Un « comportement anormal » du tueur avait été constaté en 2015 après l’attentat de « Charlie Hebdo », mais il n’avait pas donné lieu à un signalement, a précisé le ministre de l’intérieur, qui assure que des « sanctions » seront prises si des erreurs ont été commises.
« Incompétence », « dissimulation », voire « scandale d’Etat » : visé par des attaques de l’opposition concernant l’attaque qui a fait quatre morts à la Préfecture de police de Paris, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, s’est à nouveau expliqué, lundi 7 octobre sur France Inter, reconnaissant un « dysfonctionnement de l’Etat », mais refusant l’idée que la tuerie soit révélatrice d’un « scandale d’Etat ». Il a promis de « resserrer le tamis » pour que tout indice de radicalisation chez les forces de l’ordre fasse l’objet d’un « signalement automatique ».
Le ministre a encore une fois déploré que les propos de cet informaticien de 45 ans justifiant, en 2015, les attentats de Charlie Hebdo n’aient pas suffisamment éveillé d’attention au sein de la direction du renseignement de la préfecture (DRPP) où il était employé. « Il n’y a pas eu d’alerte au bon niveau, au bon moment », a-t-il résumé.
Selon un rapport interne révélé dimanche par France Inter, ces déclarations n’ont pas fait l’objet d’un signalement formel. « Les signaux d’alerte auraient dû être suffisants pour déclencher une enquête en profondeur », a reconnu M. Castaner.
Interviewé dimanche sur TF1 alors que plusieurs membres de l’opposition réclament sa démission, le représentant de la Place Beauvau avait estimé que « la question ne se pose pas ». Admettant toutefois « des failles, puisque trois hommes et une femme sont morts sous les coups de l’assaillant ».
Christophe Castaner, qui avait assuré peu après cette attaque au couteau que le suspect « n’avait jamais présenté de difficultés comportementales », a rappelé sur TF1 qu’« aucun élément sur une quelconque radicalisation n’apparaît dans son dossier administratif ».
Converti à l’islam depuis une dizaine d’années, Mickaël Harpon, un informaticien de 45 ans qui travaillait depuis 2003 à la direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris (DRPP), avait pourtant adopté au fil des ans « une vision radicale de l’islam », a révélé samedi le procureur antiterroriste. Les premières investigations ont notamment souligné son « approbation de certaines exactions commises au nom de cette religion » et « sa justification » des attentats de Charlie Hebdo en 2015.
Un signalement avorté
Sur ce point, Christophe Castaner précise que deux de ses collègues avaient « fait état, en juillet 2015, d’un comportement anormal et d’une altercation suite à l’attentat de Charlie Hebdo ». Le policier en charge de la radicalisation « les a rencontrés, les a écoutés, il leur a expressément demandé s’ils voulaient faire un signalement administratif. Ils auraient, selon les informations qui m’ont été communiquées, décidé de ne pas faire de signalement ». « Si ces faits sont confirmés, le dysfonctionnement est à ce moment-là. (…) Nous aurions alors évité le pire », poursuit le ministre de l’intérieur.
Et de maintenir qu’« aucun signe n’était apparu dans le dossier administratif de l’individu laissant penser à une radicalisation », précisant que « le suspect présentait de bonnes notes ces dernières années » et que son « habilitation a toujours été renouvelée ».
Christophe Castaner affirme que l’enquête ouverte par le Parquet national antiterroriste (PNAT) permettra de « creuser cela ». Le lancement, par le premier ministre, de deux missions d’évaluation, confiées à l’inspection générale du renseignement, devra également permettre de pointer les dysfonctionnements.
Face aux critiques visant le ministre de l’intérieur – plusieurs membres de l’opposition réclament sa démission –, le premier ministre, Edouard Philippe, lui a assuré sa « confiance », samedi, refusant de « répondre à des polémiques politiciennes ».
Castaner sera auditionné par la commission parlementaire
M. Castaner sera auditionné mardi par la délégation parlementaire au renseignement sur les « dysfonctionnements » qui ont mené à la tuerie de la Préfecture de police de Paris, a annoncé à l’Agence France-Presse son président, Christian Cambon.
« Nous sommes dans les éléments techniques pour savoir où cela a péché », a expliqué M. Cambon. « On va essayer de trouver quels sont les dysfonctionnements. »« Il y a une chaîne de questions intéressantes qui sont : l’habilitation, l’identification des membres qui se sont radicalisés, la sécurité et, surtout, la question de savoir quels éléments cet agent de maintenance informatique a pu se procurer. » Car « il peut les utiliser, les transmettre », a-t-il souligné.
Christian Cambon a ajouté que la délégation pourrait ensuite décider d’entendre d’autres responsables, en fonction des réponses du ministre entendu à huis clos.
« Nous ne savons pas les informations auxquelles il a eu accès »
Le secrétaire d’Etat à l’intérieur, Laurent Nunez, a pour sa part déclaré dimanche sur BFM-TV ne pas avoir connaissance de l’existence d’une cellule autour du tueur de la Préfecture de police :
« L’enquête va se poursuivre pour déterminer l’ensemble de ses contacts, mais, à ce stade, ce que je peux vous dire au vu des informations qui sont les miennes et en se référant à ce qu’a dit le procureur national antiterroriste, on ne peut parler de l’existence d’une cellule. »
Il a, cependant, concédé ne pas savoir à quelles données cet informaticien travaillant à la direction du renseignement de la Préfecture de police avait pu avoir accès : « Nous ne savons pas les informations auxquelles il a eu accès. Pour l’instant, nous n’avons pas de raison de penser qu’il a pu transmettre des informations. (…) Il faut qu’on y voit clair le plus vite possible là-dessus. »
Malgré les critiques, M. Nunez a écarté l’hypothèse d’un rapide changement à la tête de la DRPP ou d’une réforme de ce service susceptible d’être intégré à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) : « Pour l’instant, ce genre de questions ne se pose pas. La priorité, c’est l’investigation », a affirmé celui qui dirigea la DGSI de 2017 à 2018. « S’il y a eu des dysfonctionnements, il y aura des sanctions », a-t-il cependant promis, à l’unisson du ministre de l’intérieur.
Source : Tuerie à la Préfecture de police : Christophe Castaner reconnaît des « dysfonctionnements »