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Le chef de l’Etat a annoncé lundi vouloir modifier la Constitution pour pouvoir assister aux débats qui suivent son allocution et répondre aux parlementaires.

Comme l’an dernier à la même époque, Emmanuel Macron est venu s’exprimer devant les parlementaires réunis en Congrès, à Versailles, lundi 9 juillet. A cette occasion, le chef de l’Etat a notamment proposé de modifier les règles de ces sessions exceptionnelles, lorsque députés et sénateurs siègent ensemble ; un amendement à la réforme constitutionnelle actuellement en discussion à l’Assemblée va être proposé par le gouvernement pour que le président de la République puisse assister aux débats au Congrès et y répondre – ce que la Constitution lui interdit pour le moment.

Cette proposition pose certaines questions quant à la répartition et l’équilibre des pouvoirs au sein de la Ve République. Explications.

Qu’est-ce que la séparation des pouvoirs ?

 

Il s’agit d’un principe fondamental, énoncé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui régit le droit et les institutions au sein de la République. Chaque pouvoir doit être indépendant pour permettre un équilibre entre tous et éviter un régime autoritaire. Ces trois pouvoirs sont :

  • Le pouvoir législatif, représentants du peuple (députés, sénateurs), qui votent les lois ;
  • Le pouvoir exécutif, composé, en France, à la fois d’un représentant élu par le peuple (le président de la République) et d’un gouvernement (non élu, mais responsable devant l’Assemblée nationale).
  • Le pouvoir judiciaire, qui contrôle le respect des lois et différentes règles en vigueur.

Quel est l’équilibre des pouvoirs sous la Ve République ?

La Ve République est désignée comme un régime « semi-présidentiel », car elle donne des responsabilités importantes à la fois au président de la République et au Parlement.

  • Le président de la République est élu au suffrage universel direct depuis 1962, ce qui lui donne une légitimité importante. Il détient seul le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer ainsi de nouvelles élections législatives. Pendant longtemps, l’élection présidentielle était le seul moment où le président pouvait (et devait) rendre compte de son action, en remettant son mandat en jeu, laissant les électeurs trancher. La révision constitutionnelle du 23 février 2007 a introduit un mécanisme de destitution, très encadré, en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». La majorité des deux tiers à l’Assemblée nationale et au Sénat est nécessaire pour que la Haute Cour statue sur son sort. Ce dispositif n’a jamais été déclenché.
  • Le gouvernement est nommé par le président mais dépend de l’Assemblée nationale — c’est le « côté parlementaire » de la Ve République. Il doit obtenir la « confiance » des députés pour entrer en fonction ; à sa prise de fonction, le chef du gouvernement (le premier ministre) doit présenter un programme aux députés et obtenir un vote favorable de la majorité d’entre eux (c’est le « discours de politique générale »). Les députés peuvent renverser le gouvernement par une motion de censure adoptée à la majorité. Courante pendant la IVe République, cette situation est rare sous la Ve — notamment parce que le président peut répliquer par une dissolution de l’Assemblée, comme cela a été le cas en 1962.
  • Les députés sont désignés directement par le peuple lors des élections législatives et ont donc en théorie le pouvoir de refuser ou démettre un gouvernement. Mais ils sont en pratique souvent démunis face au président de la République, également élu au suffrage universel et qui peut décider de dissoudre l’Assemblée.

Pourquoi la possibilité que le président réponde au Congrès pose-t-elle question ?

La séparation des pouvoirs s’est longtemps traduite par une stricte absence de rencontre physique entre les parlementaires et le président de la République, ce qui a pu donner du grain à moudre à l’opposition à chaque fois que le chef de l’Etat invitait des parlementaires à l’Elysée. L’article 18 de la Constitution prévoit que le président « communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat ».

La réforme constitutionnelle de 2008 a introduit une première « brèche » dans cette séparation, en permettant au chef de l’Etat de convoquer un Congrès pour s’adresser à tous les parlementaires réunis – comme cela a été le cas pour François Hollande après les attentats de novembre 2015 et d’Emmanuel Macron en juillet 2017 et 2018 à Versailles. Dans ce cas, le texte constitutionnel précise explicitement que « sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote ».

Emmanuel Macron propose désormais que le président de la République puisse assister au débat succédant sa déclaration et répondre aux parlementaires le cas échéant. Selon Vincent Couronne, enseignant-chercheur en droit public à l’université Paris-Saclay et Sciences Po Saint-Germain, et membre du collectif de juristes Les Surligneurs, cette mesure serait « une nouvelle étape franchie vers un déséquilibre des pouvoirs ».

« Selon la Constitution, le président doit être le garant des institutions et c’est le premier ministre qui assume la responsabilité politique devant l’Assemblée, même en cas d’opérations militaires. Avec cette réforme, le déséquilibre serait d’autant plus grand que les députés échangeraient avec un président irresponsable devant eux, mais qui pourtant peut dissoudre l’Assemblée. »

Pour justifier sa proposition, Emmanuel Macron a évoqué les « reproches » faits à l’encontre du discours devant le Congrès, qualifié par l’opposition d’exercice « autocratique et monarchique » – ce qui a d’ailleurs conduit plusieurs parlementaires à le boycotter.


Lire la suite : Congrès : la proposition de Macron va-t-elle à l’encontre de la séparation des pouvoirs ?


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