Tout ce à quoi l’on consacre autant de temps permet sans doute d’atteindre plusieurs objectifs.
Au niveau physiologique de base, tous les mammifères rêvent (comme l’indiquent l’activité cérébrale, le comportement pendant le sommeil et des études sur la conscience) – même l’ornithorynque et l’échidné font probablement l’expérience de quelque chose de similaire au rêve (à condition que leur corps soit à la bonne température). On peut voir une ressemblance entre leur activité cérébrale et leurs phases de sommeil et le sommeil paradoxal humain.
Ce n’est pas le cas des espèces moins évoluées. Certaines méduses – qui n’ont pas de cerveau – font l’expérience de ce que l’on pourrait qualifier de sommeil sur le plan physiologique (selon leur position, leur calme, leur manque de réactivité et leur « réveil » rapide en cas de nécessité), mais sans les éléments physiologiques et comportementaux qui rappellent le sommeil paradoxal.
Chez les êtres humains, on considère que le sommeil paradoxal se produit cycliquement toutes les 90 à 120 minutes au cours de la nuit. Il nous empêche de dormir trop profondément et d’être vulnérables aux attaques. Certains scientifiques avancent que nous rêvons pour éviter que notre cerveau et notre corps se refroidissent. Notre température centrale est généralement plus élevée pendant ces phases du sommeil. Si l’on doit réagir à des signaux externes ou à des dangers, il est plus facile de se réveiller au milieu d’un songe qu’à d’autres moments.
Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau se met en mode actif pour un certain temps, à la manière d’un périscope qui donne accès à la conscience en nous permettant d’observer ce qui se passe à la surface, pour replonger si tout va bien.
Certaines données indiquent que les « rêves de fièvre » sont beaucoup moins fréquents qu’on ne le pense. En effet, on atteint moins la phase du sommeil paradoxal quand on est fiévreux, même si les songes qu’on fait alors ont tendance à être plus sombres et étranges.
Le fait de passer alors moins de temps en sommeil paradoxal pourrait s’expliquer par la difficulté à réguler sa température corporelle pendant cette phase. Pour nous protéger, le cerveau tente de réguler la température corporelle en « sautant » cette phase du sommeil. C’est aussi pour cette raison que nous rêvons généralement moins quand il fait chaud.
Un nettoyage en profondeur du cerveau
Le sommeil paradoxal est important pour assurer le bon fonctionnement du cerveau, comme l’indiquent des études qui utilisent l’électroencéphalographie pour mesurer l’activité du cerveau.
De la même manière que le sommeil profond aide le corps à restaurer ses capacités physiques, le sommeil de rêve « rince » nos circuits neuronaux. À l’échelle moléculaire, les substances chimiques qui étayent la pensée sont déformées par l’activité cognitive de la journée. Le sommeil profond leur permet de retrouver leur forme initiale. Le cerveau est « lavé » par du liquide céphalo-rachidien que contrôle le système glymphatique.
À un autre niveau, le sommeil paradoxal « met de l’ordre » dans nos souvenirs et nos sentiments récents. Pendant cette phase, notre cerveau consolide les souvenirs procéduraux (la façon d’accomplir une tâche) et les émotions. Les autres phases de sommeil, au cours desquelles nous rêvons moins, sont importantes pour la consolidation des souvenirs épisodiques (les événements).
À mesure que la nuit avance, notre production de cortisol, l’hormone du stress, augmente. On pense que la quantité de cortisol peut influencer le type de souvenirs que nous consolidons et peut-être le type de songes que nous faisons. Cela signifie que les rêves de fin de nuit ont tendance à être plus fragmentés ou bizarres.
Les différents types de sommeil permettent de consolider l’activité cérébrale utile de la journée et d’éliminer les informations de moindre importance.
Pensées aléatoires, sentiments réorganisés
Ce classement et cette élimination des activités de la journée se déroulent pendant que nous dormons. C’est pourquoi nous rêvons souvent de choses qui se sont produites pendant la journée.
Parfois, lorsque les pensées et les sentiments sont réorganisés et jetés à la « poubelle » pendant le sommeil, nous pouvons ressentir de la conscience. Des pensées et des sentiments aléatoires sont mélangés de façon insolite et merveilleuse. Le fait que nous ayons conscience de ce processus peut expliquer l’étrangeté de certains songes. Nos expériences diurnes peuvent aussi engendrer des cauchemars ou des rêves angoissants après un événement traumatisant.
Certains rêves semblent prédire l’avenir ou sont porteurs d’un symbolisme fort. Dans plusieurs sociétés, les rêves sont considérés comme une fenêtre sur une réalité alternative où l’on peut envisager diverses possibilités.
Les rêves ont-ils un sens? ?
Nous avons une bonne compréhension des aspects thermorégulateurs, moléculaires et neuronaux des rêves. Mais leurs aspects psychologiques et spirituels restent largement méconnus.
Notre cerveau est peut-être conçu pour essayer de donner un sens aux choses. Les sociétés humaines ont toujours interprété des phénomènes aléatoires – le vol des oiseaux, les feuilles de thé ou les planètes – et cherché leur signification. Presque toutes les sociétés humaines considéraient les rêves comme étant plus qu’un simple fonctionnement neuronal aléatoire.
L’histoire des sciences nous apprend que certains phénomènes que l’on croyait magiques peuvent être compris et maîtrisés par la suite, pour le meilleur et pour le pire.
Drew Dawson, Director, Appleton Institute, CQUniversity Australia et Madeline Sprajcer, Lecturer in Psychology, CQUniversity Australia
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.