Dans « L’Affairiste », à paraître le 16 octobre chez Stock, dont nous publions des extraits, Simon Piel et Joan Tilouine, journalistes au « Monde », retracent le parcours tumultueux de l’intermédiaire franco-algérien Alexandre Djouhri, de Sarcelles au palais de l’Elysée.
[Alexandre Djouhri, né Ahmed Djouhri, a grandi à Sarcelles (Val-d’Oise), au nord de Paris. Plusieurs de ses amis de jeunesse sont impliqués dans des braquages et des cambriolages. Au début des années 1980, il fréquente le milieu parisien du banditisme et se rapproche aussi d’Anthony Delon, le fils de l’acteur, rencontré dans une boîte de nuit parisienne, L’Apocalypse, avec leur ami David Tordjman.]
C’est autour d’un verre à « L’Apo » avec Anthony que leur vient l’idée de s’associer avec Tordjman pour lancer une marque de vêtements en cuir. Ils ont toutes les connexions nécessaires dans le Sentier, centre névralgique du négoce de textile à Paris. En utilisant le nom de Clotilde, sa compagne, Djouhri prend 25 % des parts de la nouvelle société. Opportunément, celle-ci est baptisée Anthony Delon Diffusion, et les blousons en cuir qui sortent de l’atelier rue Bichat, dans le 10e arrondissement, sont griffés AD. Comme Anthony Delon ou Alexandre Djouhri. Comme Alain Delon aussi.
La nouvelle marque est lancée en octobre 1983 à l’occasion d’une fête extravagante à L’Apocalypse. Veste de smoking et pantalon de cuir noir, le jeune entrepreneur [Anthony Delon], vitrine de la marque, salue les vedettes qui se pressent à l’inauguration. Plus de 600 personnes sont là pour assister au show. Près d’Anthony, sa copine du moment, le mannequin Nina Klepp, mais aussi Régine, l’actrice Clio Goldsmith, Sophie Marceau et Pierre Cosso, son partenaire de La Boum 2. Nathalie Delon aussi est venue soutenir son fils. La soirée est un succès. Le lendemain, la presse salue le plus jeune entrepreneur de France à la bouille d’ange, ignorant tout de son association avec Monsieur Alexandre.
Les embardées hors la loi d’Ahmed avec ses « frères » sarcellois paraissent loin. Pourtant, à la cour d’assises de Paris, trois d’entre eux s’apprêtent à les payer en années de prison pour une série de braquages, dont le dernier manqué, rue Linois. A l’audience, la présidente dit regretter que les frères Djouhri ne soient pas sur le banc des accusés. Boualem [l’un des frères] est assis dans le public. Il serre les dents. Ahmed ne s’est pas déplacé au tribunal pour soutenir ses amis. Mais il a une bonne excuse : sa fille Candice est née deux semaines plus tôt. Le 20 janvier 1984, Bruno, Jean-Louis et Georges sont condamnés à dix-huit, quinze et douze ans de prison. Les liens fraternels qui unissaient jusqu’ici l’équipe de Sarcelles, dans la fête comme dans le crime, se fissurent.
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