« La droite a cessé d’être audible sur tous les grands sujets »

Politique

Le professeur de science politique Philippe Raynaud estime, dans une tribune au « Monde », que l’échec du parti Les Républicains aux européennes est le fruit d’une longue accumulation d’erreurs, ainsi que de l’incertitude qui entoure l’identité de cette formation.

Tribune. La crise de la droite « républicaine » déclenchée par les élections européennes est d’autant plus aiguë que, pendant la campagne électorale en vue du scrutin, les sondages avaient annoncé un score honorable, de l’ordre de 14 %, pour la liste conduite par François-Xavier Bellamy. Cette prévision semblait valider la stratégie de Laurent Wauquiez, qui reposait tout entière sur l’idée de la solidité d’un électorat conservateur qui s’était reconnu en 2017 dans la candidature de François Fillon, dont l’échec dès le premier tour ne pouvait s’expliquer, aux yeux de ses partisans, que par ses mésaventures judiciaires.

De ce point de vue, l’élection d’Emmanuel Macron n’était qu’un accident passager dans une France de plus en plus « à droite », qui ne tarderait pas à retirer sa confiance à un président mal élu et qui devrait donc tôt ou tard se rallier à des Républicains solidement ancrés à droite. Cette stratégie a échoué lors des européennes du 26 mai, qui ont démenti tous les postulats sur lesquels elle reposait.

Près du quart des électeurs de François Fillon ont choisi de voter pour La République en marche, qui devance largement Les Républicains chez les catholiques pratiquants (37 % contre 22 %). La droite républicaine n’a eu aucun succès ni chez les sympathisants du Rassemblement national, ni, bien entendu, chez les amis des « gilets jaunes » : elle n’a rien gagné dans les classes populaires et elle a beaucoup perdu dans l’électorat de l’ouest parisien, de Neuilly et de Versailles, qui avait fait le succès de François Fillon lors de la primaire de la droite en 2016.

La démission de Laurent Wauquiez a sanctionné l’échec de cette stratégie, et elle annonce sans doute un recadrage « modéré » du parti Les Républicains ou de ce qu’il en reste. Mais la défaite cuisante du 26 mai ne peut pas s’expliquer seulement par les défaillances des dirigeants : elle est le résultat d’une longue série d’erreurs qui traduisent à la fois l’aveuglement de la droite sur son influence réelle et ses incertitudes sur son identité présente et à venir.

Macron sous-estimé

Le premier signe du décalage entre la droite et le pays est venu de la primaire, qui a écarté la candidature modérée d’Alain Juppé au profit de celle de François Fillon, dont le programme était loin de pouvoir séduire la majorité des Français. Le vote des électeurs de droite reposait sur l’hypothèse, hautement fragile, que la victoire était d’avance acquise, parce que leur candidat allait nécessairement affronter et vaincre Marine Le Pen au second tour et que, dans ces conditions, on pouvait sans risque voter pour celui qui, sur tous les sujets, était le plus à droite. L’échec final de Fillon aurait dû faire cesser cette illusion, mais il a suffi de l’expliquer par les « affaires » pour éviter toute autocritique sur l’orientation choisie en 2016.


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