Le 25 juin, la toute nouvelle Agence française anti-corruption a requis pour la première fois contre une entreprise, l’équipementier électrique, Sonepar. Un événement inédit et d’importance, comme l’explique dans une tribune au « Monde » l’avocat Nicolas Tollet.
Tribune. Dix-huit mois après être entrée en activité, la commission des sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA), créée par la loi Sapin II de 2016, a commencé à sévir : une première entreprise a inauguré bien malgré elle, mardi 25 juin, le passage devant sa commission des sanctions. Il s’agit en l’occurrence un équipementier électrique familial du nord de la France.
Quelques rappels s’imposent pour bien comprendre l’importance de cet événement. Il s’agit de l’un des aboutissements les plus concrets de la loi « Sapin II », qui vise à lutter au sein des entreprises contre les faits de corruption et de trafic d’influence. Cette loi s’applique aux sociétés de plus de 500 salariés actives en France, dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros par an.
L’AFA, créée dans la foulée pour contrôler les pratiques des entreprises, a démarré son activité en novembre 2017. Peu de temps après, on apprenait que plusieurs entreprises n’avaient pas passé avec succès une première vague de contrôles. Il aura fallu un an et demi pour qu’une première entreprise passe sous les feux tant redoutés de la commission des sanctions de l’AFA, et essuie ainsi les plâtres de la première commission de ce type, laquelle était ouverte au public.
Avoir sous-estimé la cartographie des risques de corruption
Et du public, il y en a eu ! Une file d’entente de 100 mètres commencée dans la rue deux heures avant l’audience. Une salle comble, avec un auditoire principalement constitué de personnes du monde du droit, mais aussi des journalistes. La raison de cette affluence était double : l’événement était non seulement l’occasion de découvrir la première audience de la commission des sanctions de l’AFA, mais surtout d’en savoir plus sur les faits reprochés à l’entreprise visée.
Ces faits étaient liés plus particulièrement à un manquement. L’entreprise aurait sous-estimé la cartographie des risques de corruption de ses activités à travers le monde. L’AFA a reproché à l’entreprise d’avoir bâclé son analyse, alors que cette cartographie est légalement obligatoire depuis la loi Sapin II et que l’ensemble du programme anticorruption repose sur elle.
L’entreprise avait pourtant externalisé la réalisation de cette cartographie anticorruption à un grand cabinet d’audit. Le directeur de l’AFA a balayé cet argument en expliquant qu’en ayant alloué un budget de seulement 119 000 euros, on ne pouvait guère escompter un travail en profondeur par ce prestataire, alors que la société est une multinationale présente dans près de 45 pays et emploie 45 000 salariés.
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