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Monopolisation des audiences, captation des revenus, moindre protection des créateurs… Pour le sociologue Olivier Alexandre, le triomphe de sociétés comme Netflix est plus lourd de risques que d’espoir pour la profession cinématographique.

Tribune. Cannes s’élance et le destin des films semble plus que jamais se jouer sur la Côte ouest des Etats-Unis. Les grands noms du numérique y multiplient les effets d’annonce : Apple lance son service de streaming dans cent pays ; Amazon s’invite hors compétition ; Netflix fait son entrée à la Quinzaine des réalisateurs et prévoit un investissement d’un milliard de dollars sur le vieux continent – c’est l’équivalent des dépenses de la Commission européenne pour l’audiovisuel et la création…

L’organisation de ces poids lourds reste pourtant encore mal connue. Régulièrement comparés à des studios, ils en sont en réalité très éloignés dans leur fonctionnement. Les majors misent sur le rayonnement des stars, de grandes campagnes de promotion et de lourds investissements dans la production. Ces groupes se distinguent à l’inverse par la mise en avant des abonnés, des lancements discrets et par une économie de moyens dans le suivi des projets : absence de plateaux de tournage aux sièges, communication réduite au minimum, employés certes parmi les mieux payés de la Silicon Valley, mais tenus de respecter des clauses strictes de confidentialité.

Des produits de niches

Ces nouveaux acteurs n’ambitionnent pas des hits mondiaux de la trempe de Star Wars. Ils visent un autre type de public, plus morcelé, adepte des produits de niches, explorant des catalogues calibrés pour des audiences en majorité de moins de 35 ans, et qui restent plus nationales que mondiales. Le plus gros succès de Netflix en Angleterre (Call the Midwife) n’est guère prisé de ce côté de la Manche.

Les regards convergent vers l’Union européenne pour mettre en place une politique fiscale cohérente, inspirée du modèle français, à même d’intégrer les géants du numérique à la chaîne de solidarité des écrans

Bénéficiant d’une fiscalité avantageuse sur un marché de la SVOD [service de vidéo à la demande sur abonnement] en pleine expansion, ces entreprises peuvent, en outre, payer au-dessus des prix du marché. Toutefois, elles produisent rarement directement, privilégient des acquisitions et des collaborations avec un réseau de sous-traitants habitués naguère aux premiers rôles. Netflix est ainsi devenu le principal client de Gaumont avec la production de Narcos et d’El Chapo.

Pour rentabiliser leurs investissements, ces entreprises poursuivent deux axes : étendre le réseau de diffusion et adapter l’offre en fonction des mesures de visionnage. Apple ambitionne de convertir les 50 millions d’abonnés Apple Music en téléspectateurs, Amazon s’appuie sur le réservoir de 100 millions d’abonnés à son service Prime, tandis que Netflix a mis sur pied un système de mise en réseau lui permettant de fournir 140 millions d’abonnés dans 190 pays – en début d’année, Netflix a dépassé les cinq millions d’abonnés de Canal+ sur le seul territoire français.


Lire la suite : Cannes : pour « une nouvelle internationale de la création » audiovisuelle


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