Ancien haut cadre de l’Agirc-Arrco, Pierre Chaperon analyse, dans une tribune au « Monde », quelle conséquence aurait l’introduction de la « clause du grand-père » dans le débat sur la date de mise en œuvre du futur système de retraite.
Tribune. Les tensions autour de la réforme des retraites s’accumulent. Elles font ressortir un paradoxe : nos concitoyens unanimement critiques à l’égard du système de retraite national semblent en redécouvrir subitement les vertus et font preuve d’un attachement soudain à l’égard d’une construction que l’on croyait vieillie, illisible et peu performante.
Forts de ces contradictions, nos gouvernants prennent conscience, si besoin en était, que la retraite est un produit hautement inflammable qui ne s’accommode guère d’évolutions brutales.
Le haut-commissariat à la réforme des retraites l’a bien compris : des délais et des transitions seront nécessaires avant d’atteindre ce qui est aujourd’hui présenté comme le régime cible.
Se pose alors la question de l’ampleur de ces délais pour une réforme dont la prise d’effet est prévue au 1er janvier 2025 et devrait, dans le cadre d’une montée en charge progressive, concerner en premier lieu la génération 1963 : la mise en œuvre de ce scénario conduit, en toute logique, à toucher d’autant plus les personnes qu’elles sont loin de l’âge de prise de la retraite.
« Groupe fermé » de cotisants
L’essayiste Alain Minc, le 6 octobre dans Le Parisien, a plaidé, au nom de ce qu’il considère comme un principe de réalité, pour que la réforme ne soit applicable qu’aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail. Il s’agirait alors de repousser la date d’entrée en vigueur de la réforme en excluant de celle-ci les personnes déjà en poste : le système permettrait le maintien des droits et des statuts des personnes, sujet on le sait particulièrement sensible pour ce qui concerne la sphère publique.
Repousser la prise d’effet de la réforme dans le temps, loin de constituer un « plan B », constituerait une voie de contournement rappelant les modalités d’une « réforme » des retraites que l’on qualifie parfois de scénario italien
Les tenants de cette modalité de réforme que l’on qualifie souvent du nom évocateur – et peu porteur ! – de « clause du grand-père » estiment qu’en l’activant, on permettrait de faire accepter plus facilement une réforme qui ne toucherait, de fait, pas les personnes en activité mais leurs enfants – ou leurs petits-enfants : ces derniers qui n’ont pas voix au chapitre viendraient, à leur corps défendant, étrenner le nouveau dispositif. Outre le fait qu’elle passerait à côté de l’effet recherché d’un « choc de simplification », une telle solution, qui est souvent pratiquée en matière d’assurance, ne serait, de fait, pas sans difficultés et obstacles très pratiques.
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