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Résistance aux antibiotiques : pour votre santé, attention aussi à bien soigner vos animaux !

Céline Pulcini, Université de Lorraine et Jean-Yves Madec, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

La moitié des Français environ possède un animal de compagnie. Les contacts entre les humains et leurs animaux sont souvent étroits et répétés. Si certains risques infectieux à l’interface homme/animal sont bien connus, comme la toxoplasmose, transmise par les chats, la menace de l’antibiorésistance vient rarement à l’esprit. Et pourtant…

L’antibiorésistance, une menace pour la santé publique

La résistance des bactéries aux antibiotiques, ou antibiorésistance, est aujourd’hui identifiée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme l’une des menaces majeures pesant sur la santé de l’humanité.

Rien qu’en France, chaque année, environ 4500 personnes décèdent en raison d’une infection à bactérie multirésistante, c’est-à-dire résistante à de nombreux antibiotiques. Dans le monde, ce sont près de 1,3 million de personnes qui sont mortes en 2019 de telles infections, soit plus que les décès dus au paludisme ou au VIH.

Le phénomène d’antibiorésistance compromet l’efficacité des traitements antibiotiques, nuisant à la santé humaine ainsi qu’à celle des animaux. Cela veut dire concrètement qu’on a de fortes chances de mourir d’une infection due à une bactérie qui ne peut pas être traitée par les antibiotiques disponibles, lorsque cette infection est grave.

De manière générale, la durée des soins est souvent plus longue lorsqu’une infection bactérienne est résistante aux antibiotiques, et il faut parfois être pris en charge à l’hôpital.

Par ailleurs, l’antibiorésistance augmente le risque de séquelles liées à l’infection, car l’infection devient alors plus difficile, voire impossible, à traiter.


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Quel est le rapport entre animaux de compagnie et antibiorésistance ?

Une seule prise d’antibiotique suffit pour sélectionner des bactéries résistantes dans nos microbiotes, dans la flore intestinale par exemple. Une fois « porteur » d’une telle souche résistante, on ne s’en aperçoit pas forcément : on ne tombe pas toujours malade, la ou les bactéries vivent souvent simplement comme les autres dans notre organisme.

Le problème est que les bactéries, qu’elles soient résistantes ou sensibles aux antibiotiques, circulent… Elles se transmettent en permanence entre les êtres humains, les animaux (de compagnie ou d’élevage), et l’environnement (sol, eau, surfaces diverses…). On peut donc partager avec son animal des bactéries résistantes aux antibiotiques, et lui peut faire de même avec vous.

Ainsi, certains éleveurs de porcs se sont-ils retrouvés porteurs de staphylocoques multirésistants aux antibiotiques, lesquels leur ont été transmis par contact avec leurs animaux. Inversement, des staphylocoques multirésistants humains ont été transmis par des propriétaires à leur chien.

Le fait que l’antibiorésistance puisse se transmettre entre les animaux et l’être humain a été confirmé par un récent rapport des agences européennes.

Chez l’être humain comme chez l’animal, la prise d’antibiotiques peut se faire à la maison ou au cours d’une hospitalisation. Les bactéries résistantes peuvent ensuite circuler entre les membres du foyer (humains ou animaux), ou au sein de l’hôpital ou de la clinique vétérinaire, ou encore lors des différents contacts après la sortie d’hospitalisation.

Qui consomme le plus d’antibiotiques ? Les humains ou les animaux ?

En France, contrairement aux idées reçues qui circulent encore, les animaux - de compagnie ou d’élevage - consomment moins d’antibiotiques que les humains. Cela n’a pas toujours été le cas : cette situation résulte des efforts importants réalisés depuis plus de 20 ans en médecine vétérinaire, notamment dans le cadre des programmes ministériels Ecoantibio 1 et 2 et des règlements européens.

Les consommations humaines d’antibiotiques ont également évolué à la baisse en France, cependant de manière moins marquée que chez les animaux.

Il faut toutefois préciser que la forte baisse de consommation d’antibiotiques en médecine vétérinaire en France a surtout concerné les animaux d’élevage. Pour les animaux de compagnie, les usages sont restés globalement constants. C’est la raison pour laquelle le programme ministériel Ecoantibio 3, lancé en novembre 2023, demande un effort particulier pour les chiens, les chats et les chevaux.

Au niveau mondial, en revanche, les choses sont un peu différentes. L’usage des antibiotiques chez les animaux a certes globalement tendance à baisser ces dernières années, mais de nombreux pays utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance dans l’élevage. Depuis 2006, cette pratique est interdite dans les pays de l’Union européenne (UE), laquelle a étendu cette interdiction par le règlement 2019/6 entré en application le 28 janvier 2022, dont l’article 118 impose que les produits importés dans l’UE proviennent d’animaux n’ayant pas été traités avec des antibiotiques facteurs de croissance.

Conseils pratiques pour limiter les risques de propagation

Quelques gestes simples, facilement applicables au quotidien, permettent de réduire le risque d’infection et d’antibiorésistance, chez l’homme comme chez l’animal :

  • Vérifier que ses vaccinations et celles de son animal sont à jour ;
  • Éviter dans la mesure du possible les morsures et griffures, qui peuvent être responsables d’infections (lesquelles risquent de nécessiter le recours à des antibiotiques pour les traiter). Si vous vous faites malgré tout mordre ou griffer par votre animal, le bon réflexe est d’immédiatement désinfecter la plaie, puis de prendre l’avis d’un professionnel de santé ;
  • S’assurer d’avoir une bonne hygiène des mains (lavage ou friction) après avoir touché un animal, des aliments pour animaux ou des déchets provenant d’animaux. Il s’agit là aussi de réduire le risque d’infection et limiter la transmission de bactéries ;
  • Garder en mémoire que toute prise d’antibiotique, chez l’humain comme chez l’animal, est une situation à risque de sélectionner, puis de transmettre des bactéries résistantes à son entourage ; il convient donc d’être tout particulièrement vigilant à l’hygiène des mains au cours et au décours d’une prise d’antibiotique ;
  • Rapporter les antibiotiques restants à la pharmacie ou au vétérinaire, pour éviter de contaminer l’environnement ;
  • Ne pas s’automédiquer ni partager ses antibiotiques avec ses proches ou son animal (et vice versa), car un traitement antibiotique est adapté à un cas précis.

Tous ces réflexes simples à appliquer au quotidien peuvent permettre à chacun de contribuer à préserver l’efficacité des antibiotiques, pour soi, pour ses proches et pour ses animaux, en France et ailleurs, maintenant et pour les générations futures. Atteindre cet objectif constitue un réel défi sociétal, politique et de santé, vis-à-vis duquel chacun doit se sentir concerné.

En effet, humains comme animaux, nous aurons tous possiblement besoin, à un moment donné de notre vie, de recourir à des antibiotiques pour soigner une infection bactérienne qui pourrait avoir, si elle ne peut pas être traitée de manière optimale, de graves conséquences pour notre santé.


Pour aller plus loin :

- Pour contribuer au bon usage des antibiotiques, en lien avec son professionnel de santé, ne pas hésiter à consulter Antibio’Malin, l’espace dédié aux antibiotiques du site santé.fr ;

-Jean-Yves Madec a contribué à l’ouvrage « L’antibiorésistance : un fait social total », qui illustre la nécessaire complémentarité des disciplines pour comprendre et lutter contre l’antibiorésistance.

-Céline Pulcini est l’auteur du roman « 

 », qui aborde notamment le sujet des études de médecine, de la prévention des infections et de l’antibiorésistance.

Céline Pulcini, Professeur de médecine, infectiologue, Université de Lorraine et Jean-Yves Madec, Directeur Scientifique Antibiorésistance de l'ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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