Un livre passionnant retrace l’histoire du plus grand pirate de MP3 : un simple ouvrier de Caroline du Nord.
Si vous piratiez des tubes dans les années 2000, il y a des chances que bon nombre des MP3 illégaux qui remplissaient vos baladeurs aient été créés par un seul homme, un ouvrier discret de Caroline du Nord.
Cet homme, « le plus grand pirate de musique de tous les temps », se trouvait incognito dans le ranch de sa sœur quand le journaliste américain Stephen Witt est venu le rencontrer.
Stephen Witt s’était lancé dans une grande histoire du piratage MP3 depuis les années 1990 et il a passé trois ans à interviewer cet homme, Dell Glover, dont il a fait une figure centrale d’une longue enquête, qui vient de sortir en français : « A l’Assaut de l’empire du disque » (éd. Castor Astral).
Derrière les fichiers MP3 piratés qui ont rempli nos ordis puis nos baladeurs, Witt met au jour une histoire passionnante, qui lie un ouvrier bosseur, malin et débrouillard de Caroline du Nord, un groupe de pirates de haut vol caché dans les replis du Web, et une industrie du disque qui se réveille bien trop tard pour enrayer ce qui lui arrive.
Le plus grand pirate de musique de tous les temps
Voici comment Witt décrit Dell Glover :
« Il était la toute première source de contact pour des centaines de millions de fichiers MP3 recopiés – peut-être même des milliards – et vu la position prédominante occupée par Universal durant cette période, c’est à peine s’il y avait une personne de moins de 30 ans dont la musique sur l’iPod ne remontait pas jusqu’à lui.
Il était le fléau de l’industrie, le héros de l’underground [...]. C’était le plus grand pirate de musique de tous les temps. »
Pourtant, celui-ci n’est pas une figure flamboyante à la Kim Dotcom, le propriétaire provoc de la plateforme de streaming Megaupload, ni un personnage trouble comme Ross Ulbricht, le patron du site de vente de drogue en ligne Silk Road.
Un mec normal
A tous égards, Dell Glover est un mec normal. C’est un Noir américain de Caroline du Nord, né dans une famille modeste, élevé par un père féru de machines. Il est passionné d’informatique depuis ses 15 ans (suffisamment pour claquer à cet âge tendre l’équivalent de 4 000 dollars actuel dans l’un des premiers ordinateurs), et féru de musique.
Il vit à Shelby, petite ville de Caroline du Nord touchée par la désindustrialisation, et vers vingt ans, il commence à travailler dans l’usine locale : celle où le label PolyGram (dont le catalogue compte entre autres Abba, Kool and the Gang, les artistes de Def Jam…) fabrique ses CD.
Glover est affecté à l’emballage des CD : un boulot pas passionnant mais bien payé. Et il y a du travail, beaucoup : l’usine fonctionne en continu, 7 jours 7 et 24 heures sur 24. Elle peut produire jusqu’à 250 000 CD par jour.
Tous les employés doivent signer une clause par laquelle ils s’engagent à ne pas voler de CD – les CD gravés menacent déjà le marché légal et dans certains pays, l’ont complètement remplacé, comme en Asie du Sud Est...
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