Depuis le début de son déploiement, le compteur Linky fait controverse. Maux de tête, insomnies, vertiges, etc. Il est, entre autres, accusé d'entraîner des troubles dans les foyers où il a été installé. Mises en cause : les ondes électromagnétiques qu'il émet dans les habitations. Ces accusations sont-elles fondées ? Futura a mené l'enquête.
Comme précisé dans la première partie de cette enquête, le compteur Linky tel qu'imaginé par les ingénieurs de chez Enedis compte sur la technologie CPL pour communiquer des informations. Une technologie éprouvée et a priori moins émettrice d'ondes électromagnétiques que d'autres.
Pourquoi parle-t-on tant des ondes électromagnétiques émises par Linky ?
Il n'en reste pas moins que la technologie CPL engendre un rayonnement électromagnétique mesurable autour de l'appareil et des câbles électriques. Ainsi oui, Linky émet des ondes. Tout comme n'importe quel autre appareil électrique en fonctionnement. Et l'on peut noter que les babyphones équipés de CPL, par exemple, sont présentés comme permettant de « limiter les ondes dans la chambre de bébé ».
Mais pour revenir à notre compteur communicant, des mesures - de champ électrique et magnétique, nécessaires dans cette gamme de fréquences - ont été réalisées. « Les niveaux de champs s'avèrent comparables à ce qu'ils étaient à proximité des compteurs d'ancienne génération. Ils sont transitoires et extrêmement faibles. Sans effet significatif sur le niveau d'exposition ambiant dans une habitation?», indique Anne Perrin. Un constat qui n'empêche pas les électrosensibles de s'inquiéter de la multiplication des sources et de ce qu'ils qualifient d'électrosmog, cette sorte de « pollution électromagnétique » dans laquelle nous évoluons aujourd'hui.
« À 50 centimètres, Linky émet 36 fois moins d'ondes électromagnétiques qu'une ampoule à basse consommation et environ 5 fois moins qu'un ordinateur, le tout en restant largement en dessous des limites réglementaires, bien sûr », souligne Jean-François Finck pour mettre des chiffres sur les impressions. Des chiffres confirmés par plusieurs campagnes de mesures et notamment par l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Le saviez-vous ?
L’Agence nationale des fréquences (ANFR) est chargée du respect, sur le territoire français, des limites d’exposition du public aux ondes électromagnétiques. Elle propose une application baptisée La maison ANFR qui donne le détail des émissions de divers objets du quotidien.
Des chiffres que contestent toutefois les associations de défense des électrosensibles, s'appuyant sur un précédent. Celui du débit d'absorption spécifique. Un DAS qui indique la quantité d'énergie absorbée (en watt par kilogramme) par le corps - ou une partie du corps - en présence d'ondes électromagnétiques. Et il arrive que des fabricants de téléphones mobiles se fassent épingler pour être allés au-delà du DAS maximum autorisé. De quoi semer le doute quant aux chiffres annoncés par Enedis?? Pas vraiment lorsque l'on sait que l'agence qui mesure les DAS de nos portables et pointe, le cas échéant, les dérives des fabricants est justement celle qui atteste aujourd'hui des niveaux extrêmement faibles d'émission des compteurs Linky : l'ANFR.
Selon les mesures de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le compteur Linky n’émet pas plus d’ondes électromagnétiques que les compteurs électriques des précédentes générations. © Jean-Claude Thuillier, Gwenaël Quantin, Enedis
L’électrosensibilité, on en parle de plus en plus ?
Toujours est-il que les médecins proches des associations de défense des électrosensibles affirment qu'en consultation, le nombre de patients se déclarant en souffrance augmente. Pourtant, le diagnostic reste difficile à poser. L'électrosensibilité semble plus se rapprocher d'un état aux multiples facettes que d'une maladie au sens classique. D'un individu à l'autre et même d'un moment à l'autre, l'électrosensibilité se manifeste ainsi tantôt sous la forme de céphalées ou de vertiges, tantôt sous la forme de crampes ou de douleurs articulaires.
Si en Europe, une majorité de médecins reconnaissent n'avoir à traiter que très peu d'électrosensibles, certains rapportent que leurs patients disent aller mieux lorsque les expositions aux ondes électromagnétiques sont supprimées ou au moins diminuées. Des patients qui « se déclarent en souffrance » et qui « disent aller mieux » ? Les médecins qui les reçoivent semblent également conscients du fait qu'une approche psychologique du problème est indispensable à leur prise en charge.
Un danger pour la santé ?
Et Anne Perrin est formelle : « Il n'y a pas de risque démontré lié aux ondes électromagnétiques ambiantes en dessous des limites de sécurité réglementaires. » Un avis qu'elle base sur de nombreux travaux de recherche menés depuis une trentaine d'années. « Sur des expertises collectives, et non sur des études isolées. » Et un avis qu'elle partage avec les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et avec ceux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La dernière expertise de l'Agence publiée début 2018 dédiée à l'électrosensibilité conclut d'ailleurs à « l'absence de preuve expérimentale solide permettant d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant électrosensibles ».
Toutefois, les associations de défense des personnes électrosensibles rappellent volontiers que «?les ondes électromagnétiques ont été classées 2B par le Centre international de recherche sur le cancer[Circ, une agence qui dépend de l'OMS] ». Les ondes radiofréquences qui servent à nos portables - ainsi celles émises par les lignes à haute tension -, pour être plus précis. Celles qui servent à nos portables, pas celles émises par les compteurs Linky. Depuis 2011, les ondes radiofréquences sont considérées comme « peut-être cancérogènes » ou «?cancérogènes possibles?» pour les utilisateurs les plus intensifs de téléphones mobiles. Cela signifie qu'il n'existe pas de preuve indiquant que ces ondes soient probablement cancérogènes (groupe 2A) ou cancérogènes avérés (groupe 1). «?Cancérogène possible?» tout comme les légumes au vinaigre par exemple. Le café l'a été durant 16 ans avant d'être déplacé dans le groupe 3, inclassable comme cancérogène. Et lorsqu'on leur fait remarquer l'absence de classement des ondes émises par la technologie CPL, les associations de défense des personnes électrosensibles avancent que, pour l'heure, trop peu d'études indépendantes se sont intéressées au problème des compteurs intelligents de type Linky.
Et finalement, personne ne semble vouloir remettre en cause la réalité des symptômes ressentis par ces personnes qui se déclarent électrosensibles. L'Anses appelle ainsi à la réalisation d'études spécifiques sur l'effet nocebo d'une installation imposée aux citoyens. L'effet nocebo ? C'est le pendant de l'effet placebo. Un effet négatif provoqué par l'attente de nocivité d'un produit pourtant inactif. « Notre rôle n'est pas de juger, mais d'entendre les souffrances de ces usagers en leur apportant une écoute active et toutes les informations utiles », conclut Jean-François Finck.
- Linky, c’est la dernière génération des compteurs électriques mis sur le marché par Enedis.
- Un compteur communicant qui repose sur la technologie CPL et qui émet de fait, des ondes électromagnétiques.
- Des niveaux d’ondes qui restent très en dessus des limites autorisées par la réglementation française.
- Certains s’inquiètent pourtant de leurs effets sur leur santé, mais les experts se veulent rassurants.
Source : Compteur Linky : ses ondes électromagnétiques mettent-elles en danger notre santé ? 2/2