Elles ont vu et revu sur YouTube la pub pour les tests de grossesse Clearblue : cette forme « d’incitation à la procréation » les agace. Elles n’auraient pas eu la même réaction devant la télé.
Vous êtes confortablement installés dans votre canapé ou à votre bureau, entre midi et deux, et vous errez sur YouTube, happé par un lien qu’un de vos amis a partagé. Vous tombez sur la chaîne d’un youtubeur jeux vidéo, vous cliquez. Une pub vous barre la route.
Dans un monde parallèle couleur pastel et symétrique, deux femmes se font face, attablées dans une cuisine ouverte rangée au poil. Elles jouent mal et le doublage en français est grossier :
« Je suis enceinte.
– [yeux écarquillés] Vraiment ?
– De deux semaines.
– T’as vu le médecin ?
– Pas encore, mais j’ai fait ce test de grossesse Clearblue. »
Cette dernière fait surgir de sous la table la preuve à son amie. Qui s’exclame :
« Oh la la, je crois que je vais pleurer ! »
Tu enfanteras, ma fille
Quand les nullipares que nous sommes ont été victimes à plusieurs reprises de ces images, la première réaction fut l’agacement (« prière de cibler quelqu’un d’autre, merci »), mêlé à la désagréable sensation d’une petite intrusion dans la vie privée.
Visiblement, nous ne sommes pas les seules : sur Twitter, des femmes partagent leur irritation. Celles qui n’ont pas (encore) envie d’avoir des enfants se sentent ramenées à une injonction de procréation.
« C’est un message à la femme qui est en moi pour dire qu’il est temps de songer à avoir des enfants », regrette ainsi Céline, 25 ans. Une « propagande moderne », ajoute cette apprentie libraire, qui rappelle que ne pas vouloir d’enfants reste encore mal vu pour une femme.
Pour celles qui ne peuvent pas en avoir ou essaient en vain, cette pub est une cruelle piqûre de rappel qui surgit sur leur écran. Et puis il y a toutes celles qui ne la
Céline aimerait bien savoir pourquoi elle est visée par Clearblue, dont elle voit généralement les spots avant des vidéos de jeux :
« Ma consommation Internet se résume à des sites d’actualités littéraires ou geeks. »
C’est aussi le cas d’Alice, 15 ans, qui souligne qu’elle n’a pas une utilisation spécialement « féminine » d’Internet et trouve la situation « très agaçante ».
« Jeune femme en âge de procréer »
Le spot a beau être neuneu, on n’aurait certainement pas eu la même réaction devant la télévision. Parce que la pub à la télé est démocratique : elle s’adresse à tout le monde au même moment. Ce qui est irritant sur Internet, c’est qu’elle soit ciblée. Et qu’on le sache.
Avec la pub ciblée, vous n’êtes plus la jeune femme qui rêve de parcourir le monde et a redécouvert le plaisir des mots croisés le week-end dernier. Mais « une jeune femme en âge de procréer ». Violence.
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