Quand bien même le divorce serait acté, il resterait à négocier le futur accord de libre-échange entre Londres et Bruxelles, et celui-ci risque d’être au moins aussi long et compliqué à conclure, prévient Eric Albert, correspondant du « Monde » à Londres.
Chronique. A cette vitesse, Godot va finir par arriver avant le Brexit. Trois ans et quatre mois après le référendum, avec trois dates butoirs repoussées, la sortie de l’Union européenne (UE) du Royaume-Uni n’est toujours pas actée. La faute en incombe avant tout à un Parlement britannique divisé à l’extrême et incapable de compromis – les Européens, de leur côté, ont déjà accepté deux formes de l’accord.
Mais si vous n’en pouvez plus de cette saga, mauvaise nouvelle : cela va encore durer des années. Même si l’accord de retrait actuel finit par être approuvé par les députés britanniques, même si des élections dégagent une majorité claire à la Chambre des communes, il ne s’agira que de la première étape. Dans un second temps, il reste à négocier le futur accord de libre-échange entre Londres et Bruxelles, et celui-ci risque d’être au moins aussi long et compliqué à conclure.
L’accord de retrait ne signe en effet que le divorce. Il permet aux Britanniques de ne plus être membres de l’UE, ce qui est politiquement très important. Mais économiquement, rien ne changera. Il restera à déterminer, secteur par secteur, quel accès au marché unique les Britanniques conserveront (et réciproquement), quels droits de douane s’appliqueront, comment les normes sanitaires, agroalimentaires ou financières seront reconnues…
Ce genre d’exercice prend normalement des années. Le CETA, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, a nécessité six ans de négociations. Celui entre l’UE et la Corée du Sud a pris quatre ans. Certes, il n’y avait pas la même urgence politique que dans le cas du Brexit, mais les difficultés techniques seront nombreuses.
Le Brexit en schéma : un report, un premier vote positif et encore beaucoup d’inconnuesIl y avait eu ce vote inattendu à la Chambre des communes en faveur d’un texte relatif au Brexit le 22 octobre dernier – une première depuis 2016 avec 329 voix contre 299 – puis dans la foulée, un vote qui refusait au premier ministre une procédure accélérée pour examiner son accord négocié avec Bruxelles le 17 octobre. De ce fait, Boris Johnson était contraint de demander une nouvelle date de sortie aux Vingt-Sept. Lundi 28 octobre, l’UE a accordé un report flexible jusqu’au 31 janvier 2020, par la voix du président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk.
Le Parlement britannique a gagné sur le report à la fin du mois de janvier, contre Boris Johnson qui voulait quitter l’UE le 31 octobre 2019, mais une chose est sûre : il reste encore bien des questions à régler, au premier chef desquelles on trouve le vote formel de l’accord par le Parlement, alors qu’il n’a consenti pour le moment qu’à se pencher sur la loi d’application de l’accord.
Le premier ministre, qui n’a plus de majorité, pourrait, par exemple, demander au Parlement de convoquer des élections générales. Mais il a besoin pour cela des deux tiers des voix des députés.
Ce diagramme présente les différents chemins que peut prendre la crise du Brexit côté britannique à partir de la conclusion d'un nouvel accord entre les deux parties, jeudi 17 octobre.Sources : Le Monde, The GuardianConscients du problème, Londres et Bruxelles ont prévu dans l’accord de retrait une période de transition qui court jusqu’au 31 décembre 2020, pendant laquelle les relations économiques actuelles resteront les mêmes. Pour les entreprises, rien ne changera. Mais cette période de transition est de plus en plus courte. Initialement, le Brexit devait avoir lieu le 29 mars 2019, et celle-ci devait donc durer presque deux ans. A l’époque, le patronat avertissait déjà que cela pourrait être insuffisant. Avec les retards actuels, la transition sera à peine d’un an.
« Brexeternity »
Son extension est possible, par exemple jusqu’à fin 2021 ou fin 2022. Attendez-vous donc à entendre parler, au courant de l’année prochaine, des risques d’un… « no deal ». Le Royaume-Uni pourrait en effet sortir de cette période de transition sans qu’un accord ne soit conclu. Du jour au lendemain, il deviendrait un pays tiers commerçant aux normes de base de l’Organisation mondiale du commerce.
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