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Catherine de Médicis (Samantha Morton), dans la série « The Serpent Queen », de Justin Haythe. STARZ

« The Serpent Queen », hommage modernisé à Catherine de Médicis ?

Catherine de Médicis (Samantha Morton), dans la série « The Serpent Queen », de Justin Haythe. STARZ
Susan Broomhall, Australian Catholic University

Au cours du XVIe siècle, Catherine de Médicis a été successivement reine de France, mère de trois rois et de deux reines, et belle-mère de Marie, reine d’Écosse. Avec tant de pouvoir et une telle longévité, le personnage avait tout pour séduire les scénaristes, et c’est ainsi qu’elle est devenue l’héroïne de la série The Serpent Queen.

Dans cette fiction, nous découvrons une Catherine intelligente et puissante (interprétée par Liv Hill à l’adolescence et Samantha Morton à l’âge adulte), séduisante et dangereuse. Ayant connu des violences dans l’enfance, et rejetée par son mari Henri (Alex Heath interprétant le jeune Henri et Lee Ingleby Henri sa version adulte), elle devient impitoyable.

Catherine décide de gouverner avec l’aide de la magie noire, déterminée à donner une leçon à ses ennemis. Et déclare même « ça fait du bien d’être méchante », sur fond de riffs de guitare.

Mais la série propose-t-elle vraiment une nouvelle vision du personnage ? En réalité, l’histoire de l’une des « bad girls » préférées de l’histoire se répète. Et dans ce processus, l’histoire de la vraie Catherine de Médicis est à nouveau déformée.

Il semble que la propagande conçue de son vivant – renforcée par les générations suivantes – reste plus convaincante que jamais.

Une femme de pouvoir

Catherine n’a jamais régné sur la France, mais elle connaissait intimement les rouages de la politique, au plus haut niveau.

Les lettres qui nous sont parvenues (quelque 6 000 ont été conservées) ne nous donnent qu’une petite idée de l’ampleur des relations qu’elle a entretenues tout au long d’une vie longue et bien remplie.

Sa trajectoire a été remarquable. Les Médicis n’étaient pas une dynastie de sang royal, mais Catherine est néanmoins devenue régente et a été la conseillère de ses fils devenus rois.

Sa sphère d’influence en tant qu’épouse et mère, bien que conventionnelle, était perçue comme dangereuse par les hommes politiques et les commentateurs, parce qu’elle se jouait hors des mécanismes formels de régulation du pouvoir.

Plusieurs versions de Catherine

Catherine connaît l’apogée de son pouvoir au moment des guerres de religion. De 1562 à 1598, catholiques et Huguenots s’opposent en France.

Devenue veuve en 1559, Catherine reste proche du trône en tant que conseillère de ses trois fils devenus rois.

Bien qu’ils soient catholiques, les recommandations de Catherine pour ses fils favorisaient généralement une voie médiane visant à maintenir l’intégrité du royaume et la réputation de la dynastie à laquelle elle était affiliée.

Les Médicis n’étaient pas une dynastie de sang royal, mais Catherine est néanmoins devenue régente de France. Stan

Les ardents défenseurs des deux camps n’y trouvaient pas leur compte et ont créé différentes versions du personnage de Catherine de Médicis à instrumentaliser en fonction de leur cause. Dans tous les cas, Catherine apparaissait comme un ennemi public. Un pamphlet de 1575 versifie ainsi :

« Elle dépouille les coqs, leur arrache la crête et les testicules, une virago règne sur les Français. Une femme débridée se nourrit de testicules de coqs, et en dévorant cette nourriture, elle se frappe les lèvres et dit : “Ainsi, je castre le courage gaulois, ainsi je déshabille les Français, ainsi je les soumets”. »

Cette vision scandaleuse rencontra beaucoup de succès.

Bien sûr, Catherine de Médicis veillait elle-même à son image à travers des productions artistiques, des cérémonies officielles, la décoration de ses palais et par son comportement public.

Catherine connaissait les enjeux importants pour les femmes. Elle entretenait des relations tendues et complexes avec Marie, reine d’Écosse, mais elle l’a défendue auprès de Francis Walsingham, le courtisan d’Élisabeth I. Elle a déclaré à Walshingham qu’elle “savait très bien combien de fois les gens ont dit des choses sur une pauvre princesse affligée qui ne se sont pas toujours révélées être vraies”.

Après sa mort, des dizaines de versions de Catherine ont pris leur envol dans des romans. Dans la Reine Margot (1845) d’Alexandre Dumas, elle dissèque le cerveau d’un poulet dont elle a tranché la tête d’un seul coup, en vue d’une analyse prophétique. Elle est affublée d’un « sourire malin ».

Elle n’a guère eu plus de succès auprès des érudits du XIXe siècle. L’historien influent Jules Michelet, un huguenot, a qualifié Catherine de « larve du tombeau de l’Italie ».

Cette représentation de Catherine a également connu un grand succès au fil de l’histoire.

Les femmes dans l’opinion publique

Le traitement réservé à Catherine tout au long de l’histoire reflète notre relation problématique avec le rôle des femmes dans la vie publique. Il existe une longue histoire d’hostilité envers les femmes de pouvoir et les femmes au pouvoir.

The Serpent Queen retrace la vie de Catherine, depuis les épreuves de son enfance jusqu’à l’époque où elle joua un rôle politique central, pendant le règne de ses fils. Dans la série, elle apparaît puissante, maîtresse de son récit. Ses répliques font même écho à des discours enregistrés par des ambassadeurs contemporains.

Cette Catherine semble rechercher notre sympathie. Elle nous regarde et nous parle directement, semblant solliciter notre compréhension. Elle semble nous demander : « Dites-moi ce que vous auriez fait à ma place ».

Mais c’est peut-être simplement notre complicité dans la création d’une version familière de Catherine que la série cherche à susciter.

S’agit-il d’une Catherine nouvelle pour des temps nouveaux, complexe, remise dans son contexte, libérée de la réputation de « bad girl » qui l’a poursuivie à travers les siècles ? Ou bien simplement d’une version modernisée de Catherine en « bad girl » ? une chose est sûre : on est encore dans le domaine de la légende, et loin de la vérité historique.

Susan Broomhall, Director, Gender and Women's History Research Centre, Australian Catholic University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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