REPORTAGE | Peu compétitive, l’industrie de l’ancienne RDA ne s’est pas remise du choc de la réunification, scellée en 1990, et des privatisations. Même si le niveau de vie des habitants a fortement progressé.
Avec ses façades anguleuses et ses hautes mosaïques exaltant la condition ouvrière, Eisenhüttenstadt (Brandebourg) a des airs de musée du communisme grandeur nature. Les Volkswagen ont certes remplacé les Trabant, qui pétaradaient jadis dans ses larges avenues rectilignes, mais la ville-modèle socialiste, fondée en 1950 sous le nom de Stalinstadt par les autorités de la République démocratique allemande (RDA), n’a guère changé d’apparence depuis la chute du rideau de fer.
Il n’empêche : un silence déroutant, une insaisissable mélancolie emplissent son centre-ville impeccablement rénové et entièrement classé au registre des monuments historiques. De rares passants, souvent âgés, arpentent ses vastes esplanades. Eisenhüttenstadt est une ville exsangue. Victime des bouleversements économiques engendrés par la réunification allemande, la cité ouvrière, située à la frontière polonaise, à 120 kilomètres de Berlin, s’est vidée de la moitié de ses résidents en une génération. De ses 51 000 habitants de 1989, il en reste à peine 25 000 aujourd’hui.
« Eisenhüttenstadt est encore une ville industrielle », insiste Frank Balzer, le maire social-démocrate de la commune. Après son élection, en 2018, l’ancien syndicaliste a mis fin à une longue carrière bien à l’image de sa ville : M. Balzer a été embauché, en 1982, à EKO-Stahl, l’immense usine sidérurgique qui s’étire sur plusieurs kilomètres aux abords de la ville, le long du canal Oder-Spree. Il y a travaillé pendant trente-six ans. Désormais propriété d’ArcelorMittal, l’aciérie n’emploie plus que 2 500 personnes, contre près de 15 000 à son apogée, avant la réunification de 1990.
Balayées par la concurrence des groupes d’Allemagne de l’Ouest
Tous ceux qui sont partis n’ont pas été licenciés : de nombreux services, comme la garderie ou l’entretien, ont été externalisés au moment de la privatisation. Mais d’autres entreprises d’Etat présentes dans la cité-modèle, comme le combinat de la viande ou la société de bâtiment WGK, ont mis la clé sous la porte, balayées par la concurrence des groupes d’Allemagne de l’Ouest. Des milliers d’emplois ont disparu. D’ailleurs, EKO-Stahl a bien failli subir le même sort, en 1993. « Jusqu’à notre reprise par [le sidérurgiste belge] Cockerill-Sambre, nous avons dû batailler pour sauver notre usine », se souvient l’édile. Soutenus par la population, les métallos sont allés jusqu’à bloquer l’autoroute pour mettre la pression sur les autorités.
Lire la suite : Trente ans après la chute du mur de Berlin, une économie est-allemande encore convalescente
Articles en Relation
Les tongs, un succès mondial aux pieds de tous
Image de freestockcenter sur Freepik
Les tongs, un succès mondial aux pieds de tous
La boutique éphémère...
Faut-il détester les Crocs ?
Photo de 1MilliDollars sur Unsplash
Photo de 1MilliDollars sur Unsplash
Faut-il détester les Crocs ?
François Lévêque, Mines P...
Le « sans alcool » est-il l’avenir du vin ?
Image de master1305 sur Freepik
Le « sans alcool » est-il l’avenir du vin ?
Les bouteilles à teneur en alcool infé...
Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique
Image de azerbaijan_stockers sur Freepik
Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique
En 2019, plus ...
Roland-Garros : comment l’économie éclaire les performances des champions
Roland-Garros : comment l’économie éclaire les performances des champions
La science économique a des chose...
Emploi des seniors : quelle est la vraie valeur de l’expérience ?
Image de gpointstudio sur Freepik
Emploi des seniors : quelle est la vraie valeur de l’expérience ?
L'ex...