Les gens frappés par la foudre ont neuf chances sur dix de s’en sortir. Mais survivre à 200 millions de volts, ça veut dire quoi ?
Il arrive qu’ils conservent les vêtements, les lambeaux de chemise ou de pantalons qui n’ont pas été découpés et jetés par les médecins et les infirmières. Ils racontent encore et encore leur histoire lors des réunions de famille ou sur Internet, où ils partagent des photos et des articles parlant d’autres survivants ou de tragédies plus graves que la leur. La vidéo d’un touriste frappé sur une plage brésilienne. Celle du Texan fauché par la mort alors qu’il faisait son jogging. Ou ces 65 personnes tuées au cours d’une tempête de quatre jours au Bangladesh.
Il n’y a qu’en mettant côte-à-côte les témoignages, les vêtements roussis et la peau brûlée que les survivants peuvent imaginer la trajectoire qu’a pu emprunter le courant électrique. Un courant qui peut approcher les 200 millions de volts et voyager à un tiers de la vitesse de la lumière.
C’est de cette façon que la famille de Jaime Santana a pu recoller les morceaux de ce qu’il s’est passé ce samedi après-midi d’avril 2016. À travers les blessures, les vêtements brûlés et son chapeau de paille à large bord, déchiqueté. « On dirait que quelqu’un a tiré dessus au boulet de canon », commente Sydney Vail, un chirurgien traumatologue de Phoenix, en Arizona, qui s’est occupé de Jaime à son arrivée en ambulance. Son cœur avait subi plusieurs chocs électriques par défibrillation tandis que les ambulanciers s’acharnaient à stabiliser son rythme.
Jaime était sorti pour une balade à cheval avec son beau-frère et deux amis dans les montagnes qui se dressent derrière la maison de ce dernier, en périphérie de Phoenix. Une excursion comme ils en faisaient souvent le week-end. Des nuages noirs se sont formés, avançant dans leur direction, aussi ont-ils fait demi-tour.
Ils étaient presque parvenus à la maison quand c’est arrivé, raconte Alejandro Torres, le beau-frère de Jaime. Il désigne la zone, un paysage aride hérissé de buissons qui s’étend au-delà de sa propriété. Au loin, les montagnes surplombent le désert, leurs pics bruns comme des crocs découpant l’horizon. Les quatre cavaliers avaient aperçu des éclairs au loin, alors qu’ils approchaient de la maison d’Alejandro. Mais il était à peine tombé quelques gouttes de pluie tandis qu’ils atteignaient les corrals, à quelques centaines de mètres du refuge.
Alejandro ne croit pas être resté KO très longtemps. Quand il est revenu à lui, il gisait face contre terre, complètement trempé. Son cheval avait disparu. Les deux autres cavaliers étaient choqués mais indemnes. Alejandro est parti à la recherche de Jaime, qu’il a trouvé près de son cheval effondré sur le flanc. En passant, Alejandro a touché ses pattes du pied. Elles étaient dures comme du métal, dit-il dans un anglais ponctué d’espagnol.
Il est arrivé auprès de Jaime : « J’ai vu de la fumée s’élever. C’est là que j’ai eu peur. » Des flammes sortaient de la poitrine de Jaime. Alejandro les a éteintes trois fois à mains nues. Et trois fois, le feu a repris. Ce n’est que plus tard, après qu’un voisin a accouru depuis sa maison pour les aider et que les ambulanciers sont arrivés, qu’ils ont commencé à réaliser ce qu’il s’était passé : Jaime avait été frappé par la foudre.
I.Les survivants
Justin Gauger aimerait que le souvenir du jour où il a été frappé par la foudre – alors qu’il pêchait la truite sur un lac près de Flagstaff, en Arizona – ne soit pas aussi vif. Si ce n’était pas le cas, il se dit que peut-être l’anxiété et le stress post-traumatique ne le poursuivraient pas depuis si longtemps. Même aujourd’hui, trois ans plus tard, quand un orage se déclare et que les éclairs se rapprochent, il ne se sent en sécurité qu’assis dans l’armoire de sa salle de bain, en suivant la progression de l’orage sur une application mobile.
Pêcheur passionné, l’arrivée de la pluie avait d’abord transporté Justin de joie en cet après-midi du mois d’août. La tempête s’était déclenchée brusquement, comme c’est souvent le cas en période estivale. Les poissons sont plus enclins à mordre quand il pleut, disait-il à sa femme, Rachel.
Mais alors que la pluie s’intensifiait, bientôt remplacée par de la grêle, son épouse et sa fille sont retournées à la camionnette, suivies de près par son fils. Les grêlons ont grossi rapidement, gros comme des balles de golf, et ils commençaient à faire vraiment mal en frappant le corps et la tête de Justin.
N’y tenant plus, il a attrapé sa chaise pliante – sur laquelle on peut encore voir aujourd’hui des traces de carbonisation – et tourné les talons en direction de la camionnette. Rachel filmait la tempête depuis le siège avant. Elle voulait conserver les images de son mari battant en retraite alors que la grêle s’intensifiait. Elle me montre la vidéo sur son téléphone.
Au début, tout ce qu’on peut voir sur l’écran est un voile de grêle qui s’abat sur le pare-brise, brouillant tout. Puis un éclair aveuglant traverse l’écran. C’est le seul éclair que Rachel a vu ce jour-là, celui qui d’après elle a frappé son mari....
Lire la suite sur Ulyces.co - Voilà ce qu’il se passe quand on est frappé par la foudre