Google va proposer aux utilisateurs de smartphones Android de choisir quel moteur de recherche ils veulent voir s’afficher par défaut sur leur appareil. Mais seuls les plus offrants seront suggérés.
Ecosia, DuckDuckGo ou encore Qwant… Plusieurs moteurs de recherche se sont insurgés contre la nouvelle politique de Google, qui a annoncé vendredi 2 août que les utilisateurs européens d’Android, le système d’exploitation pour mobiles, pourront choisir à partir de 2020le moteur de recherche de leur choix parmi… les plus gros payeurs.
Le géant de Mountain View, qui avait été condamné en 2018 à 4,3 milliards d’euros d’amende par la Commission européenne pour abus de position dominante, a précisé vouloir arrêter au 31 octobre prochain la liste des trois moteurs de recherche retenus dans chaque pays européen. Concrètement, au moment de l’initialisation de l’appareil, l’utilisateur pourra choisir, parmi plusieurs moteurs de recherche, celui qu’il souhaite utiliser par défaut sur son téléphone. Problème : seuls les meilleurs offrants apparaîtront sur cette page de sélection – un système profitant naturellement aux géants que sont Bing, Yahoo, et Google, ainsi que les différents moteurs semi-indépendants basés sur ce dernier, et que la firme de Mountain View pourrait privilégier à sa guise, s’inquiètent les indépendants.
« Inadmissible »
« Il ne revient pas à Google de faire désormais payer à ses concurrents son comportement fautif et le montant de cette amende par un système d’enchères qui ne profitera ni aux consommateurs européens, ni à la libre concurrence, qui ne peut être faussée par un tel procédé », s’est agacée la société française Qwant dans un communiqué. Celle-ci souligne par ailleurs les conflits d’intérêt et les risques de manipulation, Qwant étant engagée dans la procédure contre Google au niveau de la Commission européenne, dans laquelle le géant américain a fait appel.
Pourtant, ces derniers mois, Google avait introduit un système plus ouvert, en proposant cinq navigateurs en fonction de leurs parts de marché dans chaque pays. « Grâce au droit d’être ajouté dans le navigateur Chrome à l’affichage, on est passé de 2 % à 26 % de parts de marché sur mobile, se félicite Eric Léandri, PDG de Qwant, interrogé par Le Monde. Mais Google a compris que les gens choisissaient un autre moteur que lui s’ils ont le choix. Alors ils ont décidé de mettre en place des enchères privées. Ce seront eux qui choisiront seuls », estime le chef d’entreprise français, qui évoque un système « inadmissible », et prévoit d’en référer à la Commission européenne.
« Google sera gagnant, aux dépens de la concurrence »
Sur le plan médiatique, au moins, Qwant n’est pas seul. Pour Gabriel Weinberg, fondateur du moteur de recherche américain DuckDuckGo, « une case à cocher pourrait être un excellent choix pour donner plus de liberté au consommateur si c’est bien fait. Malheureusement, l’annonce de Google (…) n’apportera pas de choix pertinent,
Christian Kroll, patron d’Ecosia, un métamoteur de recherche allemand écologique, basé sur les résultats de Bing, a dénoncé dans un communiqué « une nouvelle décevante », et absurde pour une entreprise dans son registre. « Ecosia est un moteur de recherche à but non lucratif – nous utilisons nos revenus pour planter des arbres dans les zones touchées par la déforestation ou la désertification, et non pour participer à des guerres d’enchères. Si nous choisissons de participer (…), ce sera potentiellement au détriment de millions d’arbres que nous aurions pu planter autrement. » DuckDuckGo, Qwant et Ecosia militent tous les trois pour une liste ouverte.
Sur iPhone, Apple offre le choix entre huit moteurs de recherche, dont DuckDuckGo. Les autres moteurs sont des géants russe (Yandex) et chinois (Baidu, Sogou, 360 Search). Selon un chiffre obtenu par Bloomberg, Google payait 1 milliard de dollars en 2014 pour être le moteur de recherche par défaut dans Safari.
Source : La nouvelle politique de Google sur Android fâche les moteurs de recherche indépendants