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Cancer colorectal : qui doit se faire dépister, et comment ?

Lucien Grados, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

S’il est traité suffisamment tôt, le cancer colorectal guérit dans 9 cas sur 10. Malheureusement, en France, son dépistage est à la peine, loin en deçà du seuil recommandé au niveau européen. Comment se développe la maladie ? Qui est le plus à risque ? Quand se faire dépister ? Le point sur les choses à savoir.


Le cancer colorectal est un cancer fréquent : son incidence le place au 3ème rang des cancers les plus fréquents, et il représente la 2ème cause de mortalité par cancer après le cancer du poumon.

Le pronostic et les chances de guérison dépendant du stade de la maladie au moment du diagnostic, le dépistage est essentiel. En quoi consiste-t-il, et qui est concerné ?

Quels facteurs de risque ?

Chaque année, 51 636 nouveaux cas de cancer colorectal sont recensés en France, et la maladie est à l’origine de 21 218 décès annuels dans notre pays. Ces statistiques sont tirés des données 2022 du registre GLOBOCAN, compilées par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC – en anglais IARC, agence intergouvernementale de recherche sur le cancer, créée en 1965 par l’Organisation mondiale de la santé).

Avant 50 ans, le taux d’incidence standardisé sur l’âge est de 7,9 cas pour 100 000 personnes, alors qu’il atteint 201,2 et 283 pour 100 000 après 60 et 70 ans.

Les principaux facteurs de risques sont l’âge, la présence d’un syndrome de prédisposition génétique (polypose adénomateuse familiale, syndrome de Lynch, etc.), d’une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) regroupant la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, d’un antécédent personnel ou familial d’adénome colique ou de cancer colorectal, le surpoids, le tabagisme, la consommation excessive d’alcool.

L’alimentation joue également un rôle majeur et les principaux facteurs de risques alimentaires (alcool, charcuterie, viande rouge…) sont bien identifiés, tout comme les facteurs protecteurs (aliments riches en fibres, produits laitiers, activité physique…).

Le cancer colorectal étant un cancer d’évolution lente, le dépistage est primordial pour lutter contre la maladie. Le pronostic de la maladie dépend en effet de son stade au moment du diagnostic, lequel est défini par la taille de la tumeur, son extension dans les différentes couches de la paroi du colon, la présence ou non d’envahissements des ganglions lymphatiques ainsi que de l’atteinte d’autres parties du corps (présence ou non de métastases au niveau du foie, du péritoine – la membrane qui recouvre la cavité abdominale et les viscères, des poumons ou d’autres organes).

Quels symptômes doivent inquiéter ?

Les principaux signes et symptômes sont la présence après 50 ans de saignements digestifs (rectorragie ou méléna - émission par l'anus de sang de couleur noire), d’une modification du transit intestinal, d’un amaigrissement associé à des douleurs abdominales, d’une masse abdominale palpable, d’une anémie par carence en fer (carence martiale).

Chez le sujet plus jeune c’est la présence de signes d’alarmes qui vont faire poser l’indication : saignements digestifs avec baisse du taux d’hémoglobine et/ou carence en fer, troubles du transit ou douleurs abdominales avec altération de l’état général c’est-à-dire une fatigue intense inhabituelle, perte d’appétit et/ou amaigrissement, antécédent familial au premier degré de cancer colorectal à un âge jeune, syndrome inflammatoire biologique inexpliqué persistant…


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On entend souvent dire que tout le monde est concerné par le dépistage, mais il est important de rappeler que seules les personnes asymptomatiques sont concernées au premier chef. En effet, en cas de symptômes tels que ceux précités ou de signes évocateurs d’un cancer colorectal, le patient n’est plus concerné par le dépistage : il doit bénéficier d’emblée d’une coloscopie, et non d’un dépistage par test de selles (ce dépistage consiste à rechercher dans les selles des traces de sang invisibles à l’œil nu).

La coloscopie est également utilisée pour le dépistage des personnes asymptomatiques présentant un risque élevé de cancer colorectal, en raison d’antécédents familiaux ou de prédispositions génétiques, par exemple.

Pourquoi se faire dépister ?

Le cancer colorectal se développe dans la majorité des cas en 5 à 10 ans à partir de lésions précancéreuses : les adénomes (ou polypes adénomateux) et les polypes festonnés.

Par l’accumulation de mutations au cours du temps, ces lésions précancéreuses vont acquérir des capacités de prolifération et de dissémination, pour aboutir au stade de cancer invasif appelé « adénocarcinome ». La coloscopie (examen réalisé sous anesthésie générale après une préparation colique permettant d’explorer la totalité du colon) permet de détecter d’éventuelles lésions précancéreuses et de les retirer. Cela évite l’apparition des adénocarcinomes et, donc de diminuer l’incidence du cancer colorectal.

Le rythme de surveillance et l’intervalle entre deux coloscopies vont dépendre de la taille, du nombre et du type de polypes retirés (codifiés dans les recommandations de 2022 de la Société Française d’Endoscopie Digestive - SFED).

Le second objectif du dépistage (après la diminution de l’incidence du cancer colorectal par détection des lésions pré-cancéreuses) est la détection des cancers à un stade précoce. Ceci permet d’améliorer drastiquement le pronostic des patients, car dans 9 cas sur 10, une guérison pourra être obtenue par opération chirurgicale, voire par une simple résection (ablation) pratiquée au cours de la coloscopie.

Malheureusement, à l’heure actuelle, en France, environ un tiers des cancers colorectaux sont diagnostiqués à un stade métastatique et non résécable.

Qui est concerné par le dépistage ?

Le mode de dépistage, le rythme et l’âge de début va dépendre du risque individuel de cancer colorectal. On considère que la population est répartie en trois catégories :

  • risque très élevé : ces patients sont atteints d’un syndrome de prédisposition génétique (polypose adénomateuse familiale, syndrome de Lynch, etc.). Ils doivent bénéficier d’une coloscopie tous les 1 à 2 ans dès l’âge de 25 ans, voire parfois plus tôt ;

  • risque élevé : il s’agit soit de patients avec des antécédents d’adénome colique ou de cancer colorectal - qu’il soient personnels ou familiaux au premier degré (parents, frère/sœur et enfants). Si l’antécédent est familial, ces patients doivent effectuer une coloscopie à partir de 50 ans (ou 5 ans avant l’âge du cas index en cas de survenue avant 55 ans). Dans cette catégorie figurent aussi les patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), avec atteinte colique. Eux doivent bénéficier de coloscopie avec coloration (chromo-endoscopie) de dépistage tous les 1 à 5 ans à partir de 7 ans d’évolution de la maladie. Le rythme de dépistage va dépendre des caractéristiques de la MICI et des antécédents de lésion colique en dysplasie, ou de l’association à une cholangite sclérosante primitive ;

  • risque moyen : toute personne asymptomatique âgée de 50 à 74 ans. Cette dernière catégorie représente la majorité de la population française : le nombre de personnes éligibles est estimé à 17,9 millions de personnes.

Comment se fait le dépistage lorsqu’on est asymptomatique ?

Le dépistage chez les personnes asymptomatiques de risque moyen nécessite la réalisation d’une recherche de sang dans les selles à l’aide d’un test standardisé : le FIT test (test immunologique). Ce test a remplacé le test Hémocult (test au gaïac) depuis 2015/2016 car il a démontré sa supériorité en termes de détection des adénomes avancés et des cancers invasifs. Le test est réalisé à domicile.

Le taux de positivité du test est de 3,6 % et augmente avec l’âge. Sa sensibilité est d’environ 70 % et sa spécificité de 96 à 98 % pour la détection d’adénome ou de cancer invasif. Sa valeur prédictive positive (c’est-à-dire la probabilité d’avoir une lésion colique si le test de dépistage est positif) est de 28,4 % pour les adénomes et 6,6 % pour les cancers invasifs.

Plusieurs options sont possibles pour l’obtenir. Soit une consultation chez son médecin traitant ou un médecin spécialiste, soit en pharmacie d’officine, soit en commande en ligne. Un site Internet permet de guider les patients dans les démarches et propose même une vidéo explicative sur la réalisation du test.

En cas de résultat positif (seuil à 30 µg d’hémoglobine/g de selles), le patient est prévenu qu’il doit consulter un spécialiste pour prévoir un bilan endoscopique. En cas de test négatif, celui-ci doit être renouvelé tous les 2 ans.

Vers un abaissement de l’âge du dépistage initial, et un prolongement de la durée ?

Depuis quelques années, nous assistons à une augmentation du nombre de cancer colorectal diagnostiqués avant 50 ans. Cette tranche d’âge représente désormais jusqu’à 10 % de l’ensemble des cancers colorectaux. Ils sont souvent diagnostiqués à un stade plus avancé et sont de moins bon pronostic.

Abaisser l’âge de début du dépistage à 45 voire 40 ans permettrait de détecter plus précocement ces cancers et d’améliorer considérablement le pronostic des patients. Aux États-Unis, l’âge de dépistage a été abaissé en 2018 : depuis cette date, il débute à partir de 45 ans.

Il est aussi envisagé de prolonger la durée de dépistage jusqu’à 80 ans, en fonction des cas. En effet, l’incidence du cancer colorectal augmente avec l’âge et plus de la moitié des cancers colorectaux sont diagnostiqués après 75 ans. Or, une revue systémique de la littérature récente sur le sujet a démontré que certains patients de plus de 75 ans sélectionnés tirent un bénéfice de la poursuite du dépistage jusque 80 ans.

Cependant, le taux de complication de la coloscopie sous anesthésie générale est également plus élevé après 75 ans. Cette prolongation dans le temps ne doit donc pas être systématique, mais plutôt être réservée aux patients en bon état général, avec peu de comorbidités et une espérance de vie élevée.

Pour conclure, rappelons que l’une des principales problématiques en matière de lutte contre le cancer colorectal est le faible taux de participation au dépistage en France. En 2022-2023, seuls 34,2 % de la population éligible y a recouru, bien loin des 45 % qui constituent le seuil européen recommandé.

Espérons que les nouvelles modalités d’obtention du test (commande en ligne et pharmacie), ainsi que les nombreuses campagnes de communication (telles que Mars bleu), qui visent respectivement à améliorer l’accessibilité au test et à informer davantage les populations concernées, permettrons de faire progresser ce pourcentage dans les années à venir…

Lucien Grados, Médecin spécialisé en gastroentérologie, chercheur associé au laboratoire Péritox (Périnatalité et risques toxiques) UMR-I 01, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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